Madame à minuit, croyez-vous qu'on veille ? Madame à minuit, croyez-vous qu'on rit ? Le vent de l'hiver me corne aux oreilles Terre de Noël, si blanche et pareille, Si pauvre, si vieille, et si dure aussi.
Au fond de la nuit, les fermes sommeillent, Cadenas tirés sur la fleur du vin, Mais la fleur du feu y fermente et veille
Comme le soleil au creux des moulins Comme le soleil au creux des moulins.
Aux ruisseaux gelés la pierre est à fendre Par temps de froidure, il n'est plus de fous, L'heure de minuit, cette heure où l'on chante
Piquera mon coeur bien mieux que le houx Piquera mon coeur bien mieux que le houx.
J'avais des amours, des amis sans nombre Des rires tressés au ciel de l'été, Lors, me voici seul, tisonnant des ombres
Le charroi d'hiver a tout emporté Le charroi d'hiver a tout emporté.
Pourquoi ce Noël, pourquoi ces lumières, Il n'est rien venu d'autre que les pleurs, Je ne mordrai plus dans l'orange amère
Et ton souvenir m'arrache le coeur Et ton souvenir m'arrache le coeur.
Madame à minuit, croyez-vous qu'on veille ? Madame à minuit, croyez-vous qu'on rit ? Le vent de l'hiver me corne aux oreilles Terre de Noël, si blanche et pareille, Si pauvre, si vieille, et si dure aussi.
Originaire du Nord de la France, il est
né le 16 septembre 1915 et décédé le 29 décembre 1983 à Hermeray (Yvelines)...
Au début de la Seconde Guerre mondiale, il est mobilisé au 46e R.I. et combat
en Lorraine avant d'entrer dans la résistance au réseau Hunter-Nord. Il fournit
des poèmes pour Poètes casqués 40 de Pierre Seghers. Un résistant communiste,
Jean Garaudet, le fait entrer à Radio Paris pour une entreprise de noyautage, où
il est chargé plus particulièrement des émissions de poésie. En 1941, il est un
des premiers participants de l'École de Rochefort que venait de fonder le poète
Jean Bouhier avec Michel Manoll et René-Guy Cadou. (lire sur Wikipedia)
Mais qui est donc Luc Bérimont ?
"Sur ses photos, plusieurs ont remarqué qu'il a toujours la bouche ouverte!
C'est qu'il rit beaucoup ... qu'il parle également beaucoup! Effectivement, je
le crois capable de raconter des histoires, des souvenirs, des anecdotes,
pendant des heures; et tout ça avec fougue, animation, comme s'il se les goûtait
une seconde fois! C'est signe qu'il sait regarder le monde qui l'entoure et s'en
délecter. Donner ce monde en partage aussi. D'ailleurs, j'ai surpris souvent,
dans son regard, au plus palpitant d'une anecdote, une lueur gourmande, derrière
ses lunettes...
Luc Bérimont enchaîne, avec véhémence, sur ses convictions profondes :" Un
poème directement abordable ce n'est plus de la poésie, c'est le journal! Moi,
j'écris pour me voir, pas pour me montrer. Et si le poème traduit le monde
intérieur, ça ne peut pas être clair! » C'est, sans doute, sa façon à lui de
jouer à chat avec ses lecteurs! tiré de Luc Bérimont Portrait de l'artiste en chat crevé
Christian Poslaniec et la 4" B. du C.E.S. Lean
Cocteau, Coulaines. 16
Paul Chaulot dans la collection "Poètes d'aujourd'hui" des éditions Seghers (1966), lui consacre une place de choix.
Luc Bérimont, poète utile
- Il affirme que "ce qui est important, c'est que le langage continue
d'être associé à la création du monde", il
ne se situe pas autrement. Et c'est en cela qu'il a tenté
d'être "utile" en et à notre temps. poète du terroir - il procède du terroir, dans son imaginaire. Il raconte son enfance dans son livre " Le bois Castiau (Laffont, 1963),
La forêt dénudée, hostile, retentissait de craquements
mystérieux, de bruits d'ailes. Sa cage de branches retenait les
bêtes transies. Je l'avais vue devenir écarlate en octobre, avant
de se dépouiller aux premières pluies lourdes de l'hiver, avant
de s'engourdir sous la carapace du froid..."
et comment la poésie avait permis moins la sauvergarde que le prolongement naturel et fécond
de cette expérience originelle, grâce à la rencontre de Félix-Quentin
Cafflau, "habitant un village à pommiers". Avec lui, il compose une
revue de poésie : Prairie,
imprimée grâce à des caracteres sculptés au couteau dans le bois. Un
caillou à fromages servait de presse et les feuillets étalent mis à
sécher sur la paille.
Ce début
marque la poésie de Luc Bérimont." Le poème croit comme pousse un
arbre. A partir d'une intuition première il déploie ses images et
découvre des sens cachés, des parentés secrètes' il devient machine a
penser le temps, à conjoindre l'origine et le futur. Son poème: Demain la veille (Saint Germain des Près, 1977) en témoigne.
extrait
"... Arbres! vous êtes forts et seuls Sans illusion sur la lumière La révolution Le futur Vous les faites en consentant des planches lisses aux cercueils. " poète de l'immersion
- Il est resté un poète qui non seulement écrit ce
qu'il vit, mais vit ce qu'il écrit. Face à la guerre, il
demeure dans la logique de l'immersion. Pas de tentative pour sortir de
l'événement, prendre de la hauteur, comme on dit, pour
juger ou pour prescrire une logique de conduite, mais une façon
de le vivre et de l'écrire de l'intérieur
"GIGUE
La guerre, on la dansait dans la cour de l'école
Bardés de cheveux fous et de tabliers noirs
On sentait l'encre amère, un peu la confiture,
Une mouche d'été dormait sur nos devoirs..." Un poète moderne - Il
propose une collection qui s'intitulera "Chercher la vie": elle
s'intéressera à la musique, à la danse, au
théâtre, "son ambition est d'atteindre à une
espèce de journalisme de grande classe susceptible d'enregistrer
la marche de l'esprit et du temps". (Jean-Yves DEBREUILLE Université de Besançon 57 )
Partisan d'une poésie sensuelle, chaleureuse, très proche de l'oralité, il
fut sur les ondes de la RTF puis de Radio France. Défenseur de la chanson de qualité, aujourd'hui devenue
classique : Jacques Brel,
Georges Brassens,
Guy Béart, Léo Ferré. Ce dernier mit
en musique plusieurs de ses poèmes (Madame à minuit).
L'œuvre de Luc Bérimont comporte également plusieurs
romans, souvent réédités : Les loups de Malenfance, Le bruit des amours et des guerres,
Les Ficelles.