UNE VIE, UN POÈTE


rencontre avec un poète du monde









 
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GASTON MIRON
l'homme de tous les combats

 


 
Gaston Miron (1928-1996)

Il est de tous les combats : il milite tour à tour dans le R. I. N., le M. L. P. (Mouvement de libération populaire), le P. S. Q. (Parti socialiste québécois), le M. U. F. Q. (Mouvement pour l'unilinguisme français au Québec), le F. Q. F. (Front du Québec français).

En octobre 1970, il fait partie des 350 personnes arrêtées en vertu de la Loi des mesures de guerre. Il passe 13 jours en prison .
" « je crache sur votre argent en chien de fusil / sur vos polices et vos lois d'exception » (Séquences)

« Miron le magnifique », comme l'a qualifié son ami et poète Jacques Brault, fait désormais partie des grandes voix du monde, les éternels qui impriment à leur œuvre un art poétique d'une souveraine magnificence. « Je sais que la poésie parle la même langue dans toutes les langues, écrivait-il. Je sais qu'elle est une autre langue dans la même langue. Je sais que la poésie n'a qu'une seule patrie, la langue, mais ma langue, elle, ma langue à moi, ma langue à nous, a une patrie : le Québec. » peut-on lire dans la revue Nuit Blanche.

né à  Sainte-Agathe-des-Monts au Québec,
"Je suis né ton fils en-haut là-bas/dans les vieilles montagnes râpées du nord "

il quitte le milieu familial à 19 ans et s'installe à Montréal. Le choc est brutal :

"or je suis dans la ville opulente
la grande Ste Catherine Street galope et claque
dans les Mille et une Nuits des néons
moi je gis, muré dans la boîte crânienne
dépoétisé dans ma langue et mon appartenance
déphasé et décentré dans ma coïncidence"
(Monologues de l'aliénation délirante)

En 1953 le poète Gaston Miron fonde la maison d'édition l'Hexagone qui est vite devenue un important carrefour pour la littérature québécoise.

Dès 1954, Miron commence à rédiger ses grands cycles poétiques : La vie agonique (suite de douze poèmes) - La marche à l’amour (suite de 7 poèmes) - La Batèche (suite de deux poèmes), que l’on retrouve dans son unique recueil, L’homme rapaillé.
L'homme agonique a un visage, celui de Miron, « le rouge-gorge de la forge ». « Je suis malheureux plein ma carrure »; « je suis ici à rétrécir dans mes épaules »; « moi je gis, muré dans la boîte crânienne/dépoétisé dans ma langue et mon appartenance/déphasé et décentré dans ma coïncidence »...
Miron ne cesse de dire qu'il n'y a que « la marche à l'amour » pour amender « sa vie en friche », pour conjurer ses « manitous maléfiques », pour contrer ce qui « rend absent et malheureux », pour habiter « ces bouts de temps qui halètent » et traverser les siècles.
L'idée de « La batèche » lui est venue dans une taverne en 1953. Cri de colère, cri de ralliement aussi sans doute, la parole de Miron devient beaucoup plus incisive: "l'homme du cheap way, l'homme du cheap work/le damned Canuck .. 
Damned Canuck de damned Canuck de pea soup
sainte bénite de sainte bénite de batèche
sainte bénite de vie maganée de batèche
belle grégousse de vieille réguine de batèche "
(Séquences)

En 1963, il est membre de l'équipe de Parti pris, revue et maison d'édition dans la lignée de l'Hexagone, avec un discours social et artistique beaucoup plus véhément toutefois.
Dès 1966, Miron est déjà un mythe, même s'il refuse de publier, lui qui retouche sans cesse ses poèmes, luttant contre les mots, « comme un cheval de trait / tel celui-là de jadis dans les labours du fond ». (Paris)

Son travail dans l'édition l'amène souvent en Europe et il en profite pour faire connaître la littérature québécoise. Il participe à l'organisation de la « Rencontre des poètes canadiens » en 1968 et à celle de la célèbre « Nuit de la poésie » présentée au Gésù en mars 1970.
En avril de la même année, il finit par rassembler ses poèmes et quelques textes en prose et publie L’homme rapaillé aux Presses de l'Université de Montréal. Phénomène jamais vu au Québec, le recueil figure sur la liste des best-sellers. Ce recueil a été traduit en plusieurs langues (anglais, portugais, espagnol, italien et bientôt coréen et roumain) et plusieurs fois revu et augmenté.
Ce recueil a été salué par de nombreux prix: en 1970, L'Homme rapaillé lui a valu le Prix Québec-Paris et le Prix de la revue Études françaises et, en 1972, le Prix Canada-Belgique ainsi que celui de la ville de Montréal. Le Prix Duvernay lui a été attribué en 1977 pour l'ensemble de son oeuvre. À l'occasion de la parution en France de l'Homme rapaillé en 1981, le Prix Apollinaire est venu couronner l'un des plus importants poètes du Québec. Il a également reçu le Prix Athanase-David en 1983 et le Prix Molson du Conseil des Arts du Canada en 1985. En 1990 il obtient la Médaille de l'Académie des lettres du Québec et, en 1993, le Prix international de la paix et le Signet d'Or de Plaisir de lire. La même année, il devenait Commandeur des Arts et des Lettres de la République française dont le Prix Apollinaire qui lui a été décerné en France en 1981. Plus de 100 000 exemplaires auraient été vendus de par le monde.

En 1996, mort du poète: le gouvernement du Québec lui fait des funérailles nationales à Sainte-Agathe-des-Monts, samedi le 21 décembre 1996, en faisant ainsi le premier Québécois à recevoir un tel honneur sans avoir au préalable détenu un poste politique officiel.

En 2009, Montréal inaugure l'édifice Gaston-Miron, un lieu vivant de créativité artistique, ce lieu appartient aux artistes, au public et à la communauté.

Sa poésie est dite /orale/ une poésie empreinte de québécisme qu’il déclame dans les fêtes, les rencontres, les spectacles. Premier grand poète, poète du peuple, c’est le cri du coeur, une expérience de vie, au moment où le québécois essaie de sauver sa peau dans ce Canada anglais. Un poète pour le monde.

Toujours bien vivante sa poésie dans le coeur des québécois: en 2008, la sortie de l'album Douze hommes rapaillés, composé par Gilles Bélanger et réalisé par Louis-Jean Cormier. célèbre Gaston Miron  avec douze chanteurs qui prêtent leur voix à ses poèmes. On peut y entendre des extraits sur le site Archambault.




De plus, cet été, pour leur 21e édition, dédiée à Alain Bashung, les FrancoFolies de Montréal proposent une soixantaine de spectacles en salle dont une soirée en hommage au poète québécois Gaston Miron.. Cette prestation, fort attendue, aura lieu dans le cadre du spectacle de clôture des "Franco", intitulé "12 hommes rapaillés", le 8 août, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.

Extraits de sa poésie:

La marche à l'amour:
Tu viendras tout ensoleillée d'existence
la bouche envahie par la fraîcheur des herbes
le corps mûri par les jardins oubliés...

...

Parle-moi parle-moi de toi parle-moi de nous
j'ai le dos large je t'emporterai dans mes bras
j'ai compris beaucoup de choses dans cette époque
les visages et les chagrins dans l'éloignement
la peur et l'angoisse et les périls de l'esprit
je te parlerai de nous de moi des camarades
et tu m'emporteras comblée dans le don de toi...

La Batèche:
je traverse des jours de miettes de pain
la nuit couleur de vin dans les caves
je traverse le cercle de l'ennui perroquet
dans la ville il fait les yeux des chiens malades ...

...

alors que moi d'une brunante à l'autre
je farouche de bord en bord
je barouette et fardoche et barouche
je vais plus loin que loin que mon haleine
soudain j'apparais dans une rue au nom d'apôtre
je ne veux pas me laisser enfermer
dans les gagnages du poème, piégé fou raide

mais que le poème soit le chemin des hommes...

La vie agonique:
toi, quels yeux as-tu dans les feuillages
de bulles de hublots de pépites
es-tu geai bleu ou jaseur des cèdres
quel cœur effaré de chevreuse dans sa fuite
si c'est ton visage au loin posé comme un phare
me voici avec mon sang de falaise et d'oriflammes
de toutes mes lèvres venteuses sur les terres
de toute la force échevelée de mes errances
déjà le monde tourne sur ses gonds
la porte tournera sur ses fables...

...

je vais mourir comme je n'ai pas voulu finir
mourir seul comme les eaux mortes au loindans les têtes flambées de ma tête, à la bouche
les mots corbeaux de poèmes qui croassent
je vais mourir vivant dans notre empois de mort...

LIENS SONORES
On peut l’entendre dans les Archives de Radio-Canada: Le poète - L’Éditeur et L’homme
Miron raconte dans L'Homme rapaillé le destin collectif d'un peuple aliéné dont il revendique la liberté. À la fois épopée et voix intime, son oeuvre résonne comme un chant universel. « Voyage abracadabrant » au cœur de la parole du poète.

LIENS
Les Prix du Québec : Le lauréat Gaston Miron
L'Encyclopédie de L'Agora : Gaston Miron
L'infocentre des écrivains québécois: L'île
Sur le site Cyberscol
sur le portail Québec-Québec international: Bibliothèque Gaston-Miron
"Au cours des années 1980, Gaston Miron a fréquenté la bibliothèque de la Délégation générale du Québec à Paris et a joué auprès d'elle un rôle de mécène, en lui offrant toute la production littéraire de L'Hexagone."
Le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ)
sur le site Pier de Lune
sur le site La poésie que j'aime
sur le site Agonia


BIBLIOGRAPHIE

2004 Un long chemin - Proses 1953-1996 de Gaston Miron
(
Un long chemin permet de refaire l’itinéraire intellectuel de Miron et, en même temps, de revoir l’évolution du Québec sur un demi-siècle)
1999 Poèmes Épars
(
poèmes que Gaston Miron a écrits entre 1947 et 1995 et qu’il a publiés pour la plupart dans des revues et des anthologies.)
1970 L'Homme Rapaillé
(
il est surtout l'homme d'un seul livre, mais magistral et évolutif, L'Homme rapaillé (1970), traduit en plusieurs langues (italien, anglais, portugais...)

et mieux connaître l'homme avec l'album Miron publié en 2006 par Marie-Andrée Beaudet aux Éditions de L'Hexgone
Dans cet étonnant parcours, où les événements intimes côtoient les faits historiques, Miron lui-même sert de guide. Les commentaires, puisés dans l’oeuvre du poète, font entendre la voix inimitable, à la fois énergique et humble, d’un homme qui a su atteindre à l’universel parce qu’il n’a pas craint, comme ce livre l’illustre bien, d’assumer sa situation particulière de Québécois du XXe siècle.

et encore plus chez Ville-Marie Littérature



Gertrude Millaire
pour Francopolis
mai 2009

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Créé le 1 mars 2002

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