UNE VIE, UN POÈTE


rencontre avec un poète du monde









 
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X poètes au féminin
Quand destins de femmes...

 


Il y a déjà un moment que j’aurai du vous présenter un livre que j’affectionne particulièrement. Il s’agit de X poètes au féminin (ed L’arachnoïde). Et ce n’est pas seulement le livre que je souhaite présenter ici, mais surtout les 8 femmes poètes qui y figurent. Ces femmes ont toute leur place ici, dans cette rubrique. Une vie, un poète. Une vie, des poètes. Pour vous donner une idée, voici un extrait de la préface de X poètes au féminin (par Muriel Richard-Dufourquet)

Elle dit elle dit que ses yeux sont sombres elle dit que son cœur est sombre elle dit qu’elle est perdue elle dit qu’elle a besoin de quelqu’un qui lui parle elle dit juste ça elle dit… Au bord du trou au bord du reste juste une petite vague contre son cœur… Elle dit qu’elle va devoir parler de ces femmes pendant longtemps peut-être peut-être pas… Et réussir ou ne pas réussir à écrire cette préface qui l’angoisse profondément malencontreusement parce que c’est comme ça parce que c’est comme ça… Elles ELLES toutes TOUTES sur un grand écart de vie… le grand écart de vie…[…]
On est au cœur de la nuit avec ces femmes… mortes presque toutes… Suicidées pour la plupart… on est au cœur d’un voyage ailleurs…[…]
Ces femmes dont on qualifiera naturellement l’écriture de noire ou d’obscure[…]


Le livre a une couverture noire. Noire aussi noire que l’âme de ces huit femmes qui ne sont que huit parmi d’autres. Au dos, les derniers mots écrits à la craie par Alejandra Pizarnik sur l’ardoise de sa chambre. Parmi ceux-ci :

Celle-ci même qui par ailleurs écrit :

Quelqu’un me parle. Quelqu’un me traduit.
Extraordinaire silence de cette nuit.
Quelqu’un projette son ombre sur le mur de ma
chambre. Quelqu’un me regarde avec mes yeux qui
ne sont pas les miens. […]

(extrait de les travaux et les nuits, Alejandra Pizarnik)

Alejandra Pizarnik, argentine, née en 1936, morte en 1972, suicidée. Premiers poèmes publiés vers l’âge de 20 ans. A traduit de nombreux poètes. Dans son journal en 1962, elle avait noté : « ne pas oublier de me suicider ». On ne remerciera jamais assez Silvia Baron Supervielle de l’avoir fait connaître en France. Jacques Ancet l’a également traduite.
Il y a une très bonne notice biographique et d’autres liens sur poezibao

Une autre femme dont j’apprécie particulièrement l’écriture et dont je recommande vivement Œuvres I & II, c’est Danielle Collobert. A la lecture de ces recueils parus aux éditions P.O.L., on se rend compte dans l’évolution de l’écriture d’un certain étouffement qui va croissant. Surement le fait de la forme, de la syntaxe. Voici un extrait :

tendre les mains pour s’agripper à l’air – tendre les mains – toujours rien – aucune consistance – quel besoin pourtant – alors prendre quelque chose dans la main – avant de glisser à nouveau – le bord de la chaise – cette dureté – la résistance – une vraie résistance au secours encore – le monde qui durcit – recommencer à se heurter – repris par le jeu encore – des mots pour les choses – et on sait déjà – des mots pour eux – les retrouver quelque part – dehors – hors de soi – ou dedans – bientôt – si on refuse pas tout de suite le premier attouchement – refuser – lâcher le bois – s’arrache à sa solidité – essayer de rester ici – dans la buée – imprécise
(œuvres I)

Danielle Collobert, française, née en 1940, morte en 1978, suicidée le jour de son anniversaire. Les livres publiés de son vivant, épuisés. P.O.L. a donc édité ses Œuvres complètes. Une idée formidable.
Une très bonne page avec des extraits sur remue.net
Et sur poezibao

Et ces mots, quoi en penser ?

Quand le jour devient vide
dans le crépuscule,
quand commence le temps sans images
que les voix solitaires se rejoignent
et quand les animaux ne sont rien que des chasseurs
ou bêtes traquées

(Eclipse d’étoile)

Nelly Sachs, allemande juive, née en 1891, morte en 1970. Prix Nobel de littérature en 1967. Son œuvre est marquée essentiellement par la Shoah.
Une bonne notice sur poezibao
Un dossier sur le site Esprits nomades
Autre très bon lien : http://www.editions-verdier.fr/v3/auteur-sachs.html,nelly%7csachs

Dans Rien ne se perd, une femme écrit ces mots :

Nous sommes l’herbe dans le noir
Où dorment les oiseaux

Marie-Françoise Prager, née en ?, morte en ?. Toute une série de ? Je n’ai rien de rien trouvé sur la toile.

Une lettre d’une autre femme à Henri Parisot, comportant tout en bas :

P.S : Si les jeunes me disent maintenant qui j’ai l’Esprit jeune je m’offence –
J’ai l’ESPRIT VIEILLE
Tachez de comprendre ça –

Mais aussi :

" Comme une vieille Taupe qui nages sous les cimitières je me rends compte que j'ai toujours étais aveugle - je cherche à connaître le Mort pour avoire moins peur, je cherche de vider les images qui m'ont rendus aveugle."

Leonora Carrington, britannique, née en 1917 ; peintre, romancière. Amoureuse de Max Ernst, elle sombre dans la folie lorsqu’il est emprisonné par les nazis. Internée dans un hôpital psychiatrique, échappée, elle part pour Mexico, retrouve des partisans surréalistes.
Une bio sur wikipedia
Et un site qui lui est consacré

Friederike Mayröcker dans Métaux voisins écrit ces mots

loup comme un loup tu as
l’air d’un loup là pen-
sif tête enfoncée, un animal
[…]

Friederike Mayröcker est autrichienne… Je n’ai pas retrouvé beaucoup d’information sur sa vie personnelle, mais sur Poezibao, ces propos sont recueillis :

« Pour moi, écrire ne signifie pas seulement analyser une souffle, un regard, un voyage aux endroits de l’enfance, un fait, mais aussi analyser les relations au monde des mots d’hier et d’aujourd’hui.[…] »
(Friederike Mayröcker: Discours à l'occasion de l'attribution du Prix pour les pièces radiophoniques, 22 avril 1969.)

Gilberte H. Dallas, en faisant une recherche sur notre cher google, j’ai trouvé une page qui cite cette dame parmi les poètes maudits (elle y suit Antonin Artaud). Elle a été emportée par un cancer à l’âge de 42 ans.

« J’ai plongé mes mains et mon visage dans ta chair pourrissante et j’en ai retiré ton cœur rongé par un gros chat […] »
Extrait de Alphabet de soleils

http://www.potomitan.info/kauss/maudits.php

Et pour finir Dernier poème de Laure Bataille (1903 -1938)

je l’ai vue

Je l’ai vue – cette fois je l’ai vue
où ? à la limite de l’aube
et de la nuit

l’aube du jardin
la nuit de la chambre

avec un sourire qui craque
une patience d’ange
elle m’attend
Et je le sais bien

Puis d’une voix lointaine
elle m’a dit
Ah mais non
Tu ne deviendras pas folle
Entends-tu, tu ne te conduiras pas comme cela,
Tu feras ceci et cela. Elle parlait parlait sans que je comprenne plus rien
Je la suivais malgré moi
Dans un froufrou de soir une robe à traîne avec
beaucoup de volants qui rebondissaient sur chaque marche.

elle a disparu
brillante bruissante
par un escalier étroit
et délabré

En haut
c’était le rayon d’hommes, des milliers de vêtements
Une Pièce toujours fermée, surchauffée
Seule présente vivante :
elle
elle parcourait les espaces vides entre les mannequins
pourtant tous son masque.

X poètes au féminin, des critiques sur le net : http://noirsanssucre.vnunetblog.fr/bleudepaille/2006/06/pomes_au_fminin.html
http://www.jcbourdais.net/journal/22jan06.php

 

 

Cécile Guivarch
pour Francopolis
décembre 2007

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Créé le 1 mars 2002

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