Le Noël d’Elia, la petite chienne de mon enfance…
Je n'ai pas bien compris cette histoire de sapin
soudainement transplanté dans un coin du salon. Et de bébé dans une
mangeoire assiégée par une noria de cadeaux. Coexistence d'une crèche toute
simple et d'une opulence tape à l'œil où se disputent boules, guirlandes et
autres artifices.
Fête de lumières, certes, mais quand j'essaie de
m'approprier discrètement l'une de ces boîtes enrubannées et de la cacher
avec mes provisions sous la table, je me fais gronder ! Doucement, il est
vrai, car il y a dans la maisonnée une sorte de trêve où la tension
électrique entre humains, chiens et loups, canins et félins semble avoir
baissé d'un cran. Comme si ce nouveau-né de la Dame au voile bleu était une
mise à terre venue du ciel. J'ai bien tenté de le porter délicatement dans
mes crocs mais je me suis fait remettre à l'ordre par un bœuf et un âne,
couple atypique de vigiles qui se disent assermentés.
Bref, une histoire assez étrange avec des moutons que je ne
suis parvenu à rassembler, un charpentier au chômage, des anges apprentis
aérostiers et, au loin, des rois couverts d'or, d'encens et de myrrhe :
peut-être des demandeurs de niche fiscale à ce petit peuple de santons. Qui
sait ? On ne se méfie jamais assez...
Toujours est-il que, le soir venu, juste avant une messe au
beau milieu de la nuit (sans doute une de ces idées venues de Palestine !),
éclate une effervescence sans pareil. Tout le monde s'embrasse, déchire les
emballages jusque-là si précieux, se papouille, se congratule avec
frénésie. Pour ma part, j'ai droit à un long fuseau transparent dans lequel
trône en majesté une double friandise.
Cette naissance au solstice d'hiver a du bon car j'avoue
justement avoir une petite faim... d'éternité.
©Claude Luezior
18 décembre 2020
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