Nous sommes en l'an qui nous est
nôtre.
Le miracle qui s'est accompli et reste gravé dans nos
mémoires
va s'étendre au monde entier.
Le bonheur a la forme d'un berceau qui attend que l'amour devienne
assez
grand pour y dormir.
Je viens de rencontrer ceux qui ont réveillé en mon
âme
le miracle de Noël.
µµµµµµµµµµµ
Elle se nomme Luciana ! je la vois souvent sortir,
comme
aujourd'hui, de la vieille maison blottie derrière
l'église.
Pourtant je ne la vois jamais à la messe. On se sent si bien
dans
son sourire que j'ose lui poser cette question qui m'obsède :
"Pourquoi ne venez vous pas à
l'église
avec nous? Vous ne croyez pas en Dieu?"
Ses yeux bleus, immenses , purs comme un lac de montagne,
s'étonnent
"Croire en Dieu? je ne sais pas! Quelle
importance?"
Quelques notes d'un rire de source fraîche
accompagnent
son pas léger, rapide , qui l'éloigne. Je garde
précieusement
quelques instants son petit signe d'au revoir.
J'entre à mon tour dans la maison. Une très
vieille
dame , Mathilde habite là. Elle a
été
ma nourrice. Et je ne pense jamais à aller la voir. mes pas sont
à
la fois hésitants et lourds de cette culpabilité
qui
vient de m'envahir.
Je sens aussitôt que la présence de Luciana
reste
imprimée ici. On dirait que la
pièce
est noyée de bleu . Des fleurs des champs ensoleillent la
commode.
Des tissus colorés sont disposés
çà
et là en taches souriantes. Mathilde a du rêve dans
le
regard.
Soudain je me demande si Dieu ne s'installe pas ou bon lui
semble.
Si sa présence éternelle ne nous
devient
pas alors évidente, quel que soit l'abri qu'Il a choisi,
même
le plus humble. N'a-t-il pas souhaité que son Fils bien
aimé
voie le jour dans la plus humble des crèches?
La marque de la grâce, comme celle de la
vérité,
serait-elle ignorée du commun des mortels ?
Je suis décontenancée, immobile . Je n'ai même pas
pensé
à apporter une friandise à ma nourrice. Mes mains vides
m'embarrassent.
Ce matin, je n'ai vraiment pensé qu'à Dieu, ou
plutôt
à me préparer pour la communion, la messe : malgré
cela
où plutôt à cause de cela , bizarrement, je
me
sens égoïste.
Car voilà qu'ici Dieu me parle. Je l'entends enfin. Avec lui,
avec
sa grâce, j'ose prendre Mathilde dans mes bras , couvrir de
baisers
son visage parcheminé qui se noie doucement de larmes de
tendresse.
.
En sortant, je vois Martin et Luciana . Ils sont enlacés.
Chacun
, de sa main restée libre porte un panier. Ils devisent , rient,
leurs
yeux unis dans la même clarté. Il me semble qu'un halo les
isole
du reste du monde.
La jeune femme me reconnaît ? me sourit .
"Vous êtes allé voir Mathilde
?
Enfin ! Comme elle doit être heureuse ! Savez vous qu'elle
me
parle de vous très souvent? Nous allons lui porter un
repas
! elle a tant de difficultés pour marcher ! elle perd aussi un
peu
la tête vous savez!"
Martin sourit avec une indulgence teintée de fierté:
" Je vois que vous connaissez ma
Luciana!
Elle ne pense qu'à faire plaisir et cela la rend si heureuse!
les
paniers sont lourds alors je l'accompagne!"
Luciana rougit soudain regarde son compagnon avec une expression de
tendre
reproche et pose sa main sur sa bouche. Il sourit et enferme un baiser
rapide
dans la paume fraîche.
Je contemple ce couple : cette réalité de
l'amour.
"Quelqu'un vous attend? me demandent-ils
"Revenez avec nous chez Mathilde , ensuite nous
vous
proposons de partager notre repas."
Sans hésitation, sans un mot, je les accompagne.
Il me faut comprendre le pourquoi de cette fascination, connaître
la
raison qui m'a guidée vers ces jeunes gens, aujourd'hui, veille
de
Noël , Luciana et Martin, ils sont mon étoile, ma
lumière
neuve , un sourire de Dieu, son message, son cadeau,
je
le pressens.
µµµµµµµ
Je me suis assise à la table. J'ai bu un verre de vin.
J'ose
renouveler ma question qui s'adresse aussi à Martin, le
compagnon
de Luciana.
"Vous, qui portez l'amour en votre regard , en
tout
votre être! Croyez-vous en Dieu? je ne vous vois jamais à
l'église!"
C'est elle qui répond la
première,
simplement:
"Dieu, Qui est-il? Je ne sais pas. mais,
quand
j'étais petite on me disait Dieu est partout. on me disait Dieu
est
en nous. Alors j'ai regardé autour de moi pour le voir. J'ai la
passion
des battements de cœur aussi...s'ils étaient sa parole?
Quelqu'un m'a dit plus tard : Dieu est amour
.
Depuis, pour le trouver, je cherche l'amour. "
Leurs yeux de nouveau sont rejoints et il me semble la voir scintiller
la
petite étoile.
Martin se lève ; Fièrement il ajoute :
"L'amour est dans la terre qui nourrit les
racines
de l'arbre. il est dans le ciel qui nous offre la pluie et le soleil."
L'amour sera
bientôt
notre enfant qui va naître."
Je plie ma serviette, me lève doucement Je
sors
sans bruit pour les laisser préparer la venue de celui qui
sera
bientôt.
Leur berceau grandit , prêt à accueillir l'amour
devenu
assez grand pour y dormir.
Le miracle de Noël va s'accomplir.
Il est au fond du berceau .
Il illumine le fond du panier chez ma douce Mathilde.
µµµµµµµµ
Le bonheur a la forme d'un berceau qui attend que l'amour devienne
assez
grand pour y dormir.