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Quelques douceurs des membres
du Comité
en ce temps spécial !
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"CE
QUI COMPTE AVANT TOUT C'EST D'ÊTRE CONVENABLEMENT
PROTÉGÉ " Henri Michaux
Quelques mots à
l'occasion des fêtes de fin d'année...
La tonalité sera légèrement
différente de celle des années précédentes.
Le poème, la nouvelle se sont inscrits dans
une autre démarche. Ont-ils le temps de se
poser, de (se) construire efficacement ? Le lecteur
se fait rare, l'auteur s'interroge. Aussi je vous
écris, sans ambages, l'espace d'avaler notre
café.
Quelque chose ne tourne pas rond. Oubliés
des valeurs sûres, de celles qui font progresser
: le respect de chacun ; la bienveillance, l'affabilité
dans les regards et les gestes ; l'écoute
et la main tressée. Banaux à ne plus
s'en soucier.
Chacun sa route ; sa recherche égoïste
de bonheur, de félicité, d'allégresse
; chacun sa bulle. Le passant évite au possible
se de placer dans une situation de faiblesse, de
se mettre en danger tant soit peu pour pouvoir soulever
l'ami, le voisin... de son magma ambiant. Le système
cultive cet état de fait.
C'est bientôt Noël, Dieu y pourvoira
dans son infinie bonté. Allons prier.
Flânons dans les allées, profitons
de notre peu de temps libre, réapprenons
le sourire. Accrochons les paumes des plus jeunes
aux vitrines toutes flammes dehors. Laissons-nous
attiser et attirer à grands renforts de réduction,
laissons-nous fidéliser. Les cartes des magasins,
utilisées sous forme de crédit ou
non au choix de l'acheteur, nous le permettent.
Nous serons alors archivés en tant que salarié,
architecte, chef d'entreprise... Les "autres", ceux
qui oeuvrent dans un statut d'indépendant
aux revenus non fixes, les sans-emploi ; les célibataires,
les divorcés(es), les veufs(veuves) ; ceux
qui perçoivent une pension etc... n'y ont
pas accès. Ils sont mis en marge. Les prix
scalpés sont réservés à
ceux qui ont les moyens pécuniers.
Simple tactique commerciale.
Enfin, rentrons chez nous, là où il
devrait faire toujours chaud quelque part. Rêvons
de l'âtre entretenu, si chère à
de nombreux poètes, au pin qui fleure bon,
à l'orange piquée de clous de girofles.
Nous sommes propriétaires. Si nous sommes
locataires, nous sommes salariés avec un
revenu équivalent au minimum à trois
fois le montant du loyer ; ou mariés à
un salarié ; ou nous bénéficions
éventuellement de facilités particulières
en tant qu'employé(e) de mairie, de l'éducation,
personnel d'ambassade... ; ou bien encore nous avons
eu des relations avec des personnes devenues rares
qui ont eu le cran personnel et les moyens prouvés
et ouverts à tous, de se porter caution pour
nous. Nous sommes chanceux.
Marc, comme tant de personnes en demande de logement,
n'a pas eu cette opportunité. A la recherche
d'un travail dans une nouvelle région (avant
chaque entretien d'embauche, notons que l'employeur
potentiel lui réclame une adresse stable,
pas celle d'une chambre d'hôte ! ) et alors
qu'il est détenteur d'un pécule important
à hauteur de plusieurs années de loyer
(sans pour autant pouvoir s'acheter comptant une
demeure), il s'est vu refuser toute location en
Habitation à Loyer Modéré,
puisqu'il n'a pas à cet instant précis
l'assurance de rentrées régulières
consécutives à un emploi et suffisantes
selon les critères précédemment
énoncés. Au fou !
Marc se bat à présent chaque jour
pour trouver un toit pour l'abriter la nuit, les
foyers d'accueil n'existent pas en nombre suffisants.
Le prix d'une chambre d'hôtel avalerait sa
réserve trop rapidement, tel un repas rapide
mais non consistant (il l'a tenté pourtant
au début), sans résoudre son problème
d'adresse et donc d'emploi.
Les exclus s'amoncellent d'années en années.
Comment s'étonner du nombre croissant des
sans-logis dans la capitale et ailleurs ?
Pêle-mêle, nous pourrions ainsi multiplier
les exemples qui font que nous pourrions basculer
d'une simple pichenette, d'un état correspondant
à la norme ambiante et reconnu, à
celui d'anonyme vers lequel l'intérêt
et le regard de la société et de l'homme
se détourne. Faut-il être fier de n'en
être pas, d'avoir su agir à temps pour
(comme s'il y avait des assurances sans faille),
faut-il pendre la joie comme elle vient, pour pouvoir
survivre à tout ça et redresser la
tête ?
A cette période de l'année, plus spécialement
dédicacée aux partages familiaux et
amicaux, nous pourrions aussi commencer un débat
sur le problème plus entrouvert cet été,
des personnes âgées et de leur isolement.
En parallèle, dessiner un démêlé
sur les cultures qui prennent soin de leurs anciens
dans le contexte du cadre familial, quelques soient
leurs handicaps respectifs.
Nous pourrions aussi oublier la poésie du
quotidien, les mots absents, inadaptés ou
présents mais sans intériorité
ni factuelle implication ; parler également
de la mode du voyeurisme ; du tout-nouveau-décallé-criard-tout-beau
; de l'éternel mythe du frondeur, du révolté
qui prend sa liberté sur l'échine
d'autrui...
Oui, nous pourrions.
Je vous partagerai cependant, un jour prochain,
ma ballade au coeur des arbres nus à l'approche
des cervidés discrets ; vous glisserai le
regard époumoné et les questions muettes
de certains enfants.
Il est ce feuillage de verre blanc
entre respiration et temps bourru.
Le galop des pierres dans la bouche béante.
Le petit matin frileux à débiter des
blasphèmes.
L'alidade.
Un tracé dépouillé m'étreint.
Silhouette qui bouge
d'air, d'eau, de vent
elle se fond au gré des nuances.
Ma couleur première restera-t-elle la lumière
?
Soie sauvage, incandescente
plus je la frôle,
moins elle me le pardonne.
Laurence
dSM
Décembre 2003
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