Une traversée de mots

au goût de Noël...








 



Quelques douceurs des membres du Comité
   

       
      en ce temps spécial     !  

           


         
-- La fonte du temps --

- Bonjour.
- Bonjour.
- Excusez moi, mais je garde la tête levée.
- Oh mais, je comprends très bien, je m'apprétais justement moi aussi à...
- Les flocons.
- Oui, les flocons. Comment vous les trouvez cette année ?
- Un peu salés.
- Ce sont des flocons de mer.
- Pourtant, la mer n'est pas tout près.
- Vous savez, le vent apporte des choses qui viennent de plus loin, ces derniers temps.
- On dit même qu'il souffle du vent venu de l'avenir
- Du futur ?
- C'est ce qu'on dit. Je n'en sais pas plus.
- Ça paraît un peu étrange. Comment est-ce possible ?
- Une légende circule dans les rues. Ce sont les enfants qui la répêtent. Ils soulèvent le couvercle d'une poubelle et ils se reculent d'un bond, comme s'ils avaient été soufflés par un fort vent.
- Une poubelle ? Le futur est donc si sombre ?
- Au contraire. Les enfants disent que ce vent est merveilleux, et que la poubelle contient le plus beau des jardins, qui a été jeté par erreur, le jour de...
- Oui, ce jour-là. Je rêve aussi de ce jardin. Je le connais bien. Et je rencontre les enfants dont vous parlez, je les rencontre chaque nuit sous mes paupières. Parlez-moi plutôt du vent.
- Il est parfumé et fait grandir les enfants qui ouvrent la poubelle. Ce sont eux qui le disent. Et c'est vrai, j'ai vu grandir un enfant sous mes yeux, comme ça, quelques années d'un coup. Mais c'était peut-être un tour de magie.
- C'est tentant, ce que vous me racontez... très tentant... mais je crois que je vais continuer à boire les flocons de neige qui arrivent. Ils viennent tout droit d'en haut, on peut leur faire confiance... Pour l'eau proprement dite, je vais attendre la prochaine distribution.
- Vous pensez qu'elle viendra ?
- Mais oui, un jour de retard, ce n'est rien. Les autorités doivent gêrer tant de choses depuis l...
- Ne dites pas le nom. Ne le prononcez pas.
- Pourquoi ? Il...
- Faites-moi ce plaisir. Que je croie pendant quelques secondes que ce n'est pas arrivé.
- Si vous y tenez. Alors, parlez-moi...
- Oui ?
- ... Parlez-moi de votre visage. Si je le regarde, même quelques secondes, je manquerais plusieurs flocons. Et j'ai très soif.
- Maintenant, c'est à mon tour de ne pas avoir envie de parler.
- Il a beaucoup souffert de... ?
- Oui, c'est ça. Il en a beaucoup souffert.
- Pour le mien, je ne sais pas. Je ne me suis jamais regardé, depuis...
- Je suis heureux que tout le monde ait toujours la tête levée, dans cette ville. Une bande d'enfants m'a offert de me maquiller, de me créer un nouveau visage. J'ai refusé.
- Pourquoi ?
- Ça ne servirait à rien, ce ne serait pas tout à fait le mien.
- Je comprends. Ou peut-être pas. Mais trève de bavardages. Je suis venu ici pour vous offrir quelque chose. Ça fait longtemps que nous nous retrouvons tous les jours sur l'ancienne autoroute. Comme vous, j'aime marcher le long de cet immense ruban gris, désert, avec ses immenses perspectives. Nous avons beaucoup de choses en commun.
- Nous rêvons tous deux d'un jardin, d'un tout petit jardin qui sent très bon au fond d'une poubelle.
- Ce n'est peut-être pas une poubelle.
- C'est un coeur déguisé, avec un couvercle. Vous me parliez de quelque chose à m'offrir ?
- Ah. Je voulais savoir si vous étiez curieux. Tenez, c'est pour vous. Joyeux Noël.
- Oh, merci. Elle est...
- C'est la plus grande que j'ai jamais faite. Je l'ai roulée entre mes mains pendant des jours entiers, pour qu'elle prenne une forme de...
- Une forme de cadeau.
- C'est ça, une forme de cadeau.
- On n'en fait plus des comme ça. Les gens ont trop peur de l'avenir. Ils préfèrent lever la tête et boire flocon par flocon.
- Bien sûr, bientôt, elle va fondre. C'est le destin de toutes les boules de neige. Mais justement, vous la boirez. C'est mon cadeau pour le futur. Mon cadeau d'eau pour la fonte du temps.
- Je la garderai précieusement. Et je crois que je vais aller dans le centre-ville de ce pas, pour rencontrer vos enfants et votre jardin. Je serais très curieux de voir enfin tout cela avec les yeux ouverts, et pas seulement en rêve. J'ai envie de prendre ce vent de plein fouet. J'ai envie que l'avenir souffle et me renverse.
- Ça fait aussi partie de mon cadeau. Mais vous le découvrirez peu à peu. Maintenant, à mon tour de vouloir un cadeau. Est-ce que je peux enfin vous regarder ?
- D'accord. J'ai confiance en vous. Permettez simplement que je garde mes mains ouvertes, pour recueillir les flocons que je ne verrai pas pendant que nous nous regarderons.
- Faites. Je vous vois maintenant... Je vous vois, je vous vois !
- Et ?...
- Et je pense que nous avons perdu l'eau, nous avons pardu le soleil, nous avons perdu l'électricité, nous avons tant perdu, ce jour là, quand... quand la chose est arrivée. Mais pas tout. Non pas tout. C'est ce que je pense en vous regardant. Il nous reste même encore beaucoup.
- Alors, joyeux noël.
- Joyeux Noël.



Stéphane Méliade
 
22-12-2004

 
-- Soleil d'hiver --


Photo par Bibi Méli, Madrid, le 31 décembre 1990.

Efflorescence,
Lèvres de Dali,
Flacon de neige,
le petit feu qui tient dans la main,
pensées en robe du soir,
au petit matin.

Elégance,
signes de la main,
lac gelé, fissures en carte du monde,
marcher en confidence,
mettre les patins.

Résonance,
te lire à givre ouvert,
même les plages blanches,
nouvel an, nouveau ciel qui s'avance,
étoile en haut du sapin.

Évidence,
tes mains qui montrent le ciel blanc,
pâles et bleues sans tes moufles,
deux schtroumpfs immobiles,
ton rire en vapeur dans le mien.

Connivence,
ce que disent les branches nues
ce que rêve la sêve,
les marmites et ce qu'elles nous préparent,
et, très en dessous, l'éclair dans l'écrin.

Confiance,
avoir chaud de partager du froid,
avoir le droit de regarder par la serrure,
les fées de nacre et de cristal,
préparer les voyages de demain.

Partance,
Où vont les vents,
quand ils nous ont dépassés ,
Où va le souffle
des mots que j'ai prononcé ?

Abondance,
L'hiver donne des fruits,
on ne les voit pas parce qu'ils ne sont pas sur des arbres.
j'aime chanter dans l'hiver,
on peut presque voir ses mots dans l'air.

Essence,
mélanger les lettres,
neige devient génie,
fermer les yeux et voir à travers quand même,
et s'apercevoir qu'il ne fait pas froid du tout.




Stéphane Méliade
 
14-09-1997

 
  vers votre arbre       
                                   

Créé le 1 mars 2002

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