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pl
| Envoyé lundi 16 février 2004 - 18h08: | |
On n’écrit pas pour être aimé, ni bien sûr pour être détesté. Je parle de la « normalité » et non pas des approches de la folie, la démesure, les énumérations, les variantes de l’égocentrisme, toutes les maladies de grand voisinage de soi, jusqu’à l’invisibilité de l’autre, au titre d’encensoir, de faire-valoir, de piédestal, de souffre-douleur. Internet, ce fabuleux réseau d’échanges de tout et de rien, n’a pas « généré » et très peu contribué à révéler un écrivain. Il a ressuscité les morts, les morts-vivants, les valeurs ennuyeuses et si sures « des classiques et des modernes » et ouvert toutes les vannes des mièvreries, de l’insipide et l’agora à tous les délires des innombrables déjantés de la planète, lieu de si peu de « miracles » et de tant de scories. Internet ne créera pas la poésie, ni les poètes, le monde de l’édition ne « ratisse » pas sur ces territoires improbables, sachant que les écrivains proposeront toujours leurs oeuvres par des moyens classiques, ou bien qu’il laissera, qui voudra bien se proposer, sans prise de risque, essuyer les plâtres des déconvenues financières. (petit rappel) Les maisons d’éditions produisent un courrier type expliquant que la maison ne publie que les « œuvres » des écrivains déjà publiés par celle-ci ! (ça commence quand, on ne sait pas ?) celles qui répondent que votre recueil très apprécié ne correspond pas à la politique de l’entreprise (sic) et celles qui ne répondent jamais. Certains éditeurs annoncent les couleurs, Louis Dubost (Le Dé bleu) ne publie jamais les auteurs qui lui demandent d’être publiés, c’est lui qui dit viens que je te publie, mon petit bonhomme. En bref, c’est toujours non. En général ça rassure les incompris qui se disent : « c’est normal ils ne peuvent comprendre les hauteurs auxquelles j’ai accédé » en oubliant les impératifs matériels de l’édition en général et de l’état de grand délabrement de l’édition de poésie qui ne vit pratiquement que des subsides de l’état (le petit mot, avec le soutien du CNL, le Centre National du Livre, l’état, les sous…) Il n’y a pas beaucoup de place dans tout cela pour la poésie ou le génie. La prise de risque est à exclure également, puisqu’il y a des impératifs financiers à trouver dans un équilibre précaire. Tout cela ne concerne que l’édition papier, le grand luxe, qui met en oeuvre un éditeur, un imprimeur (parfois c’est le même, démarcheur, V.R.P., représentant multicartes, colporteur…) Les chiffres varient mais restent relativement constants, les chances d’être publié, en envoyant un recueil, un livre par courrier, flirtent avec les 1/100000, c’est mieux que le Loto, mais c’est très aléatoire, Rimbaud, c’est évident ne serait pas retenu. Il ne rentrerait pas dans les clous, la tendance, ni Salabreuil laminé par l’absence de grossièretés ou de souvenirs d’enfance, des billes qui roulent, des filles déflorées, des histoires de culs très propres, osées, mais publiables. Je n’entre pas dans les généralités de l’édition courante du genre « j’ai couché avec le pape ou mère Térésa m’a violé sur la déchetterie à Calcutta. Tout le monde ou presque croit qu’après avoir déglutit trois mots, deux phrases, l’impérissable vient de surgir, comme pondent les poules, ovalisée, la rotondité du monde, au bout ou non rimée. Nous avons « les poètes » que nous méritons, congratulons la navrerie et les médiocrités, parce qu’en plus, il faut les féliciter d’avoir vomit quatre rimes et les retenir lorsqu’il veulent faire semblant, pour paraître, de disparaître, dans l’adversité des poètes maudits, après deux pirouettes verbales tronquées, ayant éructé les glaires qu’ils imaginent être une merveille. On n’écrit pas pour être aimé, ni bien sûr pour être détesté. (billet d'humeur glauque du moment qui dure, qui dure...) |
   
Cat
| Envoyé lundi 16 février 2004 - 18h58: | |
... internet n'est bien souvent qu'une cathédrale d'impuissance... un dernier lieu-recours pour un anti-silence une anti-mort qui se couvre de mensonges d'orgueils et de faussetés... mais pour une vraie mort manquée que l'on dit fausse - on peut mettre ça dans tous les sens . prétendre être poète ? jouer au poète ? se montrer poète ? voilà qui à mon sens est d'une grave prétention le siècle en recueillera une petite poignée pour la postérité et rien ne garantit que l'ivraie ne sera pas du lot la seule chose importante, vraiment importante n'est-elle pas d'aimer, d'aimer écrire, découvrir, et se dépasser ? non pas aimer dans la complaisance, mais aimer profondément de manière désintéréssée ? non pas aimer d'égocentrisme putride ... mais inconditionnellement ce travail de pensée et de verbe ? je m'interroge beaucoup sur ces sujets... et je suis contente de te lire Philippe, parce qu'en quelque sorte ta pensée rejoint la mienne - ou inversement - ... puis qui dit que les Éditeurs n'ont pas tort ? :¬) qui dit que c'est vraiment et toujours le fric qui gagne, et que gagne-t-il au juste ? ... le dégoût peut-être... Bien à toi, Cat p.s. oui, je sais... j'ai pas sorti ma grande plume ( j'ai pas de grande plume :¬) p.p.s. oui... je sais aussi que je parle "gros"... désolée si ça embête... |
   
so-so
| Envoyé lundi 16 février 2004 - 21h05: | |
ton texte m'a touché, moi, perso-so. je ne sais pas, ça n'a probablement pas de rapport, mais j'ai eu envie de poster ce que j'ai écrit il y a quelques années et qui, je l'espère, peut entrer en résonnance avec ta réflexion (mais j'ai l'impression de me tromper d'erreur, comme dirait l'autre) poussées « ... je suis en équilibre ivre. - indéterminé - - incirconscrit - ni feuille, ni homme, rien. » pour le coup, ce travail ne connaîtra jamais d’état final. il ne se produit que des pauses, des silences, des retirements, des ralentissements hésitants, des lenteurs abberantes, des accélérations stridentes, des propulsions tonitruantes, un enlisement trop fluide ... un figement élastique. ça ne cesse pas de s’écouler, de déborder la raison, la chair, la plage. ça n’en finit pas de filer sur le sol comme une brume rampante, de traverser les murs les plus épais pour se dissoudre dans le silence intense qui est franchi (« débordeuse de mondes ») avant de s’immobiliser, tôt ou tard ... à nouveau matière. matière que des forces travaillent, matière spongieuse qui exsude et projette. une vague énorme, qui pousse, renverse tout, secoue et circule en dehors de son espace, faisant suinter l’être de chair et d’esprit. expulsion qui taillade et qui taille, qui le sépare à tout jamais. percé de toute part il se vide, il fuit, simultanément gorgé et essoré, une distance se creuse, qui infiltre le jour aussi bien que la nuit, aussi bien la conscience que le corps. détaché ... il se retranche, il se soustrait, s’aère, se désintègre ... reste un « îlot raflé » au rêve d’une pierre, un caillot sans entourage, un grumeau de lignes imprégnées et béantes, une étendue de sable dans un lacis de fibrines ... pas d’ouvrage. sinon de dentelle siliceuse (ses variations d’opacité, ses dispersions d’ajours, ses alentours effilochés, ses milieux délocalisés, ses centres déracinés : son espace quelconque !), sinon de papier buvard, épais, poreux où se « désamoncelle » la glaise, où se dissout la roche dure, où se dissocie l’acier dans un séisme d’encre que rien n’altère vraiment (et qui pourtant fait tache !). réseau de mailles indéterminé qui n’a plus de prise ... qui excéde. (mais bon...)
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Martin Codron
| Envoyé mardi 17 février 2004 - 08h34: | |
J'aime beaucoup ton texte, car il amène à nous remettre en question encore plus. Parfois j'ai les mêmes interrogations que toi. |
   
Hélène
| Envoyé mardi 17 février 2004 - 10h46: | |
La poésie , quand j'ai envie de la considérer comme une personne , une amie, me semble quelqu'un de pudique de tendre souvent ou de réflechi. La plupart des poètes ont été révélés après leur mort. aucun depuis les troubadours n'a vécu de sa création. On ne peut être connu seulement par la poésie. Il faut être policitien , journaliste , romancier , essayiste peut être ? et même George Sand avait compris qu'il lui fallait s'habiller en homme pour fréquenter les salons littéraires si elle voulait devenir un auteur à succès! elle qui n'a pas laissé de poèmes. C'est qu'à cette époque les femmes ne pouvaient être invitées n'importe où ! Alors qui n'est " que poète " a peut être compris que la poésie est une amie très fréquentable si on se contente de l'écouter en soi ou en l'autre. et que de récompenses ! Pour cela internet lui a réservé une immense place. La preuve ici !
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pl
| Envoyé mardi 17 février 2004 - 17h01: | |
Bonjour à tous Un billet "d'humeur" excède toujours son objet, d'autant que le Forum de Francopolis devient un lieu privilégié de création de poésie sur le net... |
   
Leezie
| Envoyé mardi 17 février 2004 - 17h48: | |
"aucun depuis les troubadours n'a vécu de sa création." pardon Hélène de réagir sur un détail mais les troubadours et trobairis (les femmes) ne vivaient généralement pas de leur création. C'étaient, partiquement tout le temps, des nobles (Beatriz de Die, Raimbaut de Vacqueyras, Guillaume IX de Poitou par exemple), personnages politiques de grande envergure, chefs de guerre... |
   
moi
| Envoyé mardi 17 février 2004 - 18h20: | |
PL dit: "Nous avons « les poètes » que nous méritons, congratulons la navrerie et les médiocrités" où tu te mets toi, entre les guillemets ou en dehors ? pourquoi un poète parle de publication et d'édition, gestes tout à fait anti-poétiques par définition ??? sur ce, je vais manger une grappe de raisins.
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toi/nous/vous/tous
| Envoyé mardi 17 février 2004 - 21h50: | |
...tous les recueils de poésie publiés sont-ils de l'anti-poésie? et si j'étais par un miracle incommensurable et "merrifique" publiée un jour ce serait anti-poétique ? et si Leeziel était publiée ? et si Philippe L. ou toi étiez publié un jour ? faut-il pour autant cracher sur le papier parce que... les éditeurs nous... vous... ( ou te ) refusent ? le papier boit l'encre...l'arbre le mérite-t-il :o) ? internet est-il vraiment écologique ?? et puis ... il y a l'auto-publication ... est-ce aussi de l'anti-poésie ? du narcissisme ? ou prendre le risque de s'assumer et de se tromper (ou d'avoir raison ))) ? et hop! je vous balance mes questions :¬) |
   
Noel se calme comme il peut
| Envoyé mardi 17 février 2004 - 22h51: | |
déja l'idée de faire le narcisse est un peu de la merde en soi , on s'habitue à soi trés tot ;)) donc c'est un peu normal qu'on s'habitue au personnage )))) et que bon gré ou pas on s'aime comme on peut , un seul truc peut nous faire grandir , c'est l'humilité .... là , paradoxalement j'pense qu'on peut devenir fantastiques , déja s'ouvrir aux autres .... |
   
Jean-Marc
| Envoyé mardi 17 février 2004 - 23h45: | |
" Internet, ce fabuleux réseau d’échanges de tout et de rien, n’a pas « généré » et très peu contribué à révéler un écrivain "...Je pense qu'il est encore un peu tôt pour faire un bilan en la matière, le phénomène me paraît encore trop récent et il y a encore beaucoup de préventions chez certains "gens de lettres" chez lesquels l'édition sur papier reste indépassable...mais il y a aussi pas mal d'auteurs qui publient en revue et qu'on trouve aussi sur le net... Contrairement à une idée reçue, publier en revue ne me semble pas si difficile( je ne parle pas des recueils ) elles sont innombrables et pour peu qu'on en trouve une qui s'accorde avec sa démarche , sa façon d'écrire, on a toutes les chances de voir ses textes paraître... Mais publier n'est pas une fin en soi ( ni une fin tout court selon moi ), des rencontres des résonnances peuvent y donner un sens et susciter une envie, un désir de partage...voire de participer à une aventure collective ( c'est ce que j'aime dans les revues .) La reconnaissance individuelle n'a pas beaucoup d'importance ( même si elle fait plaisir ! quand même, et d'abord celle d'amis ou de personnes dont j'estime le goût ) ; par contre je suis inquiet par la situation qui est faite à la poésie coincée entre des tentatives pseudo-avangardistes ( très formelles, très "textuelles" ) et la tentation d'un retour à des formes tradionnelles, une expression convenue...la poésie poétisante...Elle semble aussi en perte de vitesse dans les autres champs de la création, peinture, cinéma... si elle n'était qu'un moyen d'épanchement narcissique et un faire valoir elle ne serait rien ...mais je crois qu'elle habite encore certaines personnes, on en ressent encore les éclats et les fulgurances ici et là... et qu'importe le statut de poète ! seule la poésie, le plaisir qu'elle nous procure, l'égarement qu'elle peut provoquer, le partage qu'elle peut susciter ont réellement de l'importance... On peut quand même être écoeuré de la voir ravaler par certains "marchands du temple" au rang de marchandise...et à ce jeu là elle n'est pas un objet de consommation de masse très attrayant ; là réside encore son pouvoir de subversion pour peu qu'elle évite les ornière d'un certains snobisme intellectuel qui s'accorde très bien avec les palmes et les honneurs...
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réflexive
| Envoyé mercredi 18 février 2004 - 01h12: | |
c'est curieux l'effet des questions... |
   
Hélène
| Envoyé mercredi 18 février 2004 - 07h00: | |
Jean Marc je partage tout à fait ton avis. et surtout la poésie justement reste avec l'amour ce qui n'est pas, ne devrait jamais, être une marchandise . Sauf pour quelques irrespectueux de l'humain , de sa pensée , et qui ne pensent qu'à l'argent , ce mal nécessaire mais seulement dans une certaine mesure. attention peut être pour certains à l'orgueil ? La poésie est quelqu'un de modeste je crois. Sa vraie beauté est à ce prix . Pas au prix de vente d'un recueil et pour le partage, il y a toujours des revuistes passionnés , dévoués . Qu'ils la publient sur papier ou maintenant sur internet. amitiés Hélène
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pl
| Envoyé mercredi 18 février 2004 - 09h04: | |
http://www.francopolis.net/humeurs/humeurlandreau. html (fatigué ce matin) |
   
Hélène
| Envoyé mercredi 18 février 2004 - 09h27: | |
excellente idée Philippe ! mais reviens nous dès que tu te réveilleras (;-)) Sur site tout est tellement plus lisible. et ceux qui aimeraient rebondir à ton billet d'humeur peuvent le faire ici ou aussi nous envoyer leur article par la voie habituelle. Quelques uns des membres de francopolis le liront et le mettront peut être en ligne . la discussion est intéressante et peut être très utile pour l'avenir de la poésie.
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