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stél
| Envoyé vendredi 04 avril 2003 - 00h14: | |
-- Le chantier des étoiles -- Des véhicules passent. Des camions, des barques, des charges portées à dos d'homme, des rois endormis, des Ganges repliés dans des baignoires. J'étudie leurs bruits, voix granuleuses, éraflées, graves. Ou limpides. Chanteuses disposées en roues, leurs voix en rubans de Moebius se répercutent à divers endroits du chantier. Cela donne la sensation d'être en plusieurs lieux à la fois. Je ris dans la face interne de l'anneau. Personne n'est encore arrivé jusqu'ici. Suis-je quelqu'un ? J'adhère miraculeusement au chantier. Sans que je doive les arracher, des petits bouts de paysage se donnent à moi en se jetant sur ma poitrine. Ils sont beaux, rivières imbibées d'arbres, bouches des plus beaux visages. Je me demande ce qui peut bien rester à construire dans des bras si gracieux. Le chemin se creuse, pour accueillir mon contraire qui vient dans l'autre sens. Je me laisse passer. Le temps infime de ce croisement me permet de redevenir simple. Des jeux de lumière donnent une inclinaison dansante à ma silhouette, en réalité doucement refermée autour d'un objet aimé. Une illusion d'optique me tient droit. À mes yeux, je ne tremble pas. Quelqu'un me compte, me distribue en rangées de doux engrenages végétaux qui ne devront plus bouger que d'ici à là (il trace un cercle sur le bitume). C'est bien ce rond de peu que je voulais, c'est bien dans cette petite terre que je voulais découper la fenêtre d'où je verrai l'étoile. Ici vole ma tête, de haut en bas, de bas en haut, là tournent les pensées que je donne à la route, sous forme de petits cailloux, assemblés en monticules vivants. Sur tes épaules s'appuient mes mains vers lesquelles tu retournes les tiennes pour les y poser. C'est un jeu de collines et de vagues sur lesquelles on grimpe pour voir la vie. On nous permet d'avaler l'éclairage à l'avance pour ne pas avoir à lever la tête lorsque nous observons de nuit. Celui d'entre nous qui aperçoit l'étoile le premier est prié de l'annoncer avant son coucher. La repérer de jour fait gagner 50 points. Le reste se passe dans un bureau creusé dans le corps du plus grand d'entre nous, par lequel passe directement la route pour ne pas perdre de temps. On ne nous parlera pas. Que nous dire d'assez beau ? Il nous suffira d'ouvrir nos vêtements puis d'exposer les planètes de nos corps. Ils ont tôt fait de sourire à l'étoile. Ils ont toute la nuit pour l'interroger, la supplier, lui montrer les couleurs terrestres et danser devant elle, pour qu'elle veuille bien commencer à distribuer les langages. La voix des hommes se met alors à changer. Chacun de nous parle son langage propre, mais nous nous comprenons enfin entre nous. 11-12-2002
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