L'homme dont l'ombre est une flaque... Log Out | Thèmes | Recherche
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so-so
Envoyé mercredi 31 mars 2004 - 21h31:   

on peut rire de l’homme dont l’ombre est une flaque.

enfant, ses camarades les plus turbulents y sautaient à pieds-joints en poussant de petits cris rageurs ; les plus calmes aimaient y frayer le sillage de vaisseaux de papier.

les plus savants médecins disaient « cette ombre là a développé une anastomose radiculaire insolite, d’invisibles radicelles qui pompent l’eau du sol et l’amènent à la surface », ou bien « il s’agit, à n’en pas douter, d’un cas extrême de dysfonctionnement hydrodynamique » ou encore « voilà un exemple rare d’excédent d’eau de réserve ».

adolescent, cette ombre attirait les jeunes femmes qui venaient sans retenue s’y mirer. hélas, au premier soupir, au premier murmure amoureux, sa surface égale se plissait et les confrontait subitement à leur image enlaidie, ce qui provoquait d’irréversibles fuites ...

par économie, on n’invitait pas l’homme dont l’ombre est une flaque.
ni chez soi (par crainte de sacrifier un revêtement de sol), ni pour un déjeuner sur l’herbe, dont il faisait un pataugeage.
il était interdit de barbecue les soirs d’été puisque l’humidité attirait les moustiques.
en toute circonstance, on l’écartait d’un coup sec de la liste des invités.

alors, combien de chagrins noyés dans cette ombre !
(car on l’ignore le plus souvent mais, heureusement, le chagrin est un très mauvais nageur, peu résistant ...).

il se sentait île séparée du monde par une mer incongrue et incomplète, qu’un rien agitait de secousses troublantes.

mais aujourd’hui, peu lui importe !

il sait, depuis peu, qu’il lui suffit de s’allonger sous les plus intenses clartés pour nager dans le bonheur.

en mêlant son corps à son ombre, sa pensée s’ouvre sur des fleuves sans rives et, petit à petit, tous ses membres, décousus par de délicates secousses, se détachent ...

il lui reste l’essentiel qui s’enfonce dans le drap bleu des eaux profondes.

la chair libère ses kyrielles de cellules qui se confondent aux bulles, tandis que le drapé transparent de la peau papillonne et fronce en silence ...

il flotte en suspension dans une matière sombre et délicieusement sans vie où circulent sans hâte et sans entrave un peuple de superbes silhouettes dérobées à la lumière ...
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?
Envoyé mercredi 31 mars 2004 - 21h35:   

une flaque .. de larmes ?
dis tu restes au moins ?
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c
Envoyé mercredi 31 mars 2004 - 23h53:   

je trouve ça superbe, So, vraiment
une ombre liquide dans laquelle nager...
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Raphaël
Envoyé jeudi 01 avril 2004 - 15h39:   

l'idée est super
et j'aime le tout
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mary
Envoyé samedi 03 avril 2004 - 15h24:   

Quelle musique ! ! !

« il se sentait île séparée du monde par une mer incongrue et incomplète, qu’un rien agitait de secousses troublantes. (…) en mêlant son corps à son ombre, sa pensée s’ouvre sur des fleuves sans rives et, petit à petit, tous ses membres, décousus par de délicates secousses, se détachent ...

il lui reste l’essentiel qui s’enfonce dans le drap bleu des eaux profondes.

(…) il flotte en suspension dans une matière sombre et délicieusement sans vie où circulent sans hâte et sans entrave un peuple de superbes silhouettes dérobées à la lumière ... »



So, je tremble et je flotte avec toi.
Par contre mon chagrin sait très bien nager !
Je cherche juste ce peuple de « superbes silhouettes… » où est –il ?


Renée VIVIEN

« Chanson pour mon ombre »


(…)Mon ombre suit, comme un reproche

Mon ombre suit, comme un remords,
La trace de mes pas sur l’herbe
Lorsque je vais, portant ma gerbe,
Vers l’allée où gîtent les morts.
Mon ombre suit mes pas sur l’herbe,
Implacable comme un remords. »


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