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Leezie
| Envoyé mercredi 02 juin 2004 - 00h32: | |
(j'ai eu envie de remettre ce texte d'il y a deux ans) 1. Il y a eu cette heure noire sur la mer. Il y a eu ce moment de balcon grisâtre où des roues entières de martinets troublaient le ciel de leurs graphismes. Des lumières chaudes et un air soudain plus frais comme évadé d’un enfer sale. J’ai senti votre arrivée très précisément à neuf heures, nul besoin d’aller voir, je savais que vous y étiez. Vous y parliez de tout ce qui était au fond, qui deviendrait si pur et se tisserait à moi dans ces années lumière : la montée, le sel, le douloureux tissage de l’amour. On ne sait jamais la seconde précise où les choses commencent de commencer, mais c’est sûrement autour de tous ces oiseaux noirs, de mon cœur lourd et l’idée atroce de solitude dans leurs chasses rapides, mon impossibilité à ce que les êtres soient autre chose que ce profond brouillard de givre dans lequel j’écartais les paumes en pleurant. Vous avez continué d’exister longtemps et mes gestes ont pris la couleur de vos souffles comme une voix hésitante. Votre voix de l’intérieur des flancs, si douce et si fondamentale qu’elle me faisait parcourir en sueur toute ma ville pour vos étranges notes. C’était la voix de marche humide de mon phare, qui pouvait courber l’équinoxe. La voix continent de ma vie. 2. Dans l'interstice, je me demandais si j'étais heureuse. Je crois que oui. Vous me manquiez dans le creux des sensations violentes, comme lorsqu'on s'interroge sur une photo d'adolescence, "où étiez-vous ce jour-là, tiens?" Mais j'avais la patience lourde, l'explosion de bonheur des moqueuses de soi-même, un atome de pluie me noyait. Mon altération d'exercices était si puissante que j'aurais pris le silence et le désir à sa racine comme sommet de neige pure. Je survivais de contraintes. par exemple : je suis dans l'ascenseur sans mémoire, il monte avec le bruit métallique des étages, plus long d'un souffle à mon palier, je peux étirer les secondes comme un élastique. Les jours de forme ou de grand épuisement du corps, je parviens à les ralentir infiniment, et il me faut une journée pour rentrer chez moi. ou les autres dansent étrangement entre eux, comment font-ils ça, mon supérieur hiérarchique est en colère contre un autre homme devant lui, il hurle, je regarde l'homme maigre et beau se tenir à l'intérieur de sa rage, je m'interroge qu'est-ce qui pourrait être dévêtu dans ce ballet, qu'est-ce qui est folie, stéréotype, mouvement du ventre vrai, cachette lamentable, danger, fontaine de connaissance, avancée sûre vers ma mort. ou je me force à inventer un homme nouveau, tout l'ensemble de ses connexions à l'air sensible, le temps que pourrait mettre ma main à entrer dans l'enveloppe de ses perceptions, inversement le temps qu'il mettrait à valider mon corps, me ferait naître à lui, l'odeur qu'auraient son bras, ses cheveux, le mélange de cette odeur avec la mienne si nous nous touchions, le compromis de ma lenteur et de ses rythmes. Je vivais ainsi dans l'étrange, je travaillais. Et puis la nuit je m'enroulais tout près dans la chaleur. 3. Enfin, s’enrouler, c’est beaucoup dire, je n’étais pas si souple, simplement je pliais la chaîne de mes vertèbres, l’épaule me faisait mal mais j’étais bien, repliée autour du centre comme la vie primaire. Au bout de quelques minutes un faisceau dense jaune et vert se déversait discrètement, je pouvais presque imaginer le contact furtif de mon front sur votre flanc, cela m’endormait presque immanquablement. Apaisée. Pourtant j’avais des rêves incivils, une nature de femme revenue en force attirée par la mer. Des compagnons prenaient mes poignets, une ombre inconnue sur le sable d’une ville au printemps écrasée de lumière droite, ses murs blancs. Je la suivais pieds nus long manteau noir d’étoffe lourde, j’aurais presque été belle dans les dédales de la côte battue des vagues, rocs frissonnés de vent. il y aussi ce corps bizarre d’enfant tout recouvert d’étoffes collantes une pluie de sang sur le goudron du trottoir de l’incommunicabilité entre les enveloppes comme du Frank Herbert du métal dans les pierres précieuses des chairs rongées dans la peur d’ouvrir la porte de l’appartement où je suis montée cette entrée de terreur parce qu’elle est exactement identique à celle de l’autre immeuble que j’ai si peur de me tromper Après. Je n’avais plus qu’à laisser l’aube me nourrir. Entre les fils du temps coulait un piano de sable grande femme aux jambes nues touchant la peur comme matrice anempathique, violence douce entre les modes, mi mineur. Dansant. 4. Je vais bientôt vous nommer. Je vous appellerai B. comme un Bâtisseur, car vous liez les murs ensemble, composez les mortiers, montez les briques en éveil. J'aurais pu vous nommer M. comme Maçonnique, ou S. comme Souterraine Source ou encore P. comme Profondément Aimé Dans le Désir Sauvage le plus Tranquille. Mais je préfère la lettre B, sexe d'homme dressé, courbes aux pointes endormies, et il faut bien vous choisir un nom de plexus solaire. Armé de lui contre mon coeur je peux revivre mon automne. un homme différent meurt ici son corps s'étale entre les pages l'impact ne lui a pas arraché la tête il est beau et le plus insupportable c'est le calme sur le visage de l'autre je vis un jour de torture un visage calme imprégné de la mort je pense que je vais mourir si ce calme ne se fend pas d'autres hommes meurent ils se jettent d'une tour le visage vomit les voitures s'arrêtent pendant trois minutes je survis je suis debout en vrai Dans la lenteur il est entré par ma fenêtre, je l'observe dans sa fascination du mal comme le bleu d'un cavalier. Il est au seuil de son épure. 5. Le non réel était toujours comme une teneur grave, dans le tempo de mes échanges, les mouvements se confondaient. Moi. La brume avait le goût de s'épaissir. Vous. Je vous croyais vraiment chercher le juste. Qui habitait en moi comme une histoire? Sécante, parallèle, ligne de fond, éléments matriciels, vecteur de quelle courbe? Je comprenais que ne pas comprendre était un sens obligé, je ne comprenais pas comment poursuivre sans cette écorce d'arbre sous la peau. J'avais tellement peur de me casser dans une chute. L'enfant revient finalement verrouillé les carreaux propres questions d'urgences temps parallèles élargis c'est une histoire inventée, un livre, asseyez-vous je vous appelle il ne peut pas entendre clairement le sang le ronge il est différent il est lissé de différence il meurt comme tout le monde mais lentement Quand le monde véritable criait, que la vie parallèle se délitait en taches sombres, je lavais le riz, grains courts et cendre, flèches noires des plateaux, toute une foule à pardonner l'offre d'eux-mêmes, une violence, vie des miens. L'eau se teintait de mauve clair, j'avais en elle un geste large des deux mains prenant vers moi les dunes. Je pensais que c'était celui que vous aviez pour amener un sein à votre paume, votre précision de toucher élastique, votre caresse. C'était ma seule pensée de vie. 6. Le reste nous appartiendrait. Une page se nommerait Rencontre vous ne seriez plus une voix seule a capella, vous écririez cet enfant triste nous serions malheureux ou pas La mer s'ouvrirait de gaieté pour le temps court de notre espace Du monstre aux doutes de matin et toujours voyageur en dedans baiser pur de l'écorce il serait énigme où m'interpelleraient épuisés du soleil mes pourquoi mon battement lourd comme puits de souffle et arracherait mes tempes sous de blanches questions de femme sous le précis moment d'averse où j'écarterais les bras des côtés dans le vert des feuillages l'acide des fruits accueillant comme aride l'intouché de son incarnation
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