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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.05.2004 au 31.08.2004 » La voix « précédent Suivant »

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Leezie
Envoyé mercredi 02 juin 2004 - 00h32:   

(j'ai eu envie de remettre ce texte d'il y a deux ans)



1.



Il y a eu cette heure noire sur la mer.

Il y a eu ce moment de balcon grisâtre où des roues entières de martinets troublaient le ciel de leurs graphismes. Des lumières chaudes et un air soudain plus frais comme évadé d’un enfer sale.
J’ai senti votre arrivée très précisément à neuf heures, nul besoin d’aller voir, je savais que vous y étiez.
Vous y parliez de tout ce qui était au fond, qui deviendrait si pur et se tisserait à moi dans ces années lumière : la montée, le sel, le douloureux tissage de l’amour.
On ne sait jamais la seconde précise où les choses commencent de commencer, mais c’est sûrement autour de tous ces oiseaux noirs, de mon cœur lourd et l’idée atroce de solitude dans leurs chasses rapides, mon impossibilité à ce que les êtres soient autre chose que ce profond brouillard de givre dans lequel j’écartais les paumes en pleurant.

Vous avez continué d’exister longtemps et mes gestes ont pris la couleur de vos souffles comme une voix hésitante. Votre voix de l’intérieur des flancs, si douce et si fondamentale qu’elle me faisait parcourir en sueur toute ma ville pour vos étranges notes.
C’était la voix de marche humide de mon phare, qui pouvait courber l’équinoxe.
La voix continent de ma vie.






2.



Dans l'interstice, je me demandais si j'étais heureuse. Je crois que oui.
Vous me manquiez dans le creux des sensations violentes, comme lorsqu'on s'interroge sur une photo d'adolescence, "où étiez-vous ce jour-là, tiens?" Mais j'avais la patience lourde, l'explosion de bonheur des moqueuses de soi-même, un atome de pluie me noyait.
Mon altération d'exercices était si puissante que j'aurais pris le silence et le désir à sa racine comme sommet de neige pure. Je survivais de contraintes.

par exemple :


je suis dans l'ascenseur sans mémoire, il monte avec le bruit métallique des étages, plus long d'un souffle à mon palier, je peux étirer les secondes comme un élastique. Les jours de forme ou de grand épuisement du corps, je parviens à les ralentir infiniment, et il me faut une journée pour rentrer chez moi.

ou

les autres dansent étrangement entre eux, comment font-ils ça, mon supérieur hiérarchique est en colère contre un autre homme devant lui, il hurle, je regarde l'homme maigre et beau se tenir à l'intérieur de sa rage, je m'interroge qu'est-ce qui pourrait être dévêtu dans ce ballet, qu'est-ce qui est folie, stéréotype, mouvement du ventre vrai, cachette lamentable, danger, fontaine de connaissance, avancée sûre vers ma mort.

ou


je me force à inventer un homme nouveau, tout l'ensemble de ses connexions à l'air sensible, le temps que pourrait mettre ma main à entrer dans l'enveloppe de ses perceptions, inversement le temps qu'il mettrait à valider mon corps, me ferait naître à lui, l'odeur qu'auraient son bras, ses cheveux, le mélange de cette odeur avec la mienne si nous nous touchions, le compromis de ma lenteur et de ses rythmes.

Je vivais ainsi dans l'étrange, je travaillais.

Et puis la nuit je m'enroulais tout près dans la chaleur.











3.



Enfin, s’enrouler, c’est beaucoup dire, je n’étais pas si souple, simplement je pliais la chaîne de mes vertèbres, l’épaule me faisait mal mais j’étais bien, repliée autour du centre comme la vie primaire. Au bout de quelques minutes un faisceau dense jaune et vert se déversait discrètement, je pouvais presque imaginer le contact furtif de mon front sur votre flanc, cela m’endormait presque immanquablement. Apaisée.
Pourtant j’avais des rêves incivils, une nature de femme revenue en force attirée par la mer. Des compagnons prenaient mes poignets, une ombre inconnue sur le sable d’une ville au printemps écrasée de lumière droite, ses murs blancs. Je la suivais pieds nus long manteau noir d’étoffe lourde, j’aurais presque été belle dans les dédales de la côte battue des vagues, rocs frissonnés de vent.

il y aussi ce corps bizarre d’enfant
tout recouvert d’étoffes collantes
une pluie de sang sur le goudron du trottoir
de l’incommunicabilité entre les enveloppes
comme du Frank Herbert
du métal dans les pierres précieuses
des chairs rongées dans la peur d’ouvrir
la porte de l’appartement où je suis montée
cette entrée de terreur
parce qu’elle est exactement identique
à celle de l’autre immeuble
que j’ai si peur de me tromper

Après.

Je n’avais plus qu’à laisser l’aube me nourrir.
Entre les fils du temps coulait un piano de sable grande femme aux jambes nues touchant la peur comme matrice anempathique, violence douce entre les modes, mi mineur.
Dansant.






4.



Je vais bientôt vous nommer. Je vous appellerai B. comme un Bâtisseur, car vous liez les murs ensemble, composez les mortiers, montez les briques en éveil. J'aurais pu vous nommer M. comme Maçonnique, ou S. comme Souterraine Source ou encore P. comme Profondément Aimé Dans le Désir Sauvage le plus Tranquille. Mais je préfère la lettre B, sexe d'homme dressé, courbes aux pointes endormies, et il faut bien vous choisir un nom de plexus solaire. Armé de lui contre mon coeur je peux revivre mon automne.

un homme différent meurt ici
son corps s'étale entre les pages
l'impact ne lui a pas arraché la tête
il est beau
et le plus insupportable
c'est le calme sur le visage de l'autre
je vis un jour de torture
un visage calme imprégné de la mort
je pense que je vais mourir
si ce calme ne se fend pas
d'autres hommes meurent
ils se jettent d'une tour
le visage vomit
les voitures s'arrêtent
pendant trois minutes
je survis
je suis debout
en vrai


Dans la lenteur il est entré par ma fenêtre, je l'observe dans sa fascination du mal comme le bleu d'un cavalier.

Il est au seuil de son épure.





5.




Le non réel était toujours comme une teneur grave, dans le tempo de mes échanges, les mouvements se confondaient. Moi. La brume avait le goût de s'épaissir. Vous. Je vous croyais vraiment chercher le juste.
Qui habitait en moi comme une histoire? Sécante, parallèle, ligne de fond, éléments matriciels, vecteur de quelle courbe? Je comprenais que ne pas comprendre était un sens obligé, je ne comprenais pas comment poursuivre sans cette écorce d'arbre sous la peau. J'avais tellement peur de me casser dans une chute.

L'enfant revient finalement
verrouillé
les carreaux propres
questions d'urgences
temps parallèles élargis
c'est une histoire inventée, un livre,
asseyez-vous je vous appelle
il ne peut pas entendre clairement
le sang le ronge
il est différent
il est lissé de différence
il meurt
comme tout le monde
mais lentement


Quand le monde véritable criait, que la vie parallèle se délitait en taches sombres, je lavais le riz, grains courts et cendre, flèches noires des plateaux, toute une foule à pardonner l'offre d'eux-mêmes, une violence, vie des miens.
L'eau se teintait de mauve clair, j'avais en elle un geste large des deux mains prenant vers moi les dunes.
Je pensais que c'était celui que vous aviez pour amener un sein à votre paume, votre précision de toucher élastique, votre caresse.

C'était ma seule pensée de vie.






6.





Le reste nous appartiendrait.

Une page se nommerait Rencontre
vous ne seriez plus une voix seule a capella, vous écririez cet enfant triste
nous serions malheureux

ou pas

La mer s'ouvrirait de gaieté
pour le temps court de notre espace


Du monstre aux doutes de matin
et toujours voyageur en dedans
baiser pur de l'écorce
il serait énigme où m'interpelleraient
épuisés du soleil
mes pourquoi mon battement
lourd comme puits de souffle
et arracherait mes tempes
sous de blanches questions de femme
sous le précis moment d'averse
où j'écarterais les bras des côtés
dans le vert des feuillages
l'acide des fruits
accueillant comme aride
l'intouché de son incarnation






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