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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.05.2004 au 31.08.2004 » * ] Rupture d’étoiles par effet de marée « précédent Suivant »

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Flo
Envoyé mercredi 07 juillet 2004 - 14h39:   

* ] Rupture d’étoiles par effet de marée

c’est un phénomène rare,
peu connu à l’échelle d’un corps,
l’espacement des voyelles dans le gémir du feu
son accolade avide
l’étirement d’une parenthèse jusqu’à la confusion des confins
en l’ombre identique de l’enfant à l’œuf du sien au sein
du bang au big

il s’ensuit une certaine couleur
le bruit de l’ocre lorsqu’il lacère ses jaunes
pour autant que couleur soit de ces contrées et qu’elle ait assez d’air nécessaire
pour être prononcée par un des nôtres énucléé d’amour

c’est la tribulation d’un battement de chemise sur le poitrail d’un homme figé par l’oubli
enraciné au seuil d’une maison ouverte juste comme la sienne il y a de cela la moitié de sa vie, ou celle de son enfant ou de son père qu’importe ; la moitié juste

il s’ensuit un frôlement de soie, mais à l’échelle d’une planète, la rotondité émoussée et la consternation des ténèbres qui s’accumulent d’un coup, uppercut de matière ramassée en noyau d’elle pour féconder un instant immature mais éternel, prestidigitation d’abîmes initiés

et cette couleur toujours ocre
ou brune feu molli de terre
ou l’équivalent dans la moue des gaz en fusion

c’est le suave, le grave, le délaissement du geste sur l’accoudoir usé et ce moelleux qui conserve par sa nature fidèle l’impression inchangée d’accueillir, ou de consentir recevoir, simplement, la main gravelée impavide, surprise de la lourdeur du jour puis de la légèreté du soutien, la main d’une femme vainement brassant l’ombre dans la chaleur d’un été anonyme

il s’ensuit tout ce charabia de théories mortes nées, d’enthousiasme scribal sur papier soluble dans l’ignorance des simples : une couleur ocre rouge, une ablation des bordures, des frontières pour un ravalement de surface, un éclatement par absorption de matière, une marée infirme d’évanescence, la plus gravide bouchée d’étoile que l’oeil noir ait arraché à la contemplation

c’est le bâton trouant la feuille, le battement boudeur d’un petit bras qui défait l’ennemi végétal dans le jardin gardé de fleurs brumeuses, dentelles de mère, bruine rapide courant les bras les jambes, de l’herbe sous les pieds aux cheveux frictionnés par l’ennui qui occupait ses mains là, puis l’appel au repas et le bâton gisant, signant la mort du soleil la déglutition des rayons par ce grand vaisseau de charbon car la nuit, la nuit,

il s’agit d’une rupture [déglutition sèche]
dans un silence atroce mais éviscéré [un chant d’homme à la mort]
une rupture cosmique sans émotion [une naissance inconsciente]
par effet de marée
disent-il
par effet d’amnésie [toi]
par effet de lassitude [moi]
par effet d’ennui [cet espace entre]
qui sait, le nôtre, à cause des nôtres, peut-être [eux]
cette rupture d’étoile [l’enfant]
un ciel un peu plus noir dans un millier d’années [ *

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Teri
Envoyé mercredi 07 juillet 2004 - 15h48:   

Le titre est superbe, et le texte l'est au moins tout autant.

Difficile de rester de marbre face à "la confusion des confins", aux "abîmes initiés", à "l'ablation des bordures"... et à cette rupture d'étoile qui semble trancher le trop obscur.

Bravo et merci.
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Suzanne
Envoyé mercredi 07 juillet 2004 - 19h08:   

Bonjour Flo,

Comme Teri j'ai ete happee par le titre

Le parallele entre scientifique et profondement personnel sert bien le poeme. J'aime aussi - bien que ce soit peut-etre simpement ma perception plutot qu'un effet premedite ? - le fait que chaque idee est simplement suggeree, subtilement, sans aller jusqu'au bout, et que c'est au lecteur de continer.

Ma seule reserve, peut etre, est qu'on risque de se perdre un peu dans le foisonement. Mais bon, moi j'ai tendence a errer dans l'autre sens, de la concision a outrance, alors... Et puis je ne voudrais suggerer de couper aucun de ces beaux passages. Peut-etre un rearrangement de la disposition des mots sur la page? Des lignes plus courtes pour les parties en prose, par exemple.

Les parentheses dans la derniere strophe marchent tres bien.

Amicalement

Suzanne
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Cécile
Envoyé mercredi 07 juillet 2004 - 19h10:   

Superbe. Pas assez de mots pour dire ce que je ressens à cette lecture.
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aar
Envoyé jeudi 08 juillet 2004 - 09h34:   

Yes ! revoila Flo. Notre CoqueliFlo en jupe d'orge
soluble au vent d'Ostende
et son écriture douce comme une pluie d'amandes
et Louve-Marie qui tapotte sur le clavier ses messages secrets
à des êtres galactiques

Flo, ca fait du bien quand même de retrouver l'empreinte de ton encre
ses glyphes
ses palettes d'ocres
et les planètes de l'Univers dans un sac de billes accroché à ta ceinture.

bern aar

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flo
Envoyé jeudi 08 juillet 2004 - 09h55:   

Merci à tous, joyeux noms inconnus ( sauf Aar le stellaire que je suis aussi heureuse de relire de temps en temps). Votre accueil me fait chaud au coeur.

Petite précision, le titre, très poétique en soi, est en fait la dénomination exacte d'un phénomène astrophysique connu théoriquement depuis longtemps mais seulement constaté pour la première fois "de visu" cette année.

Le texte, foisonnant, raconte et par la forme et par les métaphores cet extraordinaire phénomène d'une étoile rompant suite à l'attraction gravide d'un trou noir.

Les passages "terrestres" me sont venus comme une évidence : de tout temps nous nous sommes senti liés aux astres, c'est comme l'infiniment grand de l'univers face à l'infime des gestes ébauchés et leur communication secrète.

Sinon Suzanne, je peux aussi faire dans le concis, à vrai dire. Mon dernier texte plublié en revue fait 6 lignes brèves, mais pour ce texte-ci ca ne cadrait pas. J'aime changer de registre.

Pour voir des photos du phénomène évoqué:

http://src.ca/nouvelles/Santeeducation/nouvelles/2 00402/18/005-trounoir-etoile.shtml

Chaleureusement à tous,

Flo
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suzanne
Envoyé vendredi 09 juillet 2004 - 11h47:   

Rebonjour Flo

Juste pour preciser que dans la vie de tous les jours je suis astrophysicienne, et ai donc d'autant plus aime le poeme.

Au fait, je ne voulais pas suggerer de rendre le poeme plus concis (d'ailleurs je ne suis pas sure que je pourrais sugerer quoi que ce soit qui ameliore un texte deja si acompli). J'ai seulement eu un peu de mal a lire certains passages, mais il s'agit probablement de mise en page et celle-ci depend du format du forum donc....

Amities

Suzanne
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Flo
Envoyé vendredi 09 juillet 2004 - 11h59:   

ah! tu es astrophysicienne! je suis impressionnée ( c'est un métier qui m'impressionne beaucoup). Je suis contente encore plus que le texte ait eu écho chez toi. Car c'est un regard profondément néophyte que le mien.

As-tu entendu parlé de Jean-Pierre Luminet? je suis en quête de sa poésie et attends ma commande à la Fnac. Il a fait une anthologie sur les poètes et l'univers qui me tente fort aussi et, en tant que scientifique, il publie aussi des vulgarisations scientifiques en astrophysiques.

Chaleureusement,

Florence

PS: oui, pour la forme, je comprends, en fait, il s'agit plus ici d'une prose poétique que d'un poème en vers même libres ( enfin si on veut utiliser des termes formels de catégorisation). Il est possible en effet que sur format A4 ça donne un autre résultat de présentation, plus lisible.
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Philippe
Envoyé vendredi 09 juillet 2004 - 15h57:   

Flo ,bonjour.
Je peux comprendre ta passion pour les étoiles et les phénomènes astrophysiques, mais les poétes sont des étoiles sur terre : les étoiles au ciel c'est la patrie des corps qui deviennent immatériels et qui n'ont plus rien à écrire, c'est pourquoi je pense qu'il est préférable d'aimer les poétes, car ce qu'ils expriment c'est toujours étoilés quand ils ont vraiment quelque chose à raconter même s'ils écrivent des choses terrestres.
Les poètes sont des univers à eux tout seul.
Goethe est un poète qui est devenu un scientifique.
Quand j'ai fait cette découverte, il y a quelques années, j'ai vraiment été enthousiasmé !

Philippe
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suzanne
Envoyé vendredi 09 juillet 2004 - 18h37:   

Bonjour Flo,

Non, je n'ai pas entendu parler de Jean-Pierre Luminet, je vais voir tout de suite si je trouve plus d'informations sur lui, ca m'intrigue. Je connais un certain nombre projets ou de personalites interessees par la connection entre art et astrophysique, par exemple mon departement a en ce moment une 'artiste en residence', mais jusqu'ici du point de vue de la poesie, je ne connaissais que des anthologies en langue anglaise.

Etre inspire par la science (ou d'ailleurs la technologie) en poesie, c'est a la fois inevitable et seme d'embuches... Certains textes poetiques inspires par mon domaine scientifique se contentent d'illustrer, du vulgariser (avec toutes les connotations negatives que le mot peut prendre). Le tien est un tres bel exemple du contraire, il transcende, enrichit. Il est a la portee autant de ceux qui n'y connaissent rien ou presque que de ceux qui sont tellement plonges dans les etoiles qu'ils ont perdu toute conscience des echelles extraodinaires qui font leur quotidien, et ne savent plus communiquer qu'en symboles grecs, jargon technique ou (encore plus commun...) languages de programmation informatique....

Moi-meme, a qui une "conscience sicentifique" enleve, dand un certain sens, le droit au flou artistique dont d'autres peuvent user (souvent a bon essient), et brouille aussi le sens de ce qui est accessible ou non pour la plus grande part du public, je trouve ce type de poeme tres difficile,. Jusqu'ici, le courage m'en a manque, mais je compte bien m'y essayer un jour. Je l'ai fait un peu en anglais (je vis en Angleterre et j'ecris dans les deux langues), par exemple en ecrivant un texte sur le laboratoire de mon compagnon, qui est ingenieur en thermodynamique. Il s'agit plus de l'atmosphere du lieu ou se pratiquent les recherches que des phenomenes scientifiques eux memes, mais bon. Si tu parles anglais et si ca t'amuse, jettes y donc un coup d'oeil - www.ast.cam.ac.uk/~suz/poesie/english/thermofluidi cs.html

Amities

Suzanne
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Suzanne
Envoyé vendredi 09 juillet 2004 - 19h02:   

Au fait, puisque nous sommes sur le sujet, je ne peux pas resister a la temptation d'une petite digression sur les effets de maree - ils sont facinants.

Les effets de maree en astrophysique ne concernent pas seulement les etoiles s'approchant trop de trous noirs. Ils secouent, deforment, avalent, detruisent ou sculptent de nombreux types d'objets celestes se rapprochant trop d'autres objets plus massifs qu'eux - etoile-etoile, planete-etoile, mais aussi galaxies. C'est une veritable danse endiablee, qui parfois oscille, change de direction, qui peut faire en sorte que des etoiles bien plus massives que le soleil se tournent autour avec des periodes de quelques secondes seulement, se rapprochent, s'eloignent, echangent des quantites impressionantes de leur contenu, finissant parfois par ne faire plus qu'une.

Un autre exemple. Si une petite galaxie se rapproche par megarde d'une grosse, les forces de maree dues a son deplacement dans le champ d'attraction gravitationelle de la galaxie la plus massive vont etirer la petite le long de sa trajectoire, parfois jusqu'a la detruire et l'avaler completement. On pense maintenant que la plupart des 'grandes' galaxies comme la notre sont principalement le resultat d'une succession de telles collisions cannibales, et il est possible de discerner dans la Voie Lactee (ainsi que dans d'autres galaxies voisines) des traces de ces petites galaxies annexees, car les etoiles qui les formaient gardent des characteristiques distinctes de celles qui se sont formees in situ. Les nuages de Magellan, dont vous avez probablement entendu parler, sont des exemples de galaxies semi-canibalisees: ils reste leurs centres, qui tournent autour de celui de la voie lactee, s'en rapprochant lentement. Mais les etoiles qui etaient a l'exterieur se sont dispersees le long d'un immense cercle qui fait tout le tour de la galaxie - tout le tour du ciel pour nous.

Bon je m'arrete la, je pourrais continuer pour des heures...
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isadayeur
Envoyé vendredi 09 juillet 2004 - 21h28:   

Super, le tango violent et langoureux des corps célestes et changeants. J'ai toujours été fascinée par l'astronomie. Ayant dévoré à 12 ans un livre de vulgarisation sur le sujet, toute ma vision du monde en a été bouleversée, et l'est restée.

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