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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.01.2003 au 31.05.2003 » Peur « précédent Suivant »

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Wolvess - Louve
Envoyé mercredi 14 mai 2003 - 23h57:   

Peur

Tout à coup, j'ai compris que j'avais peur. J'avais peur depuis si longtemps que je ne savais même pas reconnaître ce figement intérieur, cette suspension des mouvements naturels de mon être tandis que l'écorce s'épaississait peu à peu.

J'étais debout sur le bord d'une rue déserte par une après-midi d'été en ce pays d'ailleurs dont le sang chaud me parcourt pourtant aussi. Le ciel était chauffé à blanc et déversait des reflets métalliques sur la mer que l'on pouvait apercevoir entre deux murs.

Dans le regard des autres, j'étais l'étrangère en terre "inconquise". Autour de moi, tout était violence acérée à partir de ce regard qui s'insinuait jusque dans mes fondations et qui, au lieu de les secouer, de les ébranler, y prenait corps, s'y ancrait de plus en plus solidement.

C'est à ce moment-là, ce moment précis, seule sur le bord de cette route vide, que j'ai fermé les écluses encore trop fougueuses de mes émotions et me suis coupée de l'eau claire de mes sentiments. Sans le savoir, en me fermant à la sensation de peur, je venais aussi de m'ouvrir à toutes les agressions. Qui plus est, en absorbant ce regard d'aliénation, en le faisant mien, en l'adoptant pour le poser sur moi-même, j'étais devenue l'arme de l'arme.

C'est fou comme on peut vivre longtemps sans exister. Toute une vie sans doute. Mais moi, je me suis réveillée un matin sous une grêle de mots. Ils pleuvaient depuis toujours sur moi. Ils me comblaient entièrement, tombant dru et écharpant au hasard de leur chute l'oeuf sans coquille que j'étais devenue. Je les recevais presque sans les sentir, les reconnaissant comme familiers, les prenant même pour une manne, et leur acquiesçais.

Mais ce matin-là, quelque chose de frêle et d'irrésistible à la fois s'est ouvert en moi, pour tenter de les retenir, de les empêcher de s'appliquer à moi, de leur faire obstruction, ces mots chargés de mépris.

La peur s'était muée, à mon insu, en colère et la colère exigeait la révolte, l'insubordination.

Comment ? Pourquoi ? Par quel mystérieux processus indépendant de ma volonté ? Un vague instinct de survie qui aurait repris le dessus ? D'où venait-il ? Qu'est-ce qui l'avait provoqué ?

Je ne l'ai pas encore compris, pressentant seulement que mon existance, mon essence même dépendait de cette nouvelle voix.

J'ai eu un premier mot qui m'avait échappé jusque-là, un seul mot de trois lettres : non !

Ce premier mot m'a apporté le premier souffle d'air respiré à pleins poumons. Ce matin-là, c'était hier. Je nais à peine. J'apprends à respirer.
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Wolvess - Louve
Envoyé jeudi 15 mai 2003 - 00h00:   

C'est à partir de ce texte que j'ai écrit celui-ci :


Froid incisif
D'un ciel chauffé à blanc
L'arbrisseau ne boit plus au ruisseau
Sa mouvance intérieure suspendue

Frondaison inhibée
L'espoir d'un feuillage reste roulé
Dans les noeuds de son bois sec
Qu'on dirait mort

Granit impénétrable
Sous les racines qui serpentent encore
Lentement
Et le tiennent debout


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florence
Envoyé jeudi 15 mai 2003 - 16h34:   

Le second texte est-il la finalité du premier? est-ce une méthode tienne pour distiller la poésie, en extraire le suc d'une méditation plus large?
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Wolvess - Louve
Envoyé jeudi 15 mai 2003 - 23h20:   

Bonjour Florence,

Pour répondre à tes questions, non. Le premier texte s'est imposé à moi comme une réflexion sur un moment, une prise de conscience que j'ai eu besoin de noter. Le second s'est ébauché pendant que je l'écrivais, sous la forme d'un arbre.

J'aime bien tenter de condenser mes pensées, mes images lorsque je m'essaie à de la poésie. Mais je cherche encore ma voix et n'hésite pas à explorer différentes formes.

Je te remercie de m'avoir lue.
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Hélène (Hélène)
Envoyé dimanche 18 mai 2003 - 18h09:   

Louve... comme j'aime te lire ici.
"L'espoir d'un feuillage reste roulé
Dans les noeuds de son bois sec "

la crainte en poésie tes métaphores sont toujours inattendues.

j'ai pensé à toi avant hier pendant une conférence à propos de Borneo et des gens qui habitent la forêt un peuple d'une centaine de personnes.
amitiés
Hélène ( ailen chut... )

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Wolvess - Louve
Envoyé mercredi 21 mai 2003 - 00h39:   

Bonjour Hélène.

Je crois que tu me confonds avec une autre louve. Je suis nouvelle sur ce forum et n'ai pas le plaisir de te connaître. La louve est mon totem. Pour éviter les confusions, on peut m'appeler Wolvess (qui est à l'origine du surnom qui s'est imposé).

Au plaisir (que j'ai commencé à explorer) de te lire.

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