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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.05.2004 au 31.08.2004 » Provoc. « précédent Suivant »

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YV
Envoyé dimanche 01 août 2004 - 14h44:   

Un petit brin de provoc :
Pour ceux qui n'aiment que les poèmes brefs, un long poème.
Pour ceux qui détestent qu'on parle de choses tristes, d'âge ou de mort par exemple, ce long discours prononcé pour les obsèques de Christian Da Silva et Pierre Gabriel, poètes.
(:-)) !!!!!!!!!!!!!!
*******************************************


L'un est parti, puis l'autre,
et sur leurs lèvres et sur leurs doigts
l'encre était encore fraîche.
Apprentis des fontaines, élèves du soleil
partis, puis l'un, puis l'autre,
pour le retour à rien des merveilles du corps.
*
A Christian toutes fêtes,
tout chant qui chauffe dans sa rue,
à Pierre de signer quelque avenant secret
au vieux commerce du mystère.
*
Les voilà dans la nuit qui perdent leurs visages.
Que devient leur matin sans cette main qui nage
sur la vague d'un sein ?
Quelle chance, la nôtre, que frôle encore le soir,
quand vous gisez aux sables noirs de déserts inimaginables !
*
Le sentier des cyprès est resté sans surprise.
On savait qui pleurer, on savait comment vivre.
Et nous avons osé dans l'anis du bistrot
retrouver nos sourires.
L'audace des regards a rallumé ses feux
dès la première femme.
Ah que nos chairs sont malapprises
amis vivants, hypocrites amis
quand après la cérémonie
nous reprennent les cris d'un plus dur désir d'être.

Demain, au vent d'autan grinceront nos volets.
Nous aurons pour nous seuls ce frais soupir de femme
qui s'éveille en pensant à l'homme de sa nuit.
Et nous aura repris l'illusoire bonheur
d'être là où l'on sort encore un pied du lit
pour le poser sur sa journée.
*
Toi, Christian, je t'entends:
" Que fais-tu là, perché sur mon trou ?
Ne te suffit-il pas d'une poignée de terre ?
Faut-il absolument aux fosses littéraires
jeter encore tes mots
et crois-tu donc me plaire
en posant le toit d'un carnet
sur ma cabane ensevelie ?
Pense plutôt à moi quand les volets effeuillent
au dernier vent les regrets d'un amour,
qui avait fait pencher la campagne aux fenêtres
et la compagne au bord du lit !
Quand tu prendras plaisir à ouvrir une femme
sous le verger, comme une figue mûre,
fais-le en ma mémoire
et ne sois pas jaloux si ses yeux se relèvent
complices, vers le ciel dont je suis devenu
locataire à perpète.
*
Pierre, tu nous dirais:
"Gardez vos vies, poètes, alambics du vivant
à distiller le Verbe goutte à goutte.
Moi, je suis l'armagnac de Dieu
tandis qu'une injustice obscène
détruit mes lèvres sur le temps.

Mais je crois voir ton ombre,
Pierre, courir sous mon pommier
n'est-ce toi qui chantais :
" Semez semez sur ceux qui s'aiment
les lucioles des mots!"
*
Je voudrais tant, amis,
vous voir applaudir ce poème
qui tellement est resté vous-mêmes
étrangement fixé au fil des mots
par l'épingle à linge du rêve.
*
Moi, j'aimerais ma mort déguisée en servante,
de celles qu'on faisait attendre sur les quais
un vieil enfant qui ne revient jamais.
Je descendrais dans une gare où se brisent aux ballasts
les grands convois de la fatigue.
J'allumerais un grand feu de poèmes
comme les restes d'un chantier,
puis soudain arrogant, mon rire
hisserait ses couleurs sur le mépris du pire !
Mais je n'aurai jamais de gare.
Ce sera juste un arrêt brutal dans la campagne
quand le cœur a perdu son tambour.
*
Mais bon Dieu, quel silence ce soir,
Entre vos tombes ! Quel désir d'espérance
j'ai entre tous ces morts, à écouter ma vie
tandis que sur la flaque grande comme un mouchoir,
l'étoile jette ses années lumières par milliards.
*
Quand craquera la terre sous mes pas
comme un trop vieux plancher,
quand bégayera à mon clocher mon tout dernier bourdon
pour les nids de ma haie,
destin d’un nom nu sur l'affiche
d’être recouvert de tant d'autres!
*
Ayez pour nous pitié,
frères d'hier et de demain
pour tout ce temps perdu
à apprendre trop tard,
rime d’un jour de mort,
ce que vous nous étiez.

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