Limousine, Ô race ferroviaire Log Out | Thèmes | Recherche
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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.05.2004 au 31.08.2004 » Limousine, Ô race ferroviaire « précédent Suivant »

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pl
Envoyé mardi 03 août 2004 - 09h48:   

Le soir, les lampes retirent de la nuit les buées des sérénades et autres foutreries. Les miroirs de l’opium commencent très tôt à trier dans les langues insulaires les mots revenus avec les épices, les fièvres, des infusions de cardamome, « Chá » affluent des « tchaos » traversant les chaos et la porcelaine des jardins obtus décidés à ne dire que les fragments qui se tiennent in side, dans le coup de fouet de l’esprit.


des Combos, des Macaos, des tringles, des machines à sous, des aiguilles perforant chas et chatons des girofliers, piquant d’étoiles les châles lagunaires enfouis dans les granges avec les pennes bleus vibrant d’oiseaux, depuis longs temps fanés ainsi que l’on assemble graines et gouttes ergotant dans les bulles du porphyre et l’ambroisie tinctoriale puisque le cœur aussi a ses vaisseaux qui mangent les haillons des couleurs leurs arborescences: Fleuves, curcuma, lompes et désinences, la robe furieusement floue du corps de jeanne-Isabel, fruit et fleur femelle, leurs cannelles brisées. Reines folles, une encore, fragmentées, traversant les incendies de tous les Portugals, traînant, tirant Hue et Dia, hélant la charrette du temps bondissant débordant des ridelles, jusqu’à moi, avec la dépouille souveraine de l’époux, marrie et navrée, plus sèche que jambon de Serrano.



(Autrefois, passaient en moins sombres équipages, rémouleurs de ciseaux de femmes à barbes, affûteurs de couteaux pour le connétable en son château de Clisson, compagnon fidèle de Jehanne qui fut brûlée, tant qu’on ne peut plus relier de sa chaste épissure le monde d’en haut et icelui. Cauchon, évêque grand amateur de barbecue convoquait grande liesse de manants tels qu’en tableaux de Bruegel. Quoique ne parlant pas même langue, le dessein se peut comprendre en franglois ou bas Breton et d’autres langages de barbaque et de verres levés, d’ale et de vin-vinaigre, bwa-bandé, Bara-Gwin, avec force saucisses, rôts et belles cuisses de chevreuil rondement maniées par la main, sur la broche. Maux de tête, lendemain.)



Ainsi ses oriflammes couchés par la défaite dans le morne jargon d’entreprise, funiculaires à Lisboa, rye market, bond street, l’or, l’or toujours fou avec ses caravelles Hi-Ho, liquide ou en barres redorant les lueurs aphrodisiaques et le flou des blasons. Voilà que se vainc le myope nyctalope (ou sa sœur jumelle, sa mère peut-être, encore gironde, bien que d’ailleurs, au delà du fleuve Loire, Sambre, Meuse, cheveux de paille et yeux bleus frelatés) l’errance par la magie coudrière des baguettes de fées et l’électricité avec son clic moderne sur le bouton, pour faire la lumière dans les taudis les plus noirs et qui le resteront. 35 Watts, c’est le progrès de la vitesse pour voir tomber les mouches sur le maigre fricot, les rogatons, la couche défaite ou beuglent des marmots, les pioupious de la prochaine guerre, de la chair à canon irradiant mes neurones d’autres sources, eaux ardentes, aguardientes épurées dans les cyclamens et le baralipton jusqu’à quelle ellipse et quelle fusion ? Le banquet d’insomnies fuse, Platoon revenu lui aussi de ce temps baratté de mottes et de croisades. Dieu ferraillant avec lui-même more and maure, se tuant à dire l’unique dans la multiplicité et que tout est pareil, alors que rien ne se ressemble.



Je vais changer d’ère, l’absence d’espace me confit, me confie contraintes et confitures de déconfitures, grand désarroi, harcel bien que peu ne me meut ce qui m’émeut, regardant passer les grandes blouses déchirées des trains gris, écrivant Io, avant que le lait ne soit tourné dans le jargon des TGV, les stances de la vitesse, le staccato des roues, ses vaches, mes limousines, penchées sur le réel passant, le temps de remugler, remembrances et remembrements de prairies remâchées, tombant avec les muges les aigrettes des pisse en lits, le vermifuge des chagrins dans le nourrain et le calcre des plaines, la diligence des sabots et mon cheval sabordé dans ses ailes décline les synclinales imbéciles, va se garer sur le passager piétonnier, Pégase lymphatique enrayé dans ses ailes. Ce n’est pas le regard qu’il faut poser mais la main courtilière, ses vastes panoplies et tout prendre d’ahan, haïku, épopée, lusiadas, bouteille virgilienne à la mer, le poème livré avec ses grues, sans notice, mais sextants, astro bales et labes et autres crochets de vermeil emboîté pour embarquer sur le charroi des galaxies, remonter le fond du fond, du profond des boues, des choses vagues qui vivaient lentement, dans leur propre mystère, toujours hors saison.



Couac que je collerai bien un bout de printemps inoubliable, ses tigres, ses gri-gri et même des bla-bla pour faire passer tout ça. Que sont quelques chromosomes de plus dans la masse moléculaire du vent pour faire se couler l’ivresse et l’ivraie ? Ce qui peut s’écouler dans les couloirs écroulés sous les portes écrouées, jusqu’aux grandes parades des ruelles étroites re devinant de vrais morceaux de mers fraîches, tranches sucrées salées des melons d’eau, avec des angles rameurs, des nuances de partir. Puisque trois pierres cémentent, fol, il faut être fou pour l’ignorer, Eole, la voile, le voyage. Mais encore fallait-il compter jusqu’à Troie et que la rive s’invite à murmurer à l’oreille, des sirènes, le chant et qu’elles ne s’effondrent, du rêve d’absolu, gigogne comme il se doit.





C’est comme des maisons avec le temps de tout dedans, sans dédit, sans déni et des femmes irréelles, immuables qui ne font pousser des cris dans l’absence du feu et des choses comme ça, pour faire aller. Vous mettrez tous les verbes de la déliquescence, les ramages, les plumages et les appropriés, ces bans, ces dols, autres vins cuits, vainement dans le code napoléonien, cette sorte d’architecture à la langue chargée déjà de Cythères rectilignes, même si un magdalénien y trouverait encor son petit dans la foule prognathe de la 25 ème rue…




Dira ma mère «oh ! oh ! Cesse de faire, ton « Rimbe » Rhombe, ton navire enterré dans le fond du jardin pousse encore ses voiles et le grand mât à troué mes feuilles de salades tandis que gémissent des fleurs bizarres, de troublants époèmes, des gongs safranés d’E-poèmes, de l’herbe à fumer les voyages qui ne rapportent rien. Prends toi par la main et va, vendre vers là bas, des ressorts, des ficelles, graines de boutons de culottes, poix, hochets pioupiesques et ithyphalliques et autres clinquantes verroteries, ainsi que tabacs prisés par l’autochtone, sans négliger balles de Kalachnikov bien drues, aux indigènes de toutes les couleurs, qui aiment fracturer dans l’argile du bol bleu des étoiles les œufs, l’omelette sanglante des constellations. Tandis que le sang coule lui vraiment. S’est glissée la fève de la mort, ses mélopées dum-dum, chemisée de bon acier imputrescible, remontant entre les forêts épaisses des amulettes qui éloignaient le souci de ne pouvoir durer autant au moins que la fête de tuer en soi son ennemi, gringo. Puis des chants, dans les langues khuzdûl, valarin, quenya, sindarin et la magie des formules pour saluer l’usage de passer:

« Elen síla lúmenn' omentielvo »



Ludion s’est éteint, le remplace luciole, que la lumière soit sur nos fanes et nos radis. Mais surtout, elle fut peau épaisse tavelée, animale ainsi que chagrin parcheminé dans le foulon, tes chaussures un peu raides de varan. Eusse préféré bonne houlque et de moins verts tanins, à défaut d’antilope, « un crocodile vivant, un pas et demi de longueur, du genre Nil reptilien, quatre pattes longues chacune d’un empan, la queue large et la gueule fendue comme celle d’un serpent. Il remue seulement la mâchoire supérieure qui est garnie de dents très aiguës; il n’a point de langue et sa peau est couverte d’écailles plus dure que des os. Il n’est point venimeux et toute sa force réside dans sa queue ». (Silence des cymbales, des actinies au pharynx bavant de fabuleuses lactescences, des phalles, des tentacules au fond des mers copulatives) Ainsi que le narrait Domenico Trevisan dans son « Voyage du magnifique et très illustre chevalier et procurateur de Saint-Marc. Ambassadeur de l’illustrissime gouvernement vénitien auprès du sérénissime seigneur, le grand soudan du Caire » qui bien peu me chaut.


Ma limousine étendue sur le champ, dans le soleil dormant. Elle a deux trous rouges au coté droit. Des traces de trocarts soulageant son ventre ballonné d’absorptions de vertes et grasses prairies, flatulences baudruchiennes, telle contemporaine poésie, s’effilochant en rouelles et brimborions, vastes fumées, lampions pour éclairer le monde défunt, ses cohortes, ses ciboires, ses lampe médusas. On nous a fait tant bouffer nous des âneries au kilomètre et brames de mots, qu’à la fin ne sait plus où s’en va la chanson…



Cependant, J’ouvris un bal, la Mer Rouge s’étant retirée, bavaient d’un lac d’écorce et de fractures entre les continents, des vagues de sel figées, ainsi qu’oiseau femelle, *Liracrédi fuyant délicieusement Gomorrhe, se retourna, lissant ses plumes effarouchées par le vol et vit sa vaine condition, colifichets, foutrepamoîsons, rimels, Kohl, faux cils, onguents, toutes les armures ancillaires pour cintrer le temps. Rien ne l’étonna, mais se vit soudain si vieille en son miroir, chut dans l’échouage d’un lac nommé Assal, duquel longilignes Abyssiniens, gens d’Afar et d’Issa, de beauté insolente, prompts à la révolte, mais au regard chaussé de Ray-ban, puisaient brûlantes récoltes, sauniers des temps passés, engrangées dans les pépites du vent, et d’autres contrées morcelées qui furent des royaumes.
*Peut s’écrire lyre à crédit…

Le roi Jean ici soumit des provinces très anciennes qu’on raconte de mémoire, comme on se passe les charbons des mots d’avant que la force centripète et centrifuge de l’administration ne viennent avec ses fonctionnaires glabres mesurer la distance entre Adis et Djibouti, démontrer sur le papier millimétré que la Micheline remplacerait désormais le chameau, ma Limousine du désert.


Feismes voille et pour aucun vent contraire, coustoyasmes fairies et foraies cristallisées par les sables, traversâmes sur cet animal moult chargé, brinquebalant, khat khat, porteur de faits et de faix, d’armes poussiéreuses: Chassepot, Mauser, Gatling, des produits de consommation courante, vierges fraîchement cueillies, telles opiums et thés verts, accus, brandes, chandelles, courroies, vessies, Oro encore et encore Gold, Ouro, épices, soies, draperies, braderies, chintz et chantoung à cent balles, dix euros de Tati, graines de cucurbitacées et de céphalopodes, sorbets, ventilateurs, ainsi que maladie du sommeil, fièvres zanzibarites, loukoums, Piri-Piri, préservatifs pour faire des ballons et de l’eau, autant que : « dedans le Cayre sont cent mille hommes qui portent à leur cou, en peaulx de chievres, l’eaue à vendre et cinquante mille chameaux pour la porter ès maisons et ès rues que l’on arrouse soir et matin pour refraichir la ville. »


« Toutes choses presque se vendent à la livre comme chair, poisson, huille, myel et fruicts dont est habondance ». Dispositions toutes plus compliquées qu’humaine connaissance y puisse pourvoir incessamment et sous peu, sans fourvoir, en ces temps caniculaires. Mais… par Dionysos, où sont alcools captieux, vins de paille rhums et Portos. Ah que l’on mette en perce foudres et tonneaux, fûts, tonnes et tonnelets, pièces et demi-pièces, feuillettes, quartauts, pots, muids, futailles, bordelaises et barriques. Ainsi que dives bouteilles: magnum, double magnum, jéroboam, impériale, réhoboam, mathusalem, salmanazar, balthazar, nabuchodonosor, dames-jeannes et fiasques à long col et large panse clissée. « Ung vin si tresdelicieulx, odorant, singulier et sentant sa manne, que n’eusse cuidé en auculne partie du monde se trouver qui surmontoit sans comparaison, pigments et ypocras, vin, nebith qui me fist oublier toutes mes miseres passées. »


J’engrange des saisons maladroites aussi floues qu’yeux de brèmes, j’en ferai un brouet de pourpiers et de salamandres, blasons de noirs et jaunes continents, dont je me souviens, par procuration et voisinage de proches et lointains voyageurs, lectures fécondes, Frère Jehan Thenaud, dudict lieu d’Angoulesme, jusques au Cayre et Tintin au Congo. Le roi Jean oblitérait de naïves conversions, tchac, tchac, comme le poinçonneur des lilas. Avant il fallait des trous et des billets pour partir. Maintenant se calculent le chromosomes de la vitesse, dans la nuit des temps et tu arrives avant même l’idée de concevoir l’envie de partir.


Et toujours des sous « Grande robe de contrebande, mesmement d’argent blanc, car audict navire en avoit pour plus de cent milles ducats. » and so on : « Le palais du soudan et ses jardins est chose en beaulté et magnificence digne d’admiration. En icelluy sont ordinairement et pour sa garde, levans, boyvans, meangeans, dix mille mammeluz et autant de chevaulx, la valeur de dix seraphs d’or. »

Comme piastres et dollars, ruisselets, rivières, fleuves jusqu’à l’océan du crédit innombrable, toutes vannes ouvertes du commerce jaillissant, ses musiques, ses arts florissants des forêts décombrées, toutes entières croquevillées, en tas serrées avec leurs plasmas, vertes plumes, pistils et anthères enterrées dans les glottes carminées d’oiseaux ensevelis, enfouies sous les strates et les marées, les sédiments de pyrales et de bormes végétales, du fuel, du pétrole, les laitances du sperme noir de la terre, des pleurésies, des grumes d’eaulx fossiles asphyxiés, remontant des profondeurs le souffle, jusqu’à la mer des nuits hydrocéphales où se tient amarrée la licorne déchirant les rideaux et les voiles jusqu’à la clarté.



Somm’ si fins nous qu’on regarde passer les guerres au lieu de les vouloir arrêter. Et le cœur du drone à déroulé ses charpies de fils, ses gerbes de puces et de connexions dans un crafouillotis multicolore. Je dis là à la faveur de combustions nucléaires, entreposées dans les soutes de vaisseaux immobiles formant faisceaux et réseaux, marmites de lentes cuisons sur les fleuves, Rhône et Loire, Saône, Cher et Garonne et moindre vibricelle, vibrisse d’eau passant, colchiques dans mes près, lentement s’empoisonnent. Mais, si remonte le temps, se battaient déjà pour carne d’aurochs, braseros et langues de mammouths, bout du champ trempé d’orties et de lucres de vipères enroulées, fouet sur la peau des tribus dans les granges espalières, du fond des mines le cœur rehissé des lampes, pour tirer l’or des grands supplices et couvrir les églises, les calices et les Dieux endormis, des vastes chapes scintillantes de la mort. Voilà que la lumière a de drôles de couleurs.

Ma pauvre lim’ on en a vu du temps passer, non que je m’apitoie, mais frissonne un peu à tout ça regarder. Surtout que j’étais là, moi aussi dans ce temps un peu ladre, allant plus vite que pour moi se puisse comprendre tout ce qui s’y tramait, de vertiges et de nuits, de désirs et d’insouciance.










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el gringo
Envoyé mardi 03 août 2004 - 16h46:   

é bé !

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pl
Envoyé mercredi 04 août 2004 - 08h17:   

c'était juste l'introduction (smile)
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miaOw
Envoyé mercredi 04 août 2004 - 15h31:   

..sSsadike!!
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pl
Envoyé mercredi 04 août 2004 - 16h12:   

la suite demain..et non de suite,juste par sadisme...

"...Long travelling de son regard brûlant d’intelligence, plus que blonde, puis par delà monts et forêts s’élèvent bancs de grains, saisons de violines et de capitules verseront leurs noires fumées de Danaïdes, dans les pots au noir du vieil Horn dissolvant ses démences sur les côtes édentées du Tropique..."
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Laurence
Envoyé mercredi 04 août 2004 - 18h42:   

[...] si les hommes ne dansaient pas sur des volcans, je me demande où et quand ils danseraient ; l'important est de bien savoir qu'on a le volcan sous les pieds afin de goûter son vrai plaisir d'homme libre " J. Perret

:-)

La suite, la suite !
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pl
Envoyé jeudi 05 août 2004 - 09h57:   

Long travelling de son regard brûlant d’intelligence, plus que blonde, puis par delà monts et forêts s’élèvent bancs de grains, saisons de violines et de capitules verseront leurs noires fumées de Danaïdes, dans les pots au noir du vieil Horn dissolvant ses démences sur les côtes édentées du Tropique. J’allais en remontant les rives torrentielles de l’Oyapock, celles du Maroni, entre les flaques d’huile, par les carbets, les villages des Bush-Negros Bonis, qui furent soutirés des côtes de l’Affrique, puis chassés par les mites blanches de la mort et leurs chiens dans l’émeraude effrayante des mangroves. Comme si tout le temps ici se fut perdu dans la déliquescence et les fièvres, puis enterré dans la boue avec les poissons-pierres engloutis, les chercheurs de pépites et de sable aurifère, le bruit des moteurs, le gas-oil, le mercure et l’essence.

Croise au détour d’une lampe de feuillage, chasseur M’hong transvasé, gravure d’Angkor-vat et de la Cordillère annamitique des petits soldats infatigables de Minh, porteurs de canons et d’immensité, sur leurs semelles de pneus usés, Tongs bricolées, boat-people de la canopée avec tous les rites séculaires, vieilles femmes à langue de Betel dans la jungle identique de l’administration, son arbalète à singes tapissant les hauteurs de cris d’enfants sourds, de la démesure de l’Asie des moussons, ses pluies lentes et longues, aux pluies épaisses et denses d’Amazone. C’est le temps d’une tasse de thé, des grands navires de la mémoire, mesmes gestes, se mouvant lentement sur le feu de brindilles, le briquet d’amadou, sous le toit crépitant de la feuille d’un arbre inconnu strié de veines rouges, des tubulures des lierres étranglés enserrant les spires de l’anaconda.




Le vertige de plonger dans les pulcres et les oultres, les phalanges d’amont jusqu’à la Désirade et les grands bois bleuis rainés de lamproies et de gnoses, les laines serrées des Sargasses, ses plaines et ses morts, planches qu’on radoube pour ne jamais couler et calfate aussi les jonques du soleil qui penchent vers la nuit. Je passe maintenant la ligne de partage d’étoiles perclurées qui semèrent des lueurs tant qu’on n’en pouvait plus. Puis il fallut bien aller, (Certain temps il faudra que je dise ce que j’ai cru entrevoir. Rien ou pas grand chose, mais je le fais savoir. Je suis en panne de merveilles.)


Plus loin vers les gerçures des eaux prophétiques du Chilam Balam, les divisions du temps et du soleil, ses roues de cycles humains. Mois Uo des hiéroglyphes, Sip de la chasse et des gibiers, la langue percée dans les transes du feu, Tzotz et Tzec pour le miel, Xul des bannières de plumes du serpent, Yax kin l’indigo fut versé sur les piliers des maisons, les instruments, les outils. Puis Mol, se faisaient les Dieux en l’honneur des quatre points cardinaux, l’artisan oignait les statues avec son propre sang. Mois Chen, Yax, Zac, Mac, Muam, Pax, Cumhun, jusqu’à l’arrivée des cinq jours sans nom, au terme du mois Uayeb. Ainsi passait le temps, ses ondées de lumière, sur le sol infertile des solstices et des genèses.


Dans les champs de maïs, de sisal de calcaire et de reptiles, sans eau, sans arbres, péninsule solitaire, presque île inachevée, Yucatan tendu comme un fouet entre la terre et la voûte céleste, le temps circule, celui des chiffres et de la vénération de ses propres cycles, avant que le christianisme, venu dans les fontes et le bruit des chevaux de Francisco de Montejo, les étrangers de la terre, n’accomplissent la prophétie :

« Avec tristesse je vous avertis, ô père
voyez, vos visiteurs sont déjà sur le chemin, ô Itzas !
ce sont les maîtres de la terre qui arrivent. »

(Itzas : « hommes sacrés »)

Peuple juif des Toltèques, cristeros et separados, les séparés, cherchant la terre ancienne, le Peten, le pays des Mayas, du savoir et de la magie engloutie dans l’axe de la pyramide où Kin, jour et soleil veille sur la mesure du temps dans le ciel de l’écrit. Parce qu’il n’y a pas d’origine ni de néant, il faut lire les cartes qui mènent à l’éternité. Tout ce qui fut prédit, guerres, trahisons, vengeances, conquêtes, errances, arriva. le monde qui s’était défait se défit encore pour renaître. Brûlèrent, en 1520 sur la place de Mani sur ordre de l’évêque Diego de Landa, les livres sacrés des prêtres du soleil, mais le feu ne fait que disperser la mémoire.




Qu’est ce qu’on fait nous là, my Lima ? Dans les apothèmes et les hydrographies, à tenter d’ensemencer le monde de vagissements et de bavardages ? Mais ils firent comme nous, errer. Puis « dominus vobiscum » furent les dernières paroles de leur chant, lorsqu’il qu’il n’y eut plus de ciel et que tout fut mélangé, les saints et le crotale, le cœur du jaguar rouge et les pierres précieuses. Les tables de la Loi se fondirent dans la plaine et le vent sortit de la grande pierre de grâce, étendit son linceul sur la province de Yucalpeten. J’écarte le livre où le géomètre fut broyé par l’archer. Nous nous sommes égarés sur la route obscure des mondes obliques.



A suivre...
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aar
Envoyé jeudi 05 août 2004 - 15h27:   

voilà Philippe dans les méandres mayas
dans un inimitable lyrisme savourée de peyolt
Personnellement j'ai vu Tikal d'une façon moins poétique et glorifolante
Je l'ai vu comme ça:

Tikal, cure-dent dans la poitrine du ciel
rutilante, écarlate, d’une pierre à l’autre
grand-prêtre là-haut, quetzal sur l’épaule
grand-prêtre bénit le peuple de sa pisse
puis en soulevant le tonnerre du soleil
grand-prêtre ouvre les cerises,
et ouvre et ouvre et ouvre
et jette les noyaux en bas à petit peuple,
qui attend tout seul, nabot vermiculaire
et petit-peuple boit, et petit peuple mange
et petit peuple suce la pierre
de cette pisse, de ce sang tiède qui ruissèle
et petit-peuple dévore cuisses et artères
et foies chauds jusqu’au dernier caillot

et petit peuple a eu sa ration de protéines
jusqu’à la prochaine cérémonie
jusqu’à la prochaine lune

Tikal, temple de l’Homme-Dieu
haut-lieu de la cruauté cannibale
haut-lieu de la connerie humaine
maya et universelle

...
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pl
Envoyé jeudi 05 août 2004 - 16h25:   

J'en étais arrivé à la même conclusion, bien que ne m'étant penché qu'assez rapidement sur ce bout de continent, ni en géographe ou ethnologue, mais seulement en compulsant le livre du Chilam Balam.Mon texte s'arrête sur ce passage plus que dubitatif d'un égarement sur des routes obliques. Quelque chose de pitoyable au fond surtout et c'est le pire cette tentative de vouloir s'approprier la religion de l'envahisseur en se dévorant soi-même.

J'ai tout de même retenu, ce n'est pas propre aux mayas, mais c'est très saillant, la relation au temps, à l'espace. Demain peut-être parlerais-je du "Hotzo" la peinture de guérison des indiens navajos ou de la guimbarde hindoue faite d'un insecte...

Le voyageur immobile
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aar
Envoyé jeudi 05 août 2004 - 21h49:   

il faut avouer que ces temples indiens sont des merveilles d'architecture et d'ésotérique.
à condition qu'on veuille bien ignorer que le sacrifice humain était le premier office de ces temples


Neruda est allé au Machu Pichu dans les années 40 (à cette époque c'était 15 jours de marche dans la jungle à se faire le chemin à la machette).
Il a été frappé par la sinistre grandeur du site, et en a tiré un sentiment suprème sur la mégalomanie ubuesque de l'homme qu'il a magnifiquement résumé dans "ALturas de Macchu Picchu" ou la pierre et la mort sont comme deux copines.

"una vida de piedra despues de tantas vidas"

une vie de pierre pour tant de vies !

Philippe, continue tes pérégrinations entre ciel et temps. Après tout l'éternité n'est pas plus grande qu'une grande main. Tout est question d'échelle.



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pl
Envoyé vendredi 06 août 2004 - 08h47:   

Achète sombreros en fibres de cactus made in Kuala lumpur et nous redescendîmes, puisque pour remonter il faut redescendre, vers les repaires du condor. Au loin, le sabot de la vigogne foule les ossements éparpillés de l’orage. Elle crachera sa chique de neiges et d’étincelles, drôle d’animal, ma belle, la Limousine de l’Altiplano qui semble regarder par-dessus l’épaule de ce monde avec un tel détachement qu’on la croirait adepte des pratiques Zen. Bien qu’elle soit animal de bât, de traits et de labours de patates noires scarifiées par le gel, mangée, tondue, tannée, fœtus momifié, enterré dans la glaise pour que plane l’aile fertile au-dessus de la maison, tandis que coulent les liesses de la cachaca sur les hommes déjà rendus fous par le travail innombrable, dans les grottes des mines d’or à Potosi avec pour seule lueur, la mèche fumeuse de l’huile d’une lampe.


A Bogota, il pleut d’un seul côté de la rue. Où commencent les adieux ? Il y a tellement de lieux, le quai de la gare de Vienne, l’écluse de Geestemünde, l’airport. Le monde passe devant les fenêtres des compartiments et se mélangent les continents dans les centrifugeuses de la mémoire, comme des cristaux de glace dans la fluidité de l’eau, la route blanche des Indes :

« La faible aurore de la cosmogonie est semblable à toute évolution qui ne mûrit que progressivement pour réaliser des grands objectifs: elle ne s’est répandue que lentement, partant du disque terrestre homérique pour passer par la terre des Hyperboréens ; il a fallu des millénaires pour que la soif de savoir vainque les effrois du pôle nord dont les arabes déjà pensaient que la Sibérie était remplie. »

« Aucun souffle de vérité ne s’éveilla dans ce monde dominé par l’esprit de caste pour chasser les images de la chaleur qui brûle, du gel qui tue, des mers qui tombent dans l’abîme et dont les marins ne reviennent jamais, des Dieux du vent et de la mer qui menacent de malheur et des fourmis gardiennes de l’or… »

Christoph Ransmayr
(Les effrois de la glace et des ténèbres)



Tout voyageur cherche une déchirure.

a suivre... mais en septembre...
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pl
Envoyé vendredi 06 août 2004 - 09h27:   

rectificatif: les mines de Potosi sont des mines d'argent et non d'or

"Potosi. Le choc et la consternation. Ville de la honte pour l'Europe pour y avoir pillé la Bolivie de ses richesses minières (argent pur!) et pour n'y avoir laissé que la désolation et les os de plus de 6 millions d'esclaves indiens et africains. Depuis 1545, ce sont plus de 30.000 tonnes d'argent qui y furent extraites du Cerro Rico (montagne qui domine Potosi), et directement envoyées vers l'Europe. Au début, le minerai était si riche qu'il n'avait pas besoin d’être traité. Les espagnols développèrent a grande échelle la culture de coca pour "nourrir" et "encourager" cette main d'oeuvre bon marché. Ce sont en grande partie ces cultures que les Etats-Unis souhaiteraient aujourd'hui éliminer...
Au 17ème siècle, Potosi était la plus grande ville d’Amérique et d'Europe. C'est par cet important apport d'argent que l'Europe aurait put construire sa révolution industrielle, et engendrer le mode de vie que nous connaissons ! Depuis l’Amérique du Sud, l'Histoire apparaît différente."

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