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jml
| Envoyé mardi 05 octobre 2004 - 08h01: | |
Nous avons tous le même âge Les plaies ouvertes par la mort d’un ami, même les mots du cœur ne peuvent les fermer. Alités sur le gouffre, les rêves au fond de soi, on les regarde vivre au-delà des fenêtres sans pouvoir les toucher. On se tient assis au bord du vide sans pouvoir s’éloigner, avides, assoiffés, à l’affût d’un éclair, d’une échelle, d’un sourire. On lance dans le puits du souffle un petit seau d’espoir pour recueillir des miettes qui deviennent montagnes. On voudrait bien tenir au bout de son crayon les images dispersées, retenir les chansons, revoir sur la neige les signatures d’enfant et les pas des chevaux, repeindre les couleurs qu’on a laissé faner, rejoindre les secondes qu’on a volé au temps. Les noms, les numéros dans mon carnet d’adresses forment de plus en plus des taches de silence. Même le mien s’efface sous les larmes versées. Le temps change de forme de la fossette aux rides mais ne change pas d’idée. C’est un vieux têtu qui se répète. Sa carte de visite est celle d’un fossoyeur. Le temps reprend ses mots, ses couleurs, ses rêves. Il arrache en passant les mèches invisibles sur le front de l’amour. Le temps de franchir une marche, l’escalier disparaît. Les mots tombent à côté de la bouche sans trouver la parole. Les fleurs aux fenêtres ne clignent plus de l’œil. Le temps ne marche plus sur des échasses. Le soleil est trop loin. L’espoir a vieilli d’une vie, la nôtre évidemment. La tête dans les nuages, elle retombe en pluie. On ne voit plus le monde par le trou des serrures, on voit ce qui est là. Les images ont effacé leurs pas sur les lignes de la main. Nous savons que les morts traversent le village avant qu’il se réveille. Sur le grain des photos, ils effacent nos rides. Nous avons tous le même âge durant les nuits d’orage.
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aar
| Envoyé mardi 05 octobre 2004 - 18h02: | |
revoila le jml que je croyais, celui qui respire en écrivant celui qui marche immobile le poing serré dans la poche un baie de sorbier dans le poing la lecture de ce texte nous offre le vertige on se sent funambule sur le fil de ses mots sans balancier, bras tendus, équilibre perdu, au seul appui de l'air, pas l'air des poètes ni celui des chimistes, non, mais l'air vrai, celui qui se dissout dès qu'on le touche et tombe sur des pavés d'émotion grave. et cette photographie en noir et blanc à grains plats sans bord ni cadre on l'appelle la vie l'émotion est ce qu'il y a en nous de solennel merci
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Hélène
| Envoyé mardi 05 octobre 2004 - 18h58: | |
j'aime beaucoup JML dans la prose poétique. sa sensibilité apparaît toute entière |
   
Rob
| Envoyé mardi 05 octobre 2004 - 19h05: | |
C'est trés émouvant, ça sonne vrai. |
   
Cécile
| Envoyé mardi 05 octobre 2004 - 22h26: | |
Oui tu avais raison Mister Aar, Jml est très bon dans ce style. Bravo Jml pour ce poème et ceux selectionnés pour le mois d'octobre ! |
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