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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.09.2004 au 10.01.2005 » Deux allumettes « précédent Suivant »

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Yves
Envoyé samedi 16 octobre 2004 - 16h28:   

17/001/2004
L’allumette

C’est sa première allumette de la nuit. Sa flamme et ses reflets imaginaires sur les murs de la cellule lui tiennent compagnie tandis que l’autre taulard ronfle. Il sait que c’est idiot d’allumer ce bout de bois parce que sa vie s’est jouée depuis longtemps, mais ils se rêve encore en train d’éteindre à temps l’allumette de son premier joint de gosse, ou même celle de sa première bougie sous sa première petite cuillère de poudre. Souffler l’allumette. Arrêter le temps des grandes conneries avant que l’enfer ne soit là, avec ses flammes et ses puanteurs.
Il y a longtemps, dès qu’il plongeait dans le sommeil, il voyait une torche de résine enflammée coller à son visage. Il grésillait et dégoulinait comme de la cire jusqu’à ne plus laisser rien d’humain. Son copain taulard lui disait au réveil que tout en dormant, il se mettait à sangloter. C’était le bon temps.
En ce temps-là, la famille venait encore au parloir pour ce qu’on appelait dehors Noël. Il ne fallait pas qu’on dise dans leur milieu que le fils taulard et drogué n’aurait pas comme les autres son petit sabot. Pauvres cons. Une boite de marrons glacés alors que le seul vrai Noël aurait été deux ou trois barres de hasch.
Une famille bien, savez-vous. Deux psychologues, séparés depuis que leur projet thérapeutique pour le fiston avait « divergé », comme on dit. Maintenant leur projet de couple aussi avait « divergé ». On s’était refait la vie normale du chacun ses emmerdes. Plus le moindre projet pour le fils. Quel fils ? Un prénom perdu sur un livret de famille qu’on n’ouvrait plus. Adieu votre bon temps, papa maman, quand vous rêviez que les feux de l’enfer chimique comme vous l’appeliez s’éteindraient seuls, que votre fils se rendrait enfin à la raison. Un jour, je vous le dis, il en aurait marre de flamber sa vie. Oui oui, le petit foutrait à la poubelle tous ces copains récidivistes, tous ces dealers rapaces et les petites putes de bonne famille qui se vendaient dans les toilettes pour une seule dose, si on avait la réputation d’être un honnête dealer. Peut-être aussi voulaient-elles sentir n’importe quel mec contre elles par ces nuits de manque, quand leur vrai grand amour ne baisait plus, vu qu’on lui avait attribuer ce congé d’un an qu’on appelle si joliment écrou dans le monde justiciable ?
Il regardait se consumer l’allumette. Qu’est-ce qu’il avait pu faire le con en prenant les flics pour des cons. Au bistrot, il était le héros passe-frontières imprenable et narquois ! Tu avales une capote pleine de coque. Et elle passe et on la passe, ni vu ni connu. Les toutous renifleurs ne sentent rien. On sourit aux flics, on se fout même de leur gueule. Puis un jour ils attendent pour arrêter ta camionnette que ses roues franchissent cette petite ligne qu’on appelle frontière chez les touristes et trafic international chez les autres. Une fois de plus, cette nuit-là il s’était foutu de leur gueule. Mais cette fois ils avaient prévu le scanner où la capote se voyait dans ses tripes comme une patate sur le marché. Et il avait chié lui même ses premiers six mois de tôle. C’était le bon temps.
Maintenant ses rêves n’allument rien. Le purgatoire lui-même s’est éteint. Plus de feu. Même plus de cendre. Rien. Néant. La déglingue pourrie sans le moindre sentiment. Ni ressentiment. Trop de shoots extrêmes ont flambé trop de neurones.
Il a allumé une autre petite flamme. Mine de refaire son rêve de gosse ? Même pas. De revoir dans la flamme celui qui l’avait jeté dans la géhenne et le flamber à l’allumette ? Pourquoi faire ? Pourquoi pas de brûler son psychologue de père qui ne se cachait même pas pour faire sa fumette devant le fils ? C’était le signe du libéralisme fier de l’être, non ? De la largeur d’esprit, de la tolérance, du laissez le donc faire ses expériences. Merci, papa maman. Pour tenir le coup dans votre boulot auquel vous ne croyiez plus avec des gens que vous analysiez Lacan-tout-de-travers, pour valoriser comme on dit votre insignifiance de petites mains du mental il vous fallait étaler ces idées larges comme le delta du Nil.
De ce temps votre cher fiston s’emmerdait avec une intelligence qui lui faisait faire de brillantes études. Parfait. Mais voilà ! A ce pervers ça ne suffisait plus. Mais se hisser au-dessus des copains ! Mais se payer un Dieu facile pour le tout de suite. Même si c’était se foutre en l’air et démolir d’autres débiles qui lui payaient ce hasch à mettre au bout de ces petites allumettes inoffensives, de celles qui vous foutent un feu d’enfer quatre ou cinq ans après, avec en prime l’art de tout rater sauf la veine qu’on gonfle sur le coude ou le pied.
Mais ces flammes du purgatoire, au fond c’était le bon temps. On était sûr de trouver un pompier. Pauvre con. Un pompier, un vrai tu en avais eu un pour éteindre ton premier joint. Et c’était toi. Mais après personne ne se précipite pour arrêter le piston de ta première seringue, et pour la flambée, la vraie, les flics dont ce n’est pas le boulot te regardent brûler comme Jeanne d’Arc et les juges qui n’y croient plus te neutralisent au fond d’un mitard. Reste seulement pour te souvenir d’avant l’enfer froid cette manie d’allumettes.
Le collègue taulard s’est réveillé. Il lui a demandé ses allumettes. Il a sorti une lettre. La même tous les jours, toutes les nuits. Il craque le bout de bois et il lit. Avant l’écrou il avait réussi à foutre une droguée enceinte. La copine dit dans sa lettre qu’elle a laissé tomber la came pour ne pas empoisonner bébé dans son ventre. Toute les cames. Il lui a répondu en jurant que lui aussi, l’heureux papa, en ferait autant. Leur vie recommencera mais quand le gosse sera grand, le premier qui approchera son fils même pour craquer l’allumette de sa première gentille fumette de rien du tout, il le flinguera en pleine rue. Quitte à faire une taule utile. Pour le moment il ne lui reste à tirer que trois mois. Le gosse ne sera pas encore né. Alors ils ont prévu en grand secret d’amoureux le jour de sa sortie d’aller dans un petit refuge de montagne, d’allumer un feu immense et de brûler ensemble tous leurs souvenirs et toute la dope et les seringues et même tous ces pyjamas qui puent le shoot.
En écoutant le copain taulard raconter une fois encore son histoire, machinalement, il a allumé lui aussi son allumette, et le copain pour la énième fois lui a demandé pourquoi il venait de faire ça. Et pour la énième fois il a préparé la même réponse dans sa tête : « J’en sais rien ». Mais ce n’est pas elle qui est sortie. Il a dit : « Pour vous deux » Et ils se sont retrouvés à chialer dans les bras l’un de l’autre pendant que leurs deux allumettes s’éteignaient par terre.
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jml
Envoyé samedi 16 octobre 2004 - 21h33:   

la taule non, mais le reste j'ai connu. j'apprécie que tu ne fasses pas de morale mais la joues à l'empathie. ce texte m'a beaucoup touché.
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Ln
Envoyé dimanche 17 octobre 2004 - 00h38:   

la fin est émouvante. et elle donne un peu d'espoir.
pourquoi les jeunes tombent ils dans cette galère je crois que c'est pire encore que l'alcool non ?
j'ai eu la fille d'amis à la maison quelque temps pour l'éloigner de ce milieu
elle s'en était sortie et dernièrement elle est retombée et elle a fait de la taule.
c'est tellement triste .
juger!! impossible . M'interroger , oui.

et si on me demandait quel don je veux avoir je dirais celui d'avoir le pouvoir de sortir les gens de là. mais c'est si difficile !

impossible de répondre par un poème...
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PhilPPe
Envoyé dimanche 17 octobre 2004 - 10h08:   

Beaucoup de souffrances inutiles et de problèmes dans ce texte, que je suis heureux de ne pas avoir vécu(même si j'ai eu de petites histoires avec le cannabis sans les mêmes conséquences) pour un sujet aussi mineur que la question qui devrait se poser au sujet du cannabis ; j'ai toujours considéré que pour l'esprit le cannabis, utilisé de façon modéré à dose homéopathique, était de même nature que la consommation du vin.
D'une manière générale,Le plus important est d'apprendre à consommer en fonction de ses besoins.
L'achat de cannabis est abordable, il n'y a pas besoin de se prostituer pour cela. (moins cher qu' une bonne bouteille de bordeaux mais plus cher que la colle des enfants du brésil qu'il renifle)
Les prix montent avec la cocaine et les autres substances chimiques.
La consommation de cannabis est moins dangereuses, d'après moi, que les ravages qui peut faire l'alcoolisme.
Le danger vient de l'abus qui divise et la modération va dans le sens de l'association qui réunit.
La question du pinard est une question d'ordre national, la question du cannabis est une question d'ordre universelle, n'ayons de peur des mots !
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Ln
Envoyé dimanche 17 octobre 2004 - 12h14:   

seulement être certain de ne pas avoir mis le doigt dans un engrenage infernal; surtout à cause d'amis rencontrés qui peuvent dire " pour une fois essaie "!!!
tout est bon quand on sait se modérer .
deux verres de vin O.K et c'est excellent pour le moral et la santé
mais le vin a été un désastre dans ma famille . à peu près autant que la drogue.
c'est sans doute pour cela que je suis très prudente.
les drogues n'étaient pas aussi accessibles autrefois ;
seuls les riches fumaient de l'opium

on peut relire Baudelaire qui après avoir voulu vivre cette expérience a préféré s'abstenir.


euh... ce n'est peut être pas ici que nous pouvons débattre de tout cela .
je me laisse entraîner. pardon
amitiés

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PhilpPPe
Envoyé dimanche 17 octobre 2004 - 12h44:   

LN, tu as raison, en parler ici, ne sert à rien, je n'ai fait que répondre au texte qu'Yves a posté.

Philippe
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yv
Envoyé lundi 18 octobre 2004 - 00h19:   

Mon texte est littéraire. Je ne vais pas trop m'étendre sur le problème du jour en disant : deux sortes de toxicomanie pour la loi : l'autorisée, celle qui lui rapporte. Interdite, celle qu'on ne peut taxer. J'ai été médecin d'une association contre la toxicomanie des jeunes pendant plusieurs années. Elle n'est pas une maladie, sinon elle guérirait, et on n'en guérit pas, même après sevrage. Il y a beaucoup de fumeurs d'herbe (maintenant de résine) Ces produits comme le tabac en contiennent désormais d'autres qui mènent à la dépendance plus rapide et à l'escalade. La nouveauté c'est aussi l'âge où on est atteint, de plus en plus jeune et irresponsable joint au phénomène de meute et d'imitation. J'arrête. J'aurais à discuter des heures.
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Philippe
Envoyé lundi 18 octobre 2004 - 11h53:   

Je partage pas ton point de vue sur le cannabis, il ne mène pas comme une évidence à l'"escalade".
Dire cela est un cliché que j'ai entendu, je ne sais combien de fois !
Le cannabis est moins dangereux que le tabac et l'alcool, sur le plan de l'accoutumance.
Effectivement, la consommation de Cannabis (5 millions de consommateurs) est un phénomène de société comme l'alcoolisme, sur laquelle il faut se poser des questions. Les pays européens n'ont pas le même position sur cette réalité.
Par exemple sait-on que le roi du Maroc doit une grande partie de sa fortune à ce commerce, et, que lui même en consommmait (Hassan 2) ?
L'alcoolisme (les prémix sont consommés majoritairement dans cette catégorue d'âge) chez les jeunes est plus nocif la consommation de "cannabis", aussi.
En général, ils mélangent les deux, ce qui est encore plus dangereux.
L'ideal c'est de boire de l'eau et de siffler comme des oiseaux, mais la société en est encore loin !
Aujourd'hui, on ne parle plus d'ideal, ni d'avenir, on n'en est encore avec les histoires du passé, avec chaque année des commémorations !

pHILIPPE
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YV
Envoyé mercredi 20 octobre 2004 - 00h23:   

On n'en est plus à fumer un pétard ou de l'herbe, (ce qui n'est pas très méchant et d'un usage courant) mais à user de pruits dérivés du canabis très concentrés et contenant d'autres drogues qui induises une dépendance rapide. Ce canabis là est une drogue dure comme l'héro ou les chimiques avec des effets rapides sur la mémoire, la libido, l'attention. La fumette en elle même n'est pas une drogue physiquement dangereuse quand il s'agit d'un plaisir ou d'un acte social, mais le glissement vers la multiplication des joints est fréquente chez certains individus, comme premier dérapage vers les barres puis les chimiques presque toujours associés à l'alcool., . De toute façon, il y a des individus qui n'auront jamais une dépendance que ce soit à l'alcool ou au tabac, ou même à la cocaîne et d'autre chez qui la dépendance sera quasi immédiate dès les premières prises. Le danger c'est que les grands consommateurs pour se procurer leurs doses n'ont pas d'autres moyens que de dealer et les individus facilement dépendants sont une cible qu'ils sentent facilement. La drogue la plus redoutable est celle des enfants pauvres : la colle. Elle est très bon marché et crée très vite des dégâts irréparables par lésions toxique de la cellule nerveuse.
Ceci est ce que j'ai pu voir. Je suis inquiet par le fait que l'opinion se lasse de dénoncer la toxicomanie alors qu'elle est en croissance constante et que les cures de désintoxication sont incohérentes et mal menées. Quant à l'incarcération, comme chacun sait, la drogue circule sans grand problème dans le milieu carcéral... Salut. Yves.

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