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PhiliPPe
Envoyé lundi 01 novembre 2004 - 11h21:   

Les yeux grands fermés : un mur entre Palestine et Israel.

http://robinhunzinger.free.fr/yeux.mp3



En Cisjordanie, ce qui frappe d'emblée, c'est la violence exercée contre la ville, la terre, le territoire. A perte de vue, ce ne sont que chantiers à ciel ouvert, collines éventrées, déforestations. Paysages en lambeaux, rendus illisibles par une violence qui semble concertée. Non la violence des bombes et de la guerre, non les destructions infligées par les incursions des chars, mais une violence active, industrieuse, cadastrale. Des murs traversent les collines, des barbelés encerclent les champs. Presque chaque ville est coupée par des check-points.

Les yeux grands fermés est un documentaire radiophonique sur trois villes palestiniennes en train de mourir de différentes façons, une pièce sur trois formes d’enfermement et d’étouffement.

Tout d’abord Qalqilya. La ville, située près de la ligne verte (frontière de 1967), est entourée par un mur haut de 9 mètres et par des barbelés infranchissables, interdits par les conventions humanitaires. Un seul point de passage la relie au reste de la Cisjordanie, contrôlé par l’armée israélienne qui peut le fermer à n’importe quel moment. Des miradors, des caméras vidéo, des capteurs sonores et une route entourant la ville complètent le dispositif de surveillance. Qalqilya est en train de devenir une prison. D'après la municipalité, la construction du mur de sécurité a signifié la confiscation d'un tiers des terres cultivables et des réserves d'eau de ce district connu comme « le grenier de la Cisjordanie ». Le taux de chômage d’environ 65% a poussé 6.000 résidents à abandonner la ville au cours des derniers mois pour chercher du travail ailleurs. Beaucoup d’habitants sont incapables de payer leurs impôts, et les dettes de la municipalité envers la compagnie israélienne de distribution d'électricité ont suscité des menaces de coupure.

Ensuite Hébron. La cité est partiellement occupée par une garnison israélienne qui protège quelque 400 membres de plusieurs colonies, situées au centre ou en bordure de la vieille ville. Ici la ville est en train de se vider de l’intérieur, le centre est peu à peu paralysé. La frontière se déplace à l’intérieur, invisible au premier abord. C'est le seul endroit où des équipes d'observateurs internationaux (scandinaves, turcs et italiens), sans pouvoir d'interposition mais avec un devoir de rapport, jouent un certain rôle modérateur. Les appelés israéliens aussi s’interposent parfois et manifestent ouvertement leur lassitude d'avoir à garantir la sécurité des colons dans ces conditions.

Enfin Naplouse. C’est l’une des dernières villes à lutter contre l’occupation. Elle est assiégée et coupée du reste de la Cisjordanie par plusieurs barrages qui entravent la circulation. Elle est régulièrement soumise (50 jours en 2003) à un couvre-feu total, qui interdit aux habitants de sortir de leurs appartements. Ainsi quelque 200.000 personnes sont emprisonnées dans leur propre ville. Les barrages de Beit Iba, Azmout et Huwwara qui entourent la ville de tous côtés, sont les plus sévères parmi ceux de Cisjordanie. Même des femmes sur le point d'accoucher et des vieillards malades rencontrent les pires difficultés pour les franchir, et la majorité des habitants n'essayent même plus.

Pourtant, « il ne s'agit pas d'un village se mourant derrière le béton et les levées de terre qui l'emprisonnent, mais d'une métropole chargée d'histoire ancienne, hier encore bouillonnante et grouillante de monde, avec sa vie commerçante et industrielle débordante, son université importante, ses hôpitaux, son paysage urbain plein de charme et ses anciens ornements », souligne le journaliste israélien Gideon Lévy.

C’est comme si l’armée israélienne ne savait plus voir, qu’elle avait perdu ses yeux. C’est comme si les visages muets des morts collés sur tous les murs étaient les ultimes témoins d’une catastrophe, incapables de raconter ce qui leur est arrivé. C’est comme si la parole n’était plus possible. La machine à punir, à enfermer, à expulser est en marche. Elle se déploie sous trois formes différentes à Qalqilya, Hébron et Naplouse.

Du son : les musiques Acousmatiques & Séquences Electroniques


- Oscillant toujours entre magnifique et terrifiant.
- Même le matériel, l’antagonisme est présent (Schoeps & K6).
- Toujours cet écho, ce Delay naturel, qui rend tout son irréel (Naplouse).
- Les sons électroniques: c’est les caméras de surveillance, les fusils, les chars, les senseurs électroniques, les barbelés électrifiés (et coupants), les check points, les contrôles, les bombardements, les tirs, les bulldozers, les maisons détruites, l’attente, le son d’une balle qui vous passe à 4 mètres, le dynamitage d’un château à 400 mètres ; c’est la mort.
- L’écho du son, comme pour dépasser l’enfermement (des murs de tous ce qui obstrue) mais qui passe quand même, comme l’espoir de ces gens que j’ai rencontré.
- L’écho, comme un pied de nez à la tentative de cloisonnement en cours.
- L’espoir, comme les chansons de notre chauffeur dans son taxi jaune.
- L’écho qui se répercute contre, mais qui se propage quand même au-delà.
- Les séquences acousmatiques : le son réel, seulement, mais retraité…Comme pour « filtrer » l’intolérable, amenuiser la violence contenue en lui, rendre plus « flou » sa causalité…Mais sans jamais réellement y parvenir. (La cause est là, indubitablement vu le dispositif de composition ; cette violence toujours).
- 4 mois à tourner autour de ces prises de son ; en avoir peur ; impossibilité de les dépasser (les transcender).



Un documentaire radiophonique de Robin Hunzinger (auteur producteur) et Jean-Philippe Chalte (son et musique originale)

réalisation : Vanessa Najdar

Une pièce de l’Atelier de création radiophonique de France Culture (Franck Smith et Philippe Langlois).

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