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jml
Envoyé jeudi 11 novembre 2004 - 22h33:   

COMME UN BALLON



Sur la route aujourd'hui il y a mes petits-fils dans mes yeux. Je les porte en moi comme ils portent leur grand-père à même leur sourire. Où je tourne sur moi ils se perdent à l'horizon laissant sur mon regard l'arc-en-ciel d'un sourcil. Par eux, je marche avec mes yeux. Je vis dans le présent. Mon cœur est un ballon qui monte et qui descend. Le temps est un yo-yo, l'espace un cerf-volant qui sécrète son fil à mesure qu'il avance. Je mords dans l'ombre comme dans un fruit. La bouche est une fraise. Je me laisse habiter par les bêtes et les pierres. Un caillou fait son nid dans l'un de mes souliers. Il pond un oeuf à chaque pas. Le sens du temps, c'est la différence entre l'horloge et les saisons.

Dans le silence, il y a moins de notes que de musique, plus de sens que de mots. Il y a plus de présent dans le futur que de passé dans le présent. Il y a des voies lactées dans le babillage des enfants. L'homme a des oreilles de piéton. Il n'entend pas tousser la pluie mais la quinte des racines. Les enfants ont des oreilles d'oiseaux, de vent et de rivières. Ils voient les sons où nous les entendons. Leurs petites menottes sont des paniers qu'ils tendent. Les mots n'y entrent pas mais des étoiles y brillent.

Le vent porte des vagues comme la mer. Au sommet, il crie et dilapide son espace; au bas, il porte le poids de ce qu'il a crié. Les enfants ne roulent pas de vagues mais des perles de pluie. Ils tutoient les oiseaux, les abeilles et les choses. Ils n'échangent pas de mots mais du sens. Ils sautent autour de nous qui sommes des statues. Ils nous rendent la vie que nous avons donnée. Le ciel laisse tomber ses jambes de chaque côté de l'arbre sans cacher ses caresses. Le soleil fait de l’œil à la moindre fourmi. Les chiffres se transforment en contes sur l'ardoise du jour.

Qu’est-ce que je dois manger pour vivre de mes rêves ? Du pain d’épices, du gâteau aux anges, des pets de sœur, des lunes de miel ? Avec le temps le verbe manque pour être au monde. En avançant dans l’avoir, la soustraction remplace l’addition. L’âme rapetisse aux dimensions des choses. Le vrai miracle reste de vivre sans encombrer l’espace. Pendant la pluie, est-ce l’eau ou la tôle qui chante ? On traverse des ponts pour ne pas se mouiller. On construit des gares pour pouvoir s’arrêter, des autoroutes pour se fuir. Au milieu des orages, je troue mon parapluie. Je m’enfonce dans mes veines comme au creux d’une rivière. Je m’assoie sur le sable et chante l’oasis. Je ne pense pas, je rêve. Je n’écris pas, je dessine la vie avec des bribes d’alphabet. Je gratte sur la nuit des éclats de lumière. Les mots mouillent le sens entre la langue et la lagune comme les vagues mouillent le sable.

La marche des enfants est une danse d’atomes. À chaque pas ils inventent la route qu’ils ensemencent ensuite. La terre devient solaire et ouvre sur le ciel. Les grands non sont petits. Les petits oui sont vastes. Ils transforment les citrouilles en carrosses et les armes en caresses. Le vieillard que je suis retrouve ses jouets. Les tartes poussent dans les pommiers, la confiture sur les champs, le miel sur les fleurs. Les rues en gris s’emplissent de couleurs. Les lits deviennent des rivières et les plafonds des écheveaux d’étoiles. Les chevaux de la mer sont des poulains sauvages. Ils viennent réveiller la calèche des ans. La lumière surgit entre les brins aveugles. Une craie blanche crisse sur les surfaces noires. Le timide escalier devient une montagne. Il n’y a plus qu’à être là, à chaque instant, de plus en plus, laisser danser notre âme sur un fil et caresser la neige au ventre de mésange. Je ne cherche plus entre les tombes une trace perdue. Je suis la trace des enfants. J’ai remplacé les armes par des poèmes de papier, les larmes par des fleurs. J’ai pris l’arbre pour guide, la pierre sans chagrin, la route pleine d’images pour labourer la terre de la couleur du pain et exister debout sans retenir le cœur. Au sommet des étés le bâillement de l’espace se transforme en sourire.

11 novembre 2004

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