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stél*
| Envoyé lundi 09 juin 2003 - 16h48: | |
"Des armes bleues comme la terre Des qu'il faut se garder au chaud au fond de l'âme Dans les yeux, dans le coeur, dans les bras d'une femme Qu'on garde au fond de soi comme on garde un mystère Des armes au secret des jours Sous l'herbe, dans le ciel et puis dans l'écriture" Léo Ferré, mis en musique par Noir Désir. -- Une arme bleue comme la Terre -- 1. Rivière au bord de l'autoroute. C'est un jeu. Celui d'être qui on ne devrait pas, là où on ne devrait pas. Celui d'avoir été versé d'un jet dans la terre, versé par des bras croisés les uns dans les autres, comme pendant une cérémonie. il existera une rivière exactement à ma taille je viendrai m'y endormir après avoir traversé l'autoroute enjambé les voitures fait briller les lampes en plein jour il sera l'heure d'intriguer un peu le monde et de guérir quelques pierres en déployant les bras qui sont dans les ponts sans la force d'entrer dans l'eau de soulever le bord de la rivière et de m'en recouvrir pour me protéger Simplement, soyeusement, par quelques petits gestes qui rampent, sentir son corps adhérer à la lumière puis s'en décoller. À la manière des coquillages. Inscrire sur les blocs quelques syllabes pour ceux qui arriveront debout, quelques siècles plus tard. Pour ces gens, Dieu sera le frère jumeau d'un portrait d'Egon Schiele, un visage rétréci dont ils ne sauront pas s'il a été posé là pour l'honorer ou pour l'oublier. troupeaux de mélanges ce sera le premier véritable jour de leur histoire ils extrairont doucement de la rivière une arme bleue comme la terre je serai cette chose intime et inquiète le solstice de la soie qu'on aura découverte en faisant des travaux qu'on aura exhumée et levée devant les réverbères levée dans les bras croisés les uns dans les autres comme pour une cérémonie où on déterre une rivière au bord de l'autoroute Je suis déjà depuis longtemps cet homme de plus tard. Rien qu'un jeu. Intime et inquiet. 2.Le cercle qui délimite la cérémonie rouge. La cérémonie rouge bat son plein. Les coups et les coeurs sont venus de loin pour y prendre part et rivalisent de couleurs. On s'enterre et on se déterre, on croise les bras les uns dans les autres, on se verse et s'absorbe. On saute par dessus les voitures sur l'autoroute. Il faut faire attention : elles ont faim. On trempe son visage dans la rivière. on le presse contre la lampe rouge à peine protégé par une pellicule d'eau loin au dessus de la route chacun a grimpé sur son réverbère et décrit de grands cercles avec un de ses bras pendant que l'autre se tient au rayon et les cercles se reflètent sur la route l'eau et le corps de l'autre ils bougent se rejoignent se décollent rampent à la manière des coquillages incandescents qui font crépiter la mer On presse son visage contre la lampe rouge jusqu'à s'y brûler, jusqu'à devenir rouge soi-même, parcouru d'une rivière de filaments. Parcouru d'un fleuve de voitures sur lesquelles j'ai écrit les syllabes. Pendant qu'elles roulaient, pendant que je sautais par dessus leur vitesse. Elles se croisent comme des bras, se dépassent, se rattrapent. Les phrases écrites sur leurs portière changent selon la position des voitures, selon la faim des syllabes. les bras rouges continuent de tourner battent la lumière comme du grain la brisent la reconstituent dans leur amour Et les cercles n'en forment plus qu'un. Et je grandis comme une silhouette qu'on est venue renouveler en la trempant dans la rivière, en la posant contre la lampe rouge, en la redécouvrant. les voitures s'arrêtent prennent des photos m'invitent à dîner applaudissent avec leurs portières écrivent des poésies je ris dans la lumière je suis la plastique du halo je signe des autographes tracés à même le rayon 3. Kaléidoscope antique retrouvé au Circus Maximus. Les lignes deviennent plus épaisses, Les mouvements commencent toujours un peu avant, se finissent encore un peu après Puis un jour, il n'existe plus d'écriture immobile. et les cercles ne font plus qu'un un coquillage intime et inquiet le corps du jeu trempé dans la rivière l'éclosion rouge des bras autour des lampes la rivière incandescente dans les bras du pont La rivière se rassemblera en arène d'eau brûlante, les gens croiseront leurs bras les uns dans les autres et plongeront le coeur de ceux qu'ils aiment dans leurs yeux pour les guérir de la fixité. Et les hommes de ce futur-là suivront la course en spirale du kaléidoscope trouvé dans le sable du Circus Maximus, couleurs couchées et tourbillons de grains qui les lèvent. Ils suivront la rivière de silhouettes, la ligne qui déborde, l'arme d'amour , étonnée d'avoir survécu jusque là et même de vivre de mieux en mieux, en se nourissant de syllabes et de cercles, d'enjambées au-dessus des voitures et d'escalades de réverbères. Une arme bleue comme la terre. 09-06-2003 |
   
Denis
| Envoyé lundi 09 juin 2003 - 19h38: | |
Poète as-tu du cœur poète m'as-tu vu À peindre tout les bleus Dans le noir de ta tête Faut dire que du gris tes tempes sont déjà Dans un journal d'hier le récit d'une messe À déployer les armes brillantes de caresses Ces armes de baisers à gestes défendus Pour un autre combat Aux armes La tendresse Celles qu'on ne voit pas. Celles qu'on n'entend pas Et qui un jour nous tuent Poète sans soleil que des ombres passantes Sans nombre sur un mur sous un soleil fondu Faut dire que l'on tombe sous les mots que tu lestes Grisant d'encre limpid' comme un vin des pendus Quand le verbe voit rouge au travers d'une lampe Poète de la lune Géante sous la veste La plume au caractère D'amidon ou tu trempes Poète m'as-tu vu poétique à mon cœur
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Hélène (Hélène)
| Envoyé lundi 09 juin 2003 - 20h00: | |
A Steph, puis à Denis, plus bas... quel beau rêve Si tu deviens cet être dans quelques milliers d'années je serai tellement jalouse (;-) il existera une rivière | exactement à ma taille | je viendrai m'y endormir | après avoir traversé l'autoroute | enjambé les voitures | fait briller les lampes en plein jour Pour ces gens, Dieu sera le frère jumeau d'un | portrait d'Egon Schiele, un visage rétréci dont ils ne sauront | pas s'il a été posé là pour l'honorer ou pour l'oublier. mais c'est drôlement vrai je crois que s'il reste quelque chose ce sera à cette ressemblance... et ton kaléidoscope est un hymne à la vie que je voudrais telle, ensoleillée, dansante A Denis, quant à la réponse elle nous offre un concert qui me donne de la joie j'aime ces alexandrins non rimés dans les pas de Ferré "Aux armes La tendresse" un résumé de ces deux textes , de leur hymne "Quand le verbe voit rouge au travers d'une lampe" et voilà ce que je voyais dans le kaléidoscope. preuve que deux styles très différents peuvent se compléter, se mettre en valeur même. merci de ce beau moment Hélène |
   
Caroline
| Envoyé lundi 09 juin 2003 - 21h34: | |
c'est juste, belle télépathie, pour ne pas dire IDEALE bises affectueuses :-) |
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