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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.06.2003 au 30.09.2003 » Une arme bleue comme la Terre « précédent Suivant »

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stél*
Envoyé lundi 09 juin 2003 - 16h48:   

"Des armes bleues comme la terre
Des qu'il faut se garder au chaud au fond de l'âme
Dans les yeux, dans le coeur, dans les bras d'une femme
Qu'on garde au fond de soi comme on garde un mystère
Des armes au secret des jours
Sous l'herbe, dans le ciel et puis dans l'écriture"

Léo Ferré, mis en musique par Noir Désir.



-- Une arme bleue comme la Terre --


1. Rivière au bord de l'autoroute.

C'est un jeu. Celui d'être qui on ne devrait pas, là où on ne devrait
pas.
Celui d'avoir été versé d'un jet dans la terre, versé par des bras
croisés les uns dans les autres, comme pendant une cérémonie.

il existera une rivière
exactement à ma taille
je viendrai m'y endormir
après avoir traversé l'autoroute
enjambé les voitures
fait briller les lampes en plein jour
il sera l'heure
d'intriguer un peu le monde
et de guérir quelques pierres
en déployant les bras qui sont dans les ponts

sans la force d'entrer dans l'eau
de soulever le bord de la rivière
et de m'en recouvrir
pour me protéger

Simplement, soyeusement, par quelques petits gestes qui rampent, sentir
son corps adhérer à la lumière puis s'en décoller. À la manière des
coquillages.

Inscrire sur les blocs quelques syllabes pour ceux qui arriveront
debout, quelques siècles plus tard.
Pour ces gens, Dieu sera le frère jumeau d'un
portrait d'Egon Schiele, un visage rétréci dont ils ne sauront
pas s'il a été posé là pour l'honorer ou pour l'oublier.

troupeaux de mélanges
ce sera le premier véritable jour de leur histoire
ils extrairont doucement de la rivière
une arme bleue comme la terre

je serai cette chose
intime et inquiète
le solstice de la soie
qu'on aura découverte en faisant des travaux
qu'on aura exhumée et levée devant les réverbères
levée dans les bras croisés les uns dans les autres
comme pour une cérémonie où on déterre une rivière
au bord de l'autoroute

Je suis déjà depuis longtemps cet homme de plus tard.

Rien qu'un jeu. Intime et inquiet.



2.Le cercle qui délimite la cérémonie rouge.

La cérémonie rouge bat son plein. Les coups et les coeurs sont
venus de loin pour y prendre part et rivalisent de couleurs.
On s'enterre et on se déterre, on croise les bras les uns dans les
autres, on se verse et s'absorbe. On saute par dessus les voitures
sur l'autoroute. Il faut faire attention : elles ont faim.

On trempe son visage dans la rivière.

on le presse contre la lampe rouge
à peine protégé par une pellicule d'eau
loin au dessus de la route
chacun a grimpé sur son réverbère
et décrit de grands cercles avec un de ses bras
pendant que l'autre se tient au rayon
et les cercles se reflètent sur la route l'eau
et le corps de l'autre
ils bougent se rejoignent se décollent rampent
à la manière des coquillages incandescents
qui font crépiter la mer

On presse son visage contre la lampe rouge jusqu'à s'y brûler, jusqu'à
devenir rouge soi-même, parcouru d'une rivière de filaments. Parcouru
d'un fleuve de voitures sur lesquelles j'ai écrit les syllabes. Pendant
qu'elles roulaient, pendant que je sautais par dessus leur vitesse.
Elles se croisent comme des bras, se dépassent, se rattrapent. Les
phrases écrites sur leurs portière changent selon la position des voitures, selon
la faim des syllabes.

les bras rouges continuent de tourner
battent la lumière comme du grain
la brisent la reconstituent dans leur amour

Et les cercles n'en forment plus qu'un.

Et je grandis comme une silhouette qu'on est venue renouveler
en la trempant dans la rivière, en la posant contre la lampe rouge,
en la redécouvrant.

les voitures s'arrêtent prennent des photos m'invitent à dîner
applaudissent avec leurs portières écrivent des poésies
je ris dans la lumière
je suis la plastique du halo
je signe des autographes
tracés à même le rayon



3. Kaléidoscope antique retrouvé au Circus Maximus.


Les lignes deviennent plus épaisses,
Les mouvements commencent toujours un peu avant,
se finissent encore
un peu
après

Puis un jour, il n'existe plus d'écriture immobile.

et les cercles ne font plus qu'un
un coquillage intime et inquiet
le corps du jeu trempé dans la rivière
l'éclosion rouge des bras autour des lampes
la rivière incandescente dans les bras du pont

La rivière se rassemblera en arène d'eau brûlante, les gens croiseront
leurs bras les uns dans les autres et plongeront le coeur de ceux
qu'ils aiment dans leurs yeux pour les guérir de la fixité.

Et les hommes de ce futur-là suivront la course en spirale du
kaléidoscope trouvé dans le sable du Circus Maximus, couleurs couchées
et tourbillons de grains qui les lèvent.
Ils suivront la rivière de silhouettes, la ligne qui déborde, l'arme
d'amour , étonnée d'avoir survécu jusque là et même de vivre de mieux en
mieux, en se nourissant de syllabes et de cercles, d'enjambées au-dessus
des voitures et d'escalades de réverbères.

Une arme bleue comme la terre.
09-06-2003



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Denis
Envoyé lundi 09 juin 2003 - 19h38:   

Poète as-tu du cœur poète m'as-tu vu
À peindre tout les bleus
Dans le noir de ta tête
Faut dire que du gris tes tempes sont déjà
Dans un journal d'hier le récit d'une messe
À déployer les armes brillantes de caresses
Ces armes de baisers à gestes défendus
Pour un autre combat
Aux armes La tendresse
Celles qu'on ne voit pas.
Celles qu'on n'entend pas
Et qui un jour nous tuent
Poète sans soleil que des ombres passantes
Sans nombre sur un mur sous un soleil fondu
Faut dire que l'on tombe sous les mots que tu lestes
Grisant d'encre limpid' comme un vin des pendus
Quand le verbe voit rouge au travers d'une lampe
Poète de la lune
Géante sous la veste
La plume au caractère
D'amidon ou tu trempes
Poète m'as-tu vu poétique à mon cœur
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Hélène (Hélène)
Envoyé lundi 09 juin 2003 - 20h00:   

A Steph,
puis à Denis, plus bas...
quel beau rêve Si tu deviens cet être dans quelques milliers d'années je serai tellement jalouse (;-)

il existera une rivière
| exactement à ma taille
| je viendrai m'y endormir
| après avoir traversé l'autoroute
| enjambé les voitures
| fait briller les lampes en plein jour

Pour ces gens, Dieu sera le frère jumeau d'un
| portrait d'Egon Schiele, un visage rétréci dont ils ne sauront
| pas s'il a été posé là pour l'honorer ou pour l'oublier.

mais c'est drôlement vrai je crois que s'il reste quelque chose ce sera à cette ressemblance...

et ton kaléidoscope est un hymne à la vie que je voudrais telle, ensoleillée, dansante

A Denis,

quant à la réponse elle nous offre un concert qui me donne de la joie
j'aime ces alexandrins non rimés dans les pas de Ferré

"Aux armes La tendresse"
un résumé de ces deux textes , de leur hymne

"Quand le verbe voit rouge au travers d'une lampe"
et voilà ce que je voyais dans le kaléidoscope.

preuve que deux styles très différents peuvent se compléter, se mettre en valeur même.

merci de ce beau moment

Hélène
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Caroline
Envoyé lundi 09 juin 2003 - 21h34:   

c'est juste, belle télépathie, pour ne pas dire IDEALE

bises affectueuses

:-)

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