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Leezie
| Envoyé mardi 10 juin 2003 - 18h04: | |
(un vieux texte de deux ans, en réponse à Jean, et d'après une chanson de Claude Aubry... Je n'ai pas voulu le mettre directement sur ton fil, Jean, il est si émouvant ton texte) Le père, ça revient on se demande pourquoi, grande marée d’équinoxe aux bottes en caoutchouc, celle qui est si loin qu’on perd le goût de sel et qui a disparu derrière le cap, nous on ne voyait plus que les précieuses laminaires en longues tiges douces mais la marée au-delà va revenir, il le faut bien. Ainsi, mon père et moi. Le Mur, pendant longtemps, fut notre point commun, le seul. Un mur qui n’est pas qu’un mur, mais plusieurs, gris, lourds, argileux, séparés d’un désert de poussières et de haine (j’atteste la haine qui sourd, j’atteste que les hommes aux fusils très loin avec les chiens nous regardent et que de haine nous sommes). Il avait vu libre la ville aux grands jardins, il aimait que j’y sois, que je lui parle du Mur Inconnu, de cet Enfer Mythique. Il riait de mes étonnements -croiser un char d’assaut à chacun des feux rouges, manger avec le commandant, stupidement parce qu’on était français seulement- on ne se comprenait pas, on ne parlait jamais la même chose. Mais de toute façon, je n’avais jamais rien compris à ses histoires, moi. Petite fille, de l’Indochine à Recouvrance les détails se perdaient : un long bateau tout noir, marins épuisés de chaleur qui se baignaient autour, vrombissement d’un avion de chasse ennemi, jamais jamais je ne comprenais, mes questions restaient toujours sans réponse : c’est quoi, ennemi ? (…) ça chasse quoi un avion de chasse ? (les hommes) pourquoi toute rouge la mer ? (du sang, plein de sang) et pourquoi t’avais pas envie de te baigner, toi ? « je ne sais pas, mon cœur, je ne sais pas ; si je pouvais, si je pouvais savoir pourquoi je n’avais pas eu envie de me baigner, juste ce jour-là… ». (et pourquoi tu pleures ?) Pendant longtemps le Mur fut notre point commun, le seul ; et aussi le bonheur qu’il disparaisse, que la ville aux jardins soit de nouveau comme il l’avait connue, puis notre regard sur les autres murs, puis sur les autres révoltes, puis je le laissai, j’avais tant de murs à construire, dans mon village, des vrais, de ceux qui lient et roulent doucement les bêtes et les gens d’un pré à l’autre. Nos chants tu sais, nos chants, nos gabardines de révoltes.
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jean guy
| Envoyé mercredi 11 juin 2003 - 10h11: | |
Ce beau texte me fait entre autre penser à celui-ci. je ne sais pas pourquoi..... Ce sera le matin ce sera triste et mort On sentira le flou d'une vapeur d'été L'herbe aura pris l'odeur des brumes de cédrat Il y aura des lignes grises sur les murs Et puis dans la maison, immense, des routines Auront plié les mille muscles dans nos têtes Empli les enthousiasmes aminci les attentes Nous serons tous présents, bien sûr, pour le silence A cet endroit l'absurde aura soudain requis De toi que tu me croises, enfin, penseras-tu Croiser une vivante ou bien une inutile Je ne le saurai pas. J'entendrai seulement Que tu me dis très fort la mer en tintamarre Je n'aurai jamais vu un homme tel que toi Des rouleaux de fureur déferlant sur la glace Et des couteaux saignants des phrases à mèche longue En parure, des mots soudain déchiquetés L'inquiétude d'orage intense de la fin Et parfois rarement l'amour la déchirure Un amour sans amour sans fond dans l'anormal Je croirai que tu joues. Tu me diras que non Et puis comme il se doit tu prendras tes quartiers Ailleurs. Loin. Jamais plus. Ton présent ton noué J'aurai comme une faille. Au clavier assourdi Sur mes doigts insensibles au froid de la maison Ne restera qu'une ombre où marqué dans la chair De mon intime oubli, debout, tu chanteras. Leezie
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