Encore un père... Log Out | Thèmes | Recherche
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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.06.2003 au 30.09.2003 » Encore un père... « précédent Suivant »

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l'autre moi
Envoyé jeudi 12 juin 2003 - 16h22:   

Est-ce normal papa, de ne pas se souvenir de t’avoir dit je t’aime depuis l’enfance. Et encore, depuis ma si petite enfance. Seul me revient ce jour, et mes cinq minutes de bisous et câlins à gogo, attachement de petite fille à son papa, et toi, lassé si vite, qui repoussait cela, homme affairé, déjà. Sous mes yeux neufs, déjà homme sans ressource pauvre de dons, sans rien à offrir comme répartie ou comme écoute. Et déjà la leçon donnée, reçue, voulue ? (peut-être pas, j’espère pas, sûrement pas) de ne pas t’offrir, jamais, jamais t’offrir complètement l’affection qui déborde, jamais donner pour ne pas gêner, déranger, pour ne pas te rendre dépourvu, les mains pleines, handicapé du recevoir, handicapé du donnant. Déjà père défaillant. Fermer la porte de la chambre, la première, cinq ans et déjà cette porte là entre nous. Fin du mythe. Déjà.

Toi sous la verrière, étudiant, toujours, le soir, tard. Toi, nerveux, anxieux, imprévisible, de mauvaise foi, criant, souvent, tard. Toi, aimant, mais le col trop serré sur la gorge, le regard de moitié, comme surpris d’être ému. Trente trois ans dans cette surprise d’être père. Toi, sévère, toi, dur, toi, injuste, toi ne voulant pas savoir, pas voir, pas faire de pas jamais. Mais pourtant obstinément omniscient, omnipotent, manipulateur. Oh toi, toi, si toi, tellement plein de toi, grand Cric qui croque, ne t’excusant jamais.

Te vois-tu nous mettant au coin et la fessée, puis une encore, si jamais on ose pleurer ? Donner la punitions puis oublier dans l’instant, déchargé, nous chargeant. Toi, encombré de nous, toujours, la convenance avant tout. Ne pas passer derrière les gens, ne pas baisser les yeux, ne pas heurter le fauteuil, remettre les coussins en place.

Toi avec maman, tellement incapable de lui offrir l’espace d’être celle qui t’avait séduite. Revanchard, voulant gagner ton indépendance en rendant dépendants les tiens. Toi, enfant unique, pas gâté, mais dressé, terriblement soumis à ses parents. Le patriarche en jambe de bois, la guerre aux lèvres, les privations, la ferme et les conquêtes passées sacrifiée pour elle, la femme envahissante, sans gène, pensée unique et retreinte, camouflant ses blessures sous des couches indénombrables de vêtements, impudeur de la pudibonderie hystérique, leur argent économisé franc à franc dans des bocaux, et leurs secrets de familles et leur disputes fratricides et leur sempiternelle fierté de survivance. Et nous aimant au-delà de tout. Passionnément.

De moi à toi, papa, l’amour ça se mâche bas presqu’une rumination mauvaise, comme une poussée de dents dont on ne peut se défaire. Si je t’aime, je le crois à présent, c’est parce que tu es mon père. L’amour, ici, n’a d’autre histoire que ces lianes enroulées années après années, autour de nos troncs d’hommes, de femmes, d’enfants grandis malgré l’étreinte de ces règles pétries de non-dits. Tu m’as appris à ne pas être distincte. Ni ne mots, ni en vœux. On écueille aussi la poésie de toutes ces gangues de mots qu’on ne peut éclater sous la dent, tant les jours ont accumulé leur fièvre lente sur nos désirs. Tu as mis des couvercles sur nous. Mais tu nous aimes, bien sûr, si père, si loin. Un amour sans devoir autre que matériel. Un amour infirme d’âme. Terriblement.

Mais, oui aussi, toi mon père, nous laissant libre, nous laissant choisir, nous laissant avancer. Toi, à la découverte, les papilles, les pays, les visites. Ce temps à marcher à l’encontre de ton enfance sans horizons. Toi inquiet pour nous, surveillant nos pas, nos coups de fils, toi derrière les portes écoutant, mais aussi prêt à tout pour nous aider aux moments graves. Sauvant ma vie. Toi conquérant par de si rares jours ton authenticité de père. Toi aimant, évidemment.

Et nous, apprenant l’amour malgré tout. Le seul qui vaille certainement. Celui forgé de l’espérance d’un mieux. Celui attendant l’heure lointaine d’un dialogue de miraculé. Celui voyant sur tes traits, entre le triangle des rages et des folies, la peine, la fatigue, le travail, toujours apprendre à comprendre, et même à pardonner. Comment autrement survivre à ton sang ?

Et maintenant, toi, infiniment perdu, sans plus de légitimité que cet amour que nous t’avons tout de même accordé. Naturellement. Par la naissance et l’espérance. Par tes mauvais côtés plus que par les bons. Toi, déséquilibriste sur le fil, sans droit à plus rien dire, au nom de quoi ? Toi, au-delà de l’acceptable, et nous lucidement unis, malgré tout, malgré toi. Parce qu’un père, c’est vrai, c’est plus que cela. Au-delà des mots. La naissance et la mort en nous; espérance et désespoir. La porte qui s’ouvre, peut-être, celle de la dignité arrachée des entrailles de tes démons. Tu vois j’espère encore.

Et si tu meurs, papa ? Aurais-je la force avant, aurons-nous la chance avant de nous entendre nous dire, toi et moi, que nous nous aimons. Que tout cela a eu un sens. Qu’il ne sera jamais trop tard pour parler. Que tu t’excuses, papa. Que tu t’excuses. Que tu nous vois enfin, maman et nous, en-dehors de ton toi, malgré toi, pour nous. Et que tu t'effaces enfin pour mieux renaître?



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Aglaé
Envoyé jeudi 12 juin 2003 - 16h43:   

difficile de ne pas être profondément touché par ce portrait qu'on sent vrai et fort...mais difficile d'ajouter un seul petit mot...
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vid
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 00h44:   

cavale traverse toutes les voitures qui sont sur la route sur la grande place, ne perd pas une seule minute qui ne soit pas à vous, dis lui que tu l'aimes dans les yeux, dans le bide dans la peau tannée dans la crevasse des paumes dans l'emplacement des outils quand il était tard, secouez vous d'amour et de sang et de regards, je t'aime papa je t'aime tu m'entends quand j'ouvre les cils je veux que tu l'entendes de toutes mes forces, ma fibre et mon eau, la couleur de ma langue et ce que je ne dirais plus jamais à personne, je t'aime papa je t'aime, ouvre tes grands yeux sur un autre miroir brisé que le tiens, je suis là comme au premier jour quand tu faisais les 100 pas dans la salle d'attente, aujourd'hui je n'en veux qu'1, je peux même aller vers toi à reculons, allez viens avec moi allons traverser le grand parc main dans la main, nous avons encore 2 après-midi à passer ensemble, après on ne sait pas c'est la crise cardiaque ou l'électrocution, je ne sais encore pas nous n'avons jamais su, allez viens papa je t'invite sur le grand manège en bois comme avant quand tu m'aidais assis sur tes épaules à attraper le ponpon rouge en l'air sur un grand cheval noir, maman nous prenait en photo avec des grands sourires pour l'album photo du dimanche, PAPA JE T AIME [...PUTAIN QU EST CE QUE TU ME MANQUES]






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Aglaé
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 11h49:   

Je copie et garde tes deux textes pour mes grands petits enfants...ce que j'ai pu écrire moi-même sur mon père, il n'y a pas longtemps, me semble inexistant...
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l'autre moi
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 13h28:   

C'est vrai Aglaë, que vid complète bien mon texte, mais il y mets du sien... Ceci dit, ce qu'il vit dans son texte, je ne pourrais le vivre comme finalité du mien... Pas encore. Peut-être jamais.
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vid
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 14h30:   

[autre moi], moi aussi je pensais comme toi avant, peut-être jamais je me disais jamais réconcilié avec lui, jamais, plutôt crevé oui mon cul, oui mon cul parce que maintenant aujourd'hui à l'heure où je te parle il est trop tard il est beaucoup trop tard pour toutes ces choses là et je suis maintenant comme un gros con à regarder les outils briller seuls face au soleil les vêtements froissés quand les courants d'air chaud rentrent dedans et puis les odeurs les odeurs qu'on a derrière le dos la nuit quand on dort pas et qu'on traine et qu'on inhale et qu'on secoue avec les coudes pour lui faire encore un peu de place, et le silence qui s'en fout à mort des je t'aime devans les photos de papa et maman en vacance devant la mer à saint-malo le sable blanc et tout et tout, tout y était, le ciel était presque bleu presque parfais rien ne manquait, je devais avoir 5 ans à l'époque, si j'avais su putain si j'avais su, je l'aurai inviter dans mon grand château de sable et on aurait joué au cerf-volant au dessus des vagues pendant toute une vie avant que le fil casse pour de bon, on aurait frolé les ailes des oiseaux et bu de la grenadine à 30 ans dans nos mains
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Aglaé
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 15h11:   

Vid et Autre moi,
Est ce que tu peux écrire de cette façon sur un autre sujet, je veux dire sans inhibitions, sans retenue (apparente?)ou bien c'est ce sujet, ton père, qui déclenche cette cascade de souvenirs très affectifs?...J'ose pas aller au bout de ma pensée...s'agit-il d'une émotion pur jus ou bient'appuies tu sur un procédé, même légèrement...
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vid
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 16h12:   

Aglaé pour répondre très directement et je pense beaucoup mieux comme ça à tes questions posées ici je vais te filer l'adresse d'un forum ou j'écris là-bas sous deathinvegas/div, le forum en question c'est [le forum bleu], voici le lien : http://disc.server.com/Indices/147556.html

peut-être à bientôt ici ou là-bas

d
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L'autre moi
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 16h53:   

moi c'est du pur jus, aucun procédé, d'ailleurs ce n'est pas un texte, pas vraiment, juste la pensée pressée pour faire l'encre sur le papier.

Pur jus de vécu.

Voila
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L'autre moi
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 16h55:   

C'est d'ailleurs à la relecture que j'ai vu qu'il y avait des procédés, comme le "toi" qui revient, le "déjà" qui martèle le premier paragraphe, et les adverbes comme terminaison des paragraphes. Mais ca n'enlève rien au pur jus, tout juste ca le calligraphie un peu.
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l'autre moi
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 17h00:   

Pour div... une réconciliation, ca suppose une dispute. Ici, pas de ca. Juste un trou. Une entente de fortune. Il y a des reproches bien sûr, des déceptions, celle de l'amour mal donné principalement. mais.. bon tu sais, une rencontre profonde avec quelqu'un, même son père, ca suppose que les deux veuillent, le formulent, qu'ils abaissent la barricade en même temps et que s'il ya eu blessure, il y ait excuse. Au moins un minimum. Sinon, ce n'ets qu'une façade, encore et toujours; Tout cela suppose un dire. Ou qu'il change.

voila voila
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div...
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 17h31:   

tu ne lis que tes pieds man et encore, non vraiment ton sujet était très bien mais tu es dans le camp des vainqueurs tu es droit et tu penses que tout va s'arranger un doigt dans l'oeil man un doigt dans l'oeil mais tu poses déjà les bonnes questions tu vas y arriver quand même à lui dire je t'aime un billet doux dans la poche gauche et les doigts collés de soleil dans le fil trempé tu lui donnera un jour son dernier yaourt et tu reviendras à moi y a un combat partout que t'as presque oublié mais c'est normal dehors il fait beau t'as craché y a pas longtemps le corps est en extase en foudrait encore de la petite putain tiens appelle donc ton père pour lui dire que t'as du talent pour qu'il soit fier de toi et tout et tout que la petite tache blanche n'est pas servi à rien faut qu'elle brille autre part que dans un ventre quand même cette petite tache allez je me réconcilie avec toi je me casse et je te laisse écran blanc sur le devenir de l'homme on ne changera jamais tout est foutu d'avance ah j'y j'étais pas né si j'étais pas né titre de ton prochain texte allez fonce c'est déja tout tracé c'est presque dans la poche une suite logique à tes grandes préocupations du moment putain qu'est-ce qu'on se ressemble tu fais quoi ce soir allez je t'invite on ira boire de l'eau fraiche tu viens
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Leezie
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 17h34:   

div, juste un truc : tout le monde est libre d'intervenir pour donner une opinion ou son avis, ici, c'est ce que j'ai fait, et gentiment.

Si tu n'es pas content, c'est pareil.

Par contre, tes récriminations agressives qui ont suivi n'ont aucun lieu d'être sur ce forum, qui respecte quelques règles et modes d'emploi, pour l'instant tacites, mais qui devront, je vois, être rapidement écrites.

Et au cas où il faudrait te le rappeler, je n'ai absolument rien contre le forum bleu, bien au contraire...

Tu es sûr que, par hasard, tu ne te tromperais pas très légèrement d'ennemi, là??
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Leezie
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 17h36:   

par contre, merci beaucoup pour tes textes ici, ils sont très beaux
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div
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 17h48:   

oh la oh la si tu me prends par les sentiments je vais vite tomber amoureux c'est un truc que je chope très facilement en plus ça le sentiment le sentiment qu'est-ce qu'on en attrape sur ce genre d'endroit quand même et je vais te dire un truc c'est parce qu'on recherche ça justement du sentiment parce qu'un père ou une mère n'ont pas su donner au moment qu'il fallait après on est baisé toute sa vie avec ça alors on cherche on remue on fouille on boise on écrit et travers ça on cherche quelqu'un qui va nous comprendre qui va nous aimer on crache tout le déversoir pour ouvrir les grands yeux sur celui ou celle qu'on attends ils n'avaient qu'à jouer le jeu à fond les parents après tout au dépard allez je t'embrasse ou tu veux et bon forum chez toi sous le soleil brûlant les casseroles et le ventre des poissons chats jouant du piano blanc à l'angle d'un mur noir
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Hélène (Hélène)
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 18h07:   

oh làlà div j'ai connu ces chemins où on fait plein de bruit pour oublier ce qu'on cherche pour s'entendre vivre.
et voilà que maintenant que j'ai enfin réussi à marcher sur la route comme tout le monde je me sens bizarre , un peu vide.
on s'habitue peut être aux silences de la vase.
mais surtout continue de nous faire partager. tes manques sont constructifs et tes poèmes sont grisants, époustouflants , vastes,

marrant de rencontrer quelqu'un à qui on a ressemblé .. autrement. quelqu'un qui a en lui une fièvre dont on a connu l'intensité.

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