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jml
| Envoyé jeudi 23 décembre 2004 - 08h08: | |
L’ENVERS DES CHOSES Chaque matin je me lève sans savoir pourquoi. Alors je prends des notes qui finissent par faire des poèmes ou des listes d’absence, des chansons sans musique ou des airs sans paroles. Quand on ouvre les yeux c’est l’ensemble qu’on voit. Les détails apparaissent peu à peu et ce qu’on ne voit pas figure l’infini. L’envers des choses, il faut le dessiner pour en tirer des mots. Il change quand on bouge. Les pièces manquantes d’un puzzle sont celles qui cherchent leur envers. Il n’y a pas d’image du côté de la table mais le silence des couleurs. Le poème est comme l’eau qui dort dans le fond d’un ruisseau construisant ses pépites, ses poussières et ses mots avec le temps qui passe. Sous les trottoirs il n’y a pas d’eau qui dort mais des reflets dans les vitrines. Il y a des yeux qui se remettent à voir quand on les regarde, des oreilles qui entendent quand on les écoute. Il y en a qui n’ont d’autre visage que leur chant, d’autre fortune que l’espoir. Pour le ciel, le passage des nuages est une chose immobile. Pour une maison, le moindre courant d’air est un voyage. L’homme marche toujours parmi les mots mais il ne le sait plus. Les points sont des clous qu’on enfonce dans le ronron des phrases. Un seul clou peut retenir un mur mais une forêt de clous y creuse des lézardes. Des gouttes de poésie en coulent comme des larmes, un nœud d’entremêlement, une mèche de pluie, des lucarnes d’oiseaux sur un toit de ténèbres. Les mots sont un coffre d’outils. Certains bêlent comme des pinces rouillées, d’autres cognent des clous. Certains embrassent comme le tournevis ou jouent de la scie musicale. D’autres boitent comme le pied-de-biche ou font un croche-pied. Certains se rendent à la mer de bout de tuyau en bout de tuyau ou échafaudent des idées. D’autres chuintent ou glapissent comme des clefs à mollette. Les mots entre eux changent parfois de mains. Le pied de l’un devient le bras d’un autre. Le rein du mot fleur fait uriner l’abeille. Tout communique. Tout est liquide. Nous traversons les mots comme on traverse l’eau ni tout à fait la vague ni tout à fait la rive. Le plaisir qui monte est comme le brin d’herbe que chatouille le vent. Le sourcil qui monte est l’oiseau des questions. Il fait son nid sur le front des idées. Il voit des visages partout, des choses qui n’existent pas. Il fouille de ses ailes les poubelles du vent et les ruelles du hasard. Il voit une fraction de seconde se gonfler de semaines comme un enfant mange des fraises. La différence des sexes chez les mots est tout à fait abstraite. Le gland d’un chêne est moins mâle que le maillon d’une chaîne et la voix d’un ruisseau plus féminine que celle d’une rivière. La mer est aphrodite. Elle change de sexe selon qu’on soit une île ou bien marin. Quand les nuages sont en fleurs sur la pelouse du ciel on ne voit pas très bien qui peut les arroser si ce n’est la rivière qui remonte en buée. Ce qu’on entend la nuit, c’est le matin qui ronfle dans le lit du sommeil, c’est le silence des oiseaux quand ils volent en rêve, c’est l’œil de la lune comme une pomme d’arrosoir. Il y a des tournevis qui détestent les trous comme il y a des scies avec des dents de sagesse, des peignes avec une dent contre les chauves et des râteaux sans dents qui tombent sur un os. Il y a des mots que les sourds perçoivent avec l’oreille du cœur et des oreilles de marteau qui n’écoutent jamais. Sur le cahier du rêve j’ai toujours à la main un crayon d’insomnie. Il y a tant de choses qui ne dorment jamais. Il manque toujours quelques chose : la soif à l’eau par exemple. Le sommeil fait des trous dans la pierre des montagnes. Il fait aussi des vagues sur le sable du rêve. Il y a des mots qui vivent à l’intérieur. Le vent y souffle aussi, peut-être même plus fort. La mer est plus petite mais son sel est plus dense. Il y en a d’autres qui vivent à l’extérieur mais transportent avec eux les portes et les fenêtres. Il y en a qui glissent comme l’eau entre les doigts ou s’envolent comme un cri vers les bras des neurones. Il y a des mots si blancs qu’ils effraient les aveugles. Des mots en fil de fer ou en cordes à piano. Des mots qui mordent les souvenirs comme les canines d’un meuble. Le mot amour est si usé qu’on en fait des affiches. Le mot Dieu est aveugle et se prend pour un autre. Le mot heure a beau battre, il finit par se taire. Quand je marche en forêt le courant du bois m’emporte sous l’écorce. Je deviens sève moi aussi remontant jusqu’au fruit mais je retombe en mots sur une page cornée. Dans ce fatras de mots je n’en cherche qu’un seul et ne sais pas lequel. Un mot simple sans consonnes ni voyelles mais plein de vie dedans. Un mot qu’on ne dit pas sans en être la chair. 23 décembre 2004
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jml
| Envoyé jeudi 23 décembre 2004 - 08h12: | |
Excusez les fautes. C'est écrit en ligne sans relire. Les mots s'habillent tout seuls dans ma garde-robe mais ils sont daltoniens comme moi. Ils ne trouvent pas toujours les vieux tricots de grammaire. |
   
mary
| Envoyé jeudi 23 décembre 2004 - 08h20: | |
« Il y a des mots si blancs qu’ils effraient les aveugles. Des mots en fil de fer ou en cordes à piano. Des mots qui mordent les souvenirs comme les canines d’un meuble. Le mot amour est si usé qu’on en fait des affiches. Le mot Dieu est aveugle et se prend pour un autre. Le mot heure a beau battre, il finit par se taire » Je l’ai déjà posté mais impossible de n’est pas faire le rapprochement. Merci Jean-Marc Art poétique (T.Rozewicz) I Pur est le chant du poète qui sert une bonne cause il évite les cimetières des mots et des images il disperse les écoles rejette les accessoires touche les cœurs et les choses écrit des poèmes simples Les mot s’effritent quand on leur ôte l’amour sans amour notre chant est comme un bruissement d’insectes comme la couleur des fruits en cire comme le hurlement des cuivres comme les cris d’un ivrogne comme le silence des objets un chant sans amour est promis à la mort le peuple s’en détournera indifférent et sévère II Je pensais que les mots son légers comme du duvet luisant comme de la soie ronds comme les genoux des filles insouciant comme le chant des oiseaux je pensait qu’obéissants ils viennent quand on les appelle qu’ils servent à composer des images dont l’équivoque est tout la richesse
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philet
| Envoyé jeudi 23 décembre 2004 - 08h41: | |
pouvons nous croire l’ombre des montagnes les pentes croisées d’horizons le soleil pique chaque sommet étoile sur nos sentiers pas à pas le monde existe nos yeux ne savent pas les frontières ils inventent les couleurs absentes et ma langue appelle les mots images en mélange du vent peu de raison d’oubli tous les souffles guident une pensée univers en route sous ma peau trop vaste pour un écho sous chaque poussière du temps se tient la source inépuisable raison de tenir l’envie salive d’urgence à fermenter le présent |
   
jml
| Envoyé jeudi 23 décembre 2004 - 12h36: | |
Je souffre probablement d'un disfonctionnement neurologique. Ma pensée est un hamac, à la limite une parenthèse au lieu d'être un grand A, un petit c, une cédille, une virgule ou un point. Ma parole est un poing qui s'étoile en caresses. Je parle avec des raquettes aux mots ou la peau nue d'un arbre en été. J'ai une syntaxe ponctuée par les images et non par les idées. J'ai un traîneau à chiens tiré par des lutins, une luge de neige qui dévale sur le dos de l'été, une auto sans volant, un cerf-volant sans fil, une chevelure de mots sur le cuir des pages, une pile qui se contente d'actionner le sourire, pas celui d'un bouddha béat mais celui odorant d'une fleur. Je ne suis qu'un barreau de l'échelle, pas celle qui monte vers une tour d'ivoire mais celle qui grimpe au coeur du pommier pour embrasser l'abeille. Entre l'homme et la lumière, il y a toujours une ombre. On voudrait nous faire dire merci à la guerre et lui laisser un pourboire. Je dis merde à la mort qui ne vient pas d'elle-même. Appuyé sur la table, je me penche sur un puit. Mon crayon est un seau qui remonte ce qu'il peut. Parfois quelques pépites brillent entre les détritus, une source d'eau fraîche sur une gueule de bois, un peu d'humus sur le crâne d'un caillou, une tache de rouille qui nargue la paperasse, une coccinelle qui nage sur l'encre des journaux, une souris qui clique sur la mauvaise icône. Il ne m'en faut pas plus pour écouter chanter les abeilles dans la neige. |
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