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jml
| Envoyé vendredi 31 décembre 2004 - 17h32: | |
L’encre des choses J’écris avec une pelle quand il neige en hiver, un marteau pour m’éveiller quand je cogne des clous, une aspirine pour la migraine des choses, une scie musicale qui s’accorde aux racines et fait chanter les meubles. J’écris avec du beurre quand je nomme le pain, du blé entre les dents et le cœur saupoudré de farine. Je ne veux plus de crayon à mine renfrognée qui s’aiguise les dents sans offrir un sourire. J’écope l’eau des mots pour faire mon café que je bois sans virgule. Je fais pousser des feuilles sur les branches des lunettes, des fleurs dans les moteurs qui ronronnent sans bruit, des lettres d’alphabet dans la soupe du jour, des micros dans les yeux pour les images aveugles. J’écris avec l’ortie dans les pelouses de riches, le rire des enfants dans les barbes à papa. Je suis une tortue dans la course du rat, une torpille d’amour dans le sous-marin jaune, une puce en folie dans les fichiers de police. J’écris avec mes mains dans la terre qui reste. Je suis le porte-parole des napperons qu’on oublie, des mouchoirs de lin qui ne servent jamais, des boulons en trop et des boutons qu’on perd. J’écris avec le pain qu’on jette sur la neige. Chaque oiseau est une phrase qui vient chercher ses mots. Les arbres sont des livres que le ciel feuillette. Les doigts du vent quand ils tournent les pages font chanter les brindilles des nids. J’écris avec un peigne en forme de caresse dans la tignasse du monde. J’écris avec mes mains. Chaque doigt est une porte au bout du labyrinthe. Chaque parole est un pont enjambant l’ignorance. Chaque regard est un phare qui donne le feu vert. J’écris avec mon nez dans les poils d’un pubis. Il y a pour chaque mot tout un coffre à outils, une clef à mollette pour visser les virgules, une clef anglaise sous le capot du sens, une clef de sol pour ajuster les sons, des pinces qui s’embrassent, des ciseaux qui découpent le ciel en oiseaux de couleurs. J’échangerais une nuit de sommeil pour une tonne de mots. Des virgules m’éveillent comme des miettes dans un lit. Quand elle chasse la nuit ma chatte ramène des phrases dans sa gueule. Mon chien lèche mes pieds pour que je les écrive. Le froissement du papier sert d'écran de veille au fond de mes oreilles. On ne fait pas de livre sans casser des mots. On ne sépare pas le blanc du jaune. Je laisse même des coquilles sur la page, des coquillages dans la marge où chante le silence. Je collectionne les pots cassés, les lapsus et les fautes. Je ne tire pas du gun mais je tire la langue. Je ne prends pas l’avion mais je vole les mots dans la bouche des autres, le hurlement des louves les soirs de pleine lune. Je prends parfois des mots pareils aux boutons de ma veste, des images en pied de bas, des phrases de la même couleur que mes yeux. Les langues que l’on ne parle pas se traduisent en baisers. Les bouteilles vides sont un gant sur une main absente. Le vin qu’on remet en vignes ne reconnaît plus la terre. Il cherche un verre parmi les vers. Il se cogne aux racines comme un insecte saoul. Quand je décris la mer, je dois à chaque jour ajouter des poissons, des vagues, des naufrages. Elle monte à chaque étage et inonde les chambres. Il y a une main dans le cerveau qui agite ses doigts, un cerveau dans la main qui embrouille les gestes, une main dans la main qui cherche la chaleur. Il y a dans chaque mot des bouteilles à la mer, des terres en attente, des gommes somnambules et des écrous perdus. On ne tient pas les mots en laisse. Ils s’ouvrent sous nos pas. Ils nous mènent sans cesse sur le bord de l’abîme. Ils ajoutent des trous à la ceinture de l’espace et tendent nos deux mains vers les choses promises. Chaque mot a son vertige et tourne sur lui-même. Nous tournons avec lui sur l’axe du silence. Il y a des pas plus vastes que la route, des horizons si petits qu’un brin d’herbe les cache. La phrase est un chapeau que l’on sort d’un lapin, une aiguille de montre qui s’empiffre de mûres. 27 décembre 2004 |
   
AR_d_N
| Envoyé vendredi 31 décembre 2004 - 20h53: | |
Il y a une main dans le cerveau qui agite ses doigts, un cerveau dans la main qui embrouille les gestes, une main dans la main qui cherche la chaleur. Il y a dans chaque mot des bouteilles à la mer, des terres en attente, des gommes somnambules et des écrous perdus. ça frôle...la prestidigitation, mais c'est bien agréable à découvrir, et même à méditer... |
   
yh
| Envoyé samedi 01 janvier 2005 - 00h24: | |
J'écris ton nom devant ma maison avec quelques graines. Un oiseau l'a lu du bout de son bec. Depuis, ton nom vole autour de l'école. Nicole! Nicole! * ( De * Bois de Mer*, ed Mellinette) |
   
Cécile
| Envoyé samedi 01 janvier 2005 - 13h07: | |
Eh bien mon cher Jml ! Tu as bien raison de ne pas retenir les mots en laisse ! Je n'ai pas de mots assez suffisant pour te dire : superbe |
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