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Bachy Pierre
| Envoyé mercredi 19 janvier 2005 - 07h46: | |
Est-ce le père de Gargantua et de Panurge qui, au sortir du Moyen Age, a introduit le mouton du rire dans la bergerie ? Défenseur du “bas-parler” contre le style noble des auteurs classiques gréco-latins, Rabelais (1483-1553) fit sonner et trébucher, sur sa table d’écrivain, les mots du petit peuple, offrant une tribune à la culture populaire de son temps et au style burlesque de son invention. Il ne restera pas sans descendants : Paul Scarron laissa un Roman comique (1651-1657) riche en rebondissements. Tandis que ces trublions de la Renaissance multiplient calembours et bagarres en tous genres, les enfants du Grand Siècle (le XVIIe siècle) affûtent leur style et affinent leurs cibles. C’est La Fontaine, dont les Fables satiriques, cette “ample comédie à cent actes divers”, tirent à vue et au pigeon sur la société aristocratique de son époque. C’est Boileau, qui raille les gens d’église. Plus tard, au XVIIIe siècle, ce seront Diderot et Voltaire, dont l’ironie critique s’insinue lentement, comme le sérum dans la veine du patient, dans le grand corps sacralisé de la société monarchique. Si le siècle des Lumières est bien celui de l’esprit libre et frondeur, le romantique XIXe se soucie moins de faire rire que de faire pleurer. De Chateaubriand à Lamartine, sans oublier Balzac, on ne connaît que violons et marches funèbres. Seul Flaubert, l’absolu marginal, clôt son œuvre sur un extraordinaire pied de nez au sentimentalisme et au scientisme béat de l’époque : dans son roman Bouvard et Pécuchet, il raconte l’épopée calamiteuse de deux autodidactes naïfs qui échouent maladroitement dans tout ce qu’ils entreprennent. Ce sens du ridicule et du comique, chez Flaubert, se retrouve dans son Dictionnaire des idées reçues, où l’écrivain se moque de tous les poncifs et préjugés de la “sottise bourgeoise”, avec un humour incisif dont nos contemporains se disputeront l’héritage. Après ce siècle étouffoir, l’humour ressurgit au début du XXe siècle – n’est-ce pas la Belle Epoque ? Au nombre des plus excentriques, Alphonse Allais prit la direction du Chat noir, une feuille satirique dans laquelle il signait ses articles du nom de Francisque Sarcey, un célèbre critique d’alors qui protesta en vain contre cette prise illégale d’identité. Allais nous laissa quelque 1 500 contes burlesques et des volumes entiers de maximes humoristiques, où il soignait particulièrement les curés, les politiques et les militaires. “Le rire est à l’homme, écrivait-il, ce que la bière est à la pression.” Suivirent quelques hurluberlus de sa trempe, comme Alfred Jarry qui, avec sa célèbre pièce de théâtre Ubu roi, attaqua l’arbitraire du pouvoir politique avec les armes de l’absurde. Et Jules Renard ? Son Journal (1887-1910), qui regorge de notations drôles, tendres ou mordantes, sur lui-même comme sur la condition humaine, fait figure de bréviaire de l’humour à la française. Dans les années 1930 et 1940, la fantaisie légère ou grave permit de s’évader d’une actualité sombre : Marcel Aymé (Le Passe-Muraille), Raymond Queneau (Zazie dans le métro), Boris Vian (L’Ecume des jours) marquèrent les générations qui suivirent. Aujourd’hui, le bouillonnant François Cavanna (Les Russkoffs), l’impertinent Philippe Meyer (Pointes sèches) ou le savoureux Daniel Pennac (avec la série des Malaussène) poursuivent la tradition.
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lafourmi
| Envoyé mercredi 19 janvier 2005 - 12h14: | |
Que penses-tu de l'humour en poésie Pierre? si tu en as parfois lu et de toute façon je pense en cet instant à raymond Devos qui pour moi est poète. |
   
jml
| Envoyé mercredi 19 janvier 2005 - 16h22: | |
il ne faudrait pas oublier Sol. |
   
lafourmi
| Envoyé mercredi 19 janvier 2005 - 16h42: | |
Sol . tant pis je ne veux pas mourir idiote . je ne connais pas . Dis moi ? |
   
Bachy Pierre
| Envoyé jeudi 20 janvier 2005 - 08h50: | |
raymond Devos : Et comment ! Bien évidemment C'est le champion de l'humour dit " noir "...depuis les décès de Coluche et de Desproges |
   
LC
| Envoyé vendredi 21 janvier 2005 - 04h12: | |
Pour répondre à la question de Fourmi sur le merveilleux Sol, j'ai trouvé ce qui suit à cette adresse : http://www.surscene.qc.ca/musique/sol/ Au moment où le noir se fait dans la salle, Sol devient vivant. Et se raconte. Il s’installe dans le vide total. Tous les décors sont là : dans la tête. Des milliers de décors tous issus de l’imagination. Les idées prennent tout l’espace, meublent la scène. « Je dessine avec les mots », dit Marc Favreau. Cette présence du minimum auquel nous a habitués Sol oblige le spectateur à aller scruter le « dessous » des choses, l’essentiel. Sol incarne la solitude dans toute son acuité, le dépouillement, le dénuement, la vulnérabilité. Témoin sans savoir qu’il est témoin, le clown verbal s’exprime dans un langage tordu, mais farci d’images, langage où les mots sont détachés de leur signification originelle et s’ouvrent pour livrer quelque facette de vérité, ou tout simplement pour amuser. Au même titre que d’autres fous du langage tels les Queneau, Vian, Prévert. Sol fonctionne par ouï-dire, il mélange tout, il ne comprend rien et peut donc se permettre de tout dire. « Sol est un véhicule, c’est une façon d’être pour moi, poursuit Marc Favreau. C’est un personnage. Je pars de ce personnage, je me fonds dans le personnage comme un petit bonhomme ne pensant rien. Sol réagit comme un enfant, ça me force à travailler d’une façon enfantine, à développer des idées dans le sens de l’émerveillement et de l’énormité. Sol s’offusque de petites choses. Sol s’amuse et s’inquiète ; et quand il critique, il ne sait pas qu’il critique. Je le veux inconscient. Moi je travaille derrière, je lui fais dire des choses qui gravitent autour de la réalité quotidienne, tout ce qui nous assaille, nous agace, nous émeut, nous ravit, nos contradictions, nos intolérances. Mais Sol, sans sa dimension poétique, ne serait qu’une caricature. » Dans l’une de ses précédentes tournées, L’univers est dans la pomme, notre clochard-philosophe national nous entretenait de la « bougeotte » humaine à travers ce qu’on pourrait qualifier d’immense monologue à tiroirs. Qu’il s’agisse de Le premier venu, Les indigents, Médicalmant parlant, Le géant, Les embarrassants abris, Le costaunaute, un fil conducteur lie tous les textes de l’auguste clown : l’originalité de l’expression. Une armature semblable où l’auteur maîtrise admirablement bien les procédés les plus élémentaires de l’humour, c’est-à-dire, entre autres, le jeu sur la polysémie, l’homonymie ou la synonymie d’un même signifiant. Ces multiples combinaisons n’excluent pas la profondeur et la teneur du discours accroché aux mots. Les textes sont intelligents. Cette phrase de George Elgozy pourrait tout aussi bien s’appliquer au travail de Sol : « D’un mot ou d’une expression surajoutée, il révèle l’une des multiples facettes cachées de cette réalité dans laquelle chacun est trop plongé pour en percer l’une des énigmes. » Chez Favreau, l’écriture d’un monologue s’amorce autour d’une idée, d’un sentiment, d’une sensation et, par association d’idées, le travail se poursuit. Pendant des semaines, il note des petites choses. Puis il plonge dans le sujet qui deviendra un sketch. Il prévoit des montées dans le délire verbal et conserve pour la fin du spectacle les propos les plus importants, sachant que ceux-ci génèrent davantage de réactions : « Mais l’écriture n’est jamais finie jusqu’au moment où on met les pieds sur scène. Le contact avec le public amène des changements. Par exemple, je peux me rendre compte que je suis trop long. Le théâtre, c’est de la scène, c’est de la vie, c’est immédiat, ce n’est jamais la même chose d’un soir à l’autre. C’est lorsque le public est là que je ressens un sentiment de plénitude. Toucher le public, c’est important. Le toucher, c’est en le faisant rire, pleurer, réfléchir. » L’une des forces de Marc Favreau/Sol réside probablement dans cette faculté qu’il a de manifester ce qu’il y a de plus spirituel en lui par le biais des mots. Par le jeu ensuite. Car il ne suffit pas de dire « Ouille alors » ou « C’est estrardinaire » pour aller chercher l’essence de Sol. Sol représente, on le sait, la simplicité poussée à l’extrême mais sous cette simplicité, on sent une rigueur, un imaginaire fécond, une façon personnelle de contester et de ressentir, une ingéniosité qui désempare. Sol se renouvelle constamment sans se démoder, sans tomber dans la facilité. Une question me brûlait les lèvres à la fin de l’interview : où se ressource Favreau ? « On ne se ressource pas à partir des autres dans l’humour, ce serait de la copie. On prend son inspiration en soi-même, dans ce qui nous entoure. Je me sens privilégié d’écrire les textes qui me plaisent. » -------------------------------------------------------------------------------- Sur le site suivant, on pourra trouver des notes biographiques du parcours de Marc Favreau jusqu’en 1995, année où on lui a conféré le titre de Chevalier de l’Ordre national du Québec : http://www.cex.gouv.qc.ca/ordre/95/95_25.htm Un site consacré aux séries TV cultes des années 60 et 70 possède un volet « Sol et Gobelet ». On peut même y entendre le thème de l’émission : http://www3.sympatico.ca/rgosselin/solgobel.htm Pour connaître les coordonnées des agences responsables des tournées de Sol : http://pages.infinit.net/page/sol/ ------------------------------------------------- Et puis cette critique : Favreau, Marc : Rien détonnant avec Sol!, Un monologue n'est-il pas fait pour être entendu et non lu? Il suffit de quelques lignes de ce recueil pour se convaincre que non. En tout cas, pas dans le cas de Sol. C'est un véritable feu d'artifice que nous offre ce fou forgeron de la langue. Personnellement, j'ai préféré les quelques monologues à saveur politique (qui forment une heureuse alternance avec les textes d'orientation plus sociale ou poétique), comme « Comment la grande noire sœur devint la belle trop mince à cause de l'excentricité . Dans ce long récit, Sol raconte dans sa langue naïve et à double sens le passage des années duplessistes à la Révolution tranquille au Québec : « J'en ai jusque-là du noir, qu'elle a dit, j'en ai assez d'être coinçouillée entre l'incurie et le bedon... Y a trop longtemps que ça bure! J'a pas envie de finir nonnagénaire...! » S'ensuivent les grands projets visant à doter la « belle trop mince » d'« excentricité », et les négociations avec les Autochtones, lesquels ne sont pas dupes : « On vous voye venir. On sait pourquoi vous survoltez notre batrimoine en hydroplanifiant... [...] Et nous? Vous avez pensé à nous pôvres indigents? De quoi on aura l'air? Tous nos brochets d'avenir seront à l'eau et nos réserves seront des truites! » Autres morceaux savoureux à signaler : « Le fier monde » (« Le fier monde, c'est la pluss grande sobriété de consommation! ») et « La fête », qui aurait été écrit en hommage à Félix Leclerc (« La fête, c'est pas de faire la majorette silencieuse et regarder passer des joueurs de saxons qui fanfaronronnent parce qu'ils ont la grosse caisse... »). À lire pour vivre un bon moment de folie et de poésie. Stanké, Ottawa, 1978, 173 pages. François Lavallée Une photo de Sol à cette adresse : http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/photos/4591.html) (J'aimerais beaucoup arriver à mettre la main sur son sketch sur la forêt pour illustrer la finesse et la grâce de son humour.)
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lafourmi
| Envoyé vendredi 21 janvier 2005 - 14h03: | |
Merci beaucoup LC Donc un comique québécois . je comprends pourquoi je ne n'en ai pas entendu parler. Tiens un petit article sur l'humour au Québec . pour francopolis quelqu'un pourrait il en préparer un ? à envoyer à sitefrancopolis@yahoo.fr ou à mon adresse que je laisse pour un " clic " |
   
jml
| Envoyé vendredi 21 janvier 2005 - 19h19: | |
Sol est beaucoup plus qu'un "comique" c'est un véritable poète, un jongleur de mots, un magicien de la langue. Je suis surpris que tu ne le connaisses pas. Il fait beaucoup plus de spectacles en France qu'au Québec. Il faut dire qu'il ne fait pas de télé en France. Il serait trop dérangeant pour ces messieurs. Il ferait comme Villeret dans le Dîner de cons. |
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