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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.01.2003 au 31.05.2003 » Je vous prie « précédent Suivant »

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Claire C.
Envoyé jeudi 20 février 2003 - 08h07:   

Vous savez, je ne savais plus.
J'avais perdu les sources de moi-même,
L'eau qui coule tout en bas dans les grottes que personne n'a visitées, l'eau qui se souvient de la pluie tiède tombée des arbres, et infiltrée moitié dans le sol moitié dans les plantes.

Toute cette eau s'était perdue, et je n'en savais rien, d'une certaine façon j'étais devenue sèche. Je ne savais plus donner à boire à mon enfant.

La petite fille grimpée dans les arbres, celle qui lisait des heures entières dans le soleil tamisé. Celle qui rêvait de partir, qui avait l'habitude de se débrouiller.

Je vous prie d'écouter le bruit de mon eau.
De sentir avec quelle patience elle lisse, érode les parois de la grotte noire.
De mesurer le temps.

Je vous prie de sentir ce froid sur vos bras,
Et tout ce que vous pourrez y trouver de vous-même
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karl
Envoyé jeudi 20 février 2003 - 17h32:   

J'aime.

Cet un regard intéressant sur la nostalgie.

Karl
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stél
Envoyé vendredi 21 février 2003 - 01h06:   

C'est incroyable ce qu'on peut dire comme choses en 17 lignes.
Une grande profusion naît de la sobriété de ton texte, qui par son absence même d'effets, parvient à nous communiquer la patience de ces gouttes et la sensation physique de leur travail sur le temps et sur l'humain. Des petits gouttes et des grands récipients, et ce même regard de clarté sur l'obscur comme sur le lumineux.

Je trouve une grande classe dans ce simple texte, que l'on suit du haut de l'arbre jusqu'au fond de la grotte en accueillant chaque étage de sens et en faisant mouvement avec l'eau.
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Claire C.
Envoyé vendredi 21 février 2003 - 09h36:   

Merci à tous les deux, d'autant que j'ai eu des doutes en le relisant après-coup.
Je crois que je vais le modifier un peu, j'y trouve quelques lieux communs.

Claire
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stél
Envoyé vendredi 21 février 2003 - 12h09:   

Des lieux communs, ce sont des lieux où se retrouver, puisqu'ils sont "communs".

Évidemment que c'est très commun tout ça.
Mais bon, y a pas que Munchaüsen et Cyrano
dans la vie.
Dans ce très commun, moi, je trouve à lire de cet
humain dont je suis tissé.

"Dans l'océan de l'évier
j'ai trouvé la profondeur
de mes bras"

(Maître Cong, 600 pendant JC)
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Hélène Soris (Hélène)
Envoyé vendredi 21 février 2003 - 15h21:   

j'ai l'impression Claire de tout trouver de moi-même.
ton texte est tendresse et clarté. je pense à toutes les émotions accumulées pendant une vie larmes de joie et de tristesse
"La petite fille grimpée dans les arbres, celle qui lisait des heures entières dans le soleil tamisé. Celle qui rêvait de partir, qui avait l'habitude de se débrouiller"
j'étais une petite fille comme ça. un prunier était mon complice de lectures.
le bruit de cette eau résonne dans ma source.
Hélène
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Claire C.
Envoyé vendredi 21 février 2003 - 15h24:   

"J'avais perdu les sources de moi-même" c'est un lieu commun. Ca a été tellement mâchouillé que ça n'a plus de goût.

"Dans l'océan de l'évier
j'ai trouvé la profondeur
de mes bras"
et:
"de sentir ce froid sur vos bras et tout ce que vous pourrez y trouver de vous-même"
c'est une rencontre (avec un monsieur mort depuis très longtemps), et c'est exactement ce que je voulais dire dans ce poème, merci Steph.
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Claire C.
Envoyé vendredi 21 février 2003 - 16h24:   

JE VOUS PRIE

Vous savez, je ne savais plus.
J'avais perdu l'eau de moi-même,
Celle qui coule tout en bas dans les grottes que personne n'a visitées; l'eau de pluie tombée des arbres, infiltrée moitié dans le sol moitié dans les plantes.

Toute cette eau s'était perdue et je l'avais oubliée; d'une certaine façon j'étais devenue sèche.Je ne savais plus donner à boire à mon enfant.

La fille grimpée dans les arbres, celle qui lisait des heures entières dans le soleil tamisé. Celle qui rêvait de partir, qui avait l'habitude de se débrouiller.

Je vous prie d'écouter le bruit de mon eau.
De sentir avec quelle patience elle lisse, érode, les parois de la grotte noire.
De vous mesurer au temps.

Je vous prie de sentir ce froid sur vos bras,
Et tout ce que vous pourrez y trouver de vous-même.

------------------------------
Pour Hélène:
Moi, c'était un abricotier.
As-tu lu ce bouquin très beau de Marie Rouanet qui s'appelle "Nous les filles"?

Mais, tu sais, pour toucher à quelque chose de plus troublant, je suis contente que ce poème rencontre aussi un homme chinois qui a vécu il y a très longtemps.Est-ce qu'il lisait dans les arbres?
En tous cas il aimait tremper entièrement les bras dans l'eau froide des éviers.

Amicalement
Claire
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karl
Envoyé vendredi 21 février 2003 - 17h34:   

Les lieux communs ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Ça dépend de ce qu'on a lu et de ce qui nous touche, et je rajoute que ça dépend du sens qu'on donne à certaines expressions, peut-être aussi.
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Leezie
Envoyé vendredi 21 février 2003 - 21h01:   

un lieu commun, je crois que c'est quelque chose qui a une enveloppe qui nous empêche de le voir vraiment, et de l'entendre vraiment. C'est un instrument, pour faire autre chose que de parler vraiment (même si on a besoin parfois de ces instruments)

C'est une sorte de clef, si on tente de voir un lieu commun comme un lieu nouveau, je trouve qu'on arrive à entrer ailleurs

par exemple, rien que pour le nom générique "lieu commun", on peut par exemple, comme fait Steph, le prendre dans son autre sens de lieu cher, connu, aimé, fréquenté souvent
et du coup, l'expression "lieu commun" va être plus riche, on va y attacher plus de choses

mais je trouve qu'il faut être patient, et y revenir plusieurs fois, en tout cas pour moi

je trouve aussi que "j'avais perdu l'eau de moi-même" est très beau (j'aime cette expression, l'eau de moi, l'eau de toi), mais ne dit pas la même chose que "j'avais perdu les sources de moi-même", parce que les sources, c'est quelque chose qui représente la vie, qui vient de l'intérieur comme un nectar et qui suscite quelque chose de vivant (des champs, des arbres, des humains), dans"l'eau de moi" il y a instanciation de l'élement de la source, donc on choisit, et donc on laisse une partie des autres métaphores possibles, et aussi il y a moins de mouvement, de direction

quelle est l'entrée secrète du lieu commun
"j'avais perdu les sources de moi-même"?
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Claire C.
Envoyé dimanche 02 mars 2003 - 15h06:   

Je retrouve avec grand plaisir cette discussion.

Tu as raison, Leezie, choisir "j'avais perdu l'eau de moi-même" c'est perdre quelque chose, gagner quelque chose aussi par rapport à "j'avais perdu les sources de moi-même".
A vrai dire, ce qui m'a donné envie de le supprimer, ce n'est pas l'idée sous-jacente, qui me convient (et qui apparaît quand même dans le texte, je crois), mais le fait que ça renvoie pour moi à une métaphore qui aurait été trouvée par d'autres, utilisée un peu trop, et qui donc aurait perdu ses qualités de surprise ou d'étrangeté si importantes, parce qu'elles font apparaître quelque chose d'un "sens" nouveau: une idée qui était là mais qu'on n'avait jamais pu "penser" ( j'emploie "penser" au sens poétique, indistinct du terme).
Accessoirement, d'ailleurs, ces métaphores usées prennent vite quelque chose d'un peu "bébête" et si on veut les réutiliser, il faut les approfondir, leur apporter quelque chose de nouveau, d'étranger....dans le cas présent, je ne vois pas.
Du coup, je suis tout à fait d'accord avec Karl, on est toujours, quand on parle de "lieux communs", dans la mémoire de ce qu'on a déja lu, dans ses repères culturels....et probablement certains des "lieux communs" du vieux monsieur chinois nous sembleraient-il extrêmement neufs et éclairants.D'accord aussi avec Steph, les lieux communs sont des carrefours essentiels où on se retrouve tous....mais ne sommes-nous pas tout le temps entre deux désirs: celui du familier et de l'étranger; de ce que l'on retrouve avec émotion et ce qui nous bouscule?
Pour explorer un peu plus cette métaphore, on pourrait parler des sources (avec leur origine pluviale, donc extérieure, puis infiltrante, puis souterraine); mais aussi parler des rivières qui s'enfoncent dans la terre à un moment, et ressortent avec tout leur débit, plus loin. C'est encore plus mystérieux. La poésie ça a été ça pour moi.

Mais ce poème parlait d'autre chose, peut-être le sentiment dénié d'avoir besoin d'être abreuvée. Peut-être c'est un poème sur la soif,paradoxalement.
Dire: "je suis pleine d'eau et j'ai soif, et je l'avais oublié. Buvez-moi et donnez-moi à boire".A ce titre, "petite fille" était mieux que "fille"

Et pour répondre à ta question si intéressante, une autre des entrées secrètes c'est pour moi: "j'avais perdu le sens de moi-même, le sens dans lequel je coule".
Mais tout ça va ensemble, je crois.

Amicalement
Claire
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Leezie
Envoyé lundi 03 mars 2003 - 00h11:   

Moi aussi, grand plaisir de te retrouver, Claire.

Alors, tu clarifies beaucoup, en donnant une entrée, j'avais perdu ma direction si j'ai bien compris, et le sens dans lequel couler. ca m'évoque une sensation, celle de ne plus forcément voir les choses couler dans le sens logique, quelque chose qui m'arrive depuis quelques années

ça me fait penser aussi, ton entrée, quoi faire quel mouvement avoir maintenant dans quel but pour réaliser quoi...?

pour revenir à la forme de ta phrase, et le lieu commun, je trouve que, parfois, des phrases qui sont à la limite du stéréotype peuvent avoir gagné une noblesse qui les font apparaître belles même si elles ne sont pas originales

"j'avais perdu les sources de moi-même" j'ai beau faire et la retourner dans tous les sens, je continue à la trouver belle (peut-être parce qu'elle est belle musicalement?)


autre idée, une phrase pas du tout originale peut réapparaître intéressante si quelque chose est changé dans la forme (le "marquise vos beaux yeux me font mourir d'amour" de Molière est caricatural, mais il y a quelque chose de parfaitement vrai là-dedans) dans la manière de le dire, il ya peut-être quelque chose à trouver là.


et aussi, "je suis pleine d'eau et j'ai soif" ce n'est pas paradoxal, je trouve, c'est justement parce que notre corps est fait d'eau que nous avons besoin de retrouver la substance qui nous constitue, c'est une sorte de désir de se fondre dans le monde
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Claire C.
Envoyé lundi 03 mars 2003 - 23h04:   

Bonsoir Leezie,

Je crois d'abord que je vais garder les deux:
"Vous savez, je ne savais plus;
J'avais perdu les sources de moi-même;
L'eau de moi-même,
Celle qui coule...."

Sinon, comment dire ce que je crois reconnaître dans ce que tu dis: avoir depuis quelques temps la sensation de sentir le sens de ce qui coule, de sa vie, et aucune référence sur laquelle on puisse s'appuyer, sinon l'idée d'un "art de bien vivre", à définir seul(e), et la certitude que la vie se termine un jour.

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Anonyme
Envoyé lundi 03 mars 2003 - 23h37:   

Bonjour de la nuit,

la certitude d'Aimer, c'est bien plus beau à sentir...

beaux rêves

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