Auteur |
Message |
   
jml
| Envoyé lundi 14 février 2005 - 21h26: | |
ON NE VIT PLUS ON ZAPPE Les oiseaux chantent faux dans une cage en néons. Les chiffres du calendrier étouffent l’infini. L’espérance a quitté la maison en claquant la porte. Le fusil sur l’épaule, elle a troqué sa peau de rose pour un treillis de sang. Les arbres pleurent par les racines jusqu’au cœur de la terre. On fait sauter à l’heure de pointe des autobus pleins de rêves, des trains de porcelaine. Les oiseaux volent avec des pierres dans le ventre. Comme si la terre allait mourir. Comme si la mer allait sécher. Comme si le ciel allait tomber. Comment se faire entendre dans un cirque si faux ? Les assoiffés de la piastre ont fait breveter la mer, mis l’espoir en consigne. Des corridors hantés de portes nous baillent au visage. Il n’y aura bientôt plus qu’un seul été sur deux, plus de rivages que de vagues. On remplace les trains par des écrans, les voyages par des aérogares, les bateaux par des ponts, la mer par des ports. Nous n’allons pas plus loin mais nous allons plus vite. On nous vend des berceaux qui se transforment en tombes. Tous les drapeaux qui flottent sont déjà des linceuls et l’on donne son sang aux chemises trouées de balles. Nous ne jouons qu’un rôle au cinéma des autres, un rôle de soutien ou de figuration, Derrière chaque sourire il n’y a plus de dents mais une fente à monnaie. Des vitres comme une page Avec des doigts pleins de texte, Des mots comme des portes Qu’on défonce à coups de langue, Des images parfois Comme des perles roses, La neige de l’imaginaire Sur la plage du réel Et des vidéo-clips Au fond des coquillages, On n’écrit plus, on scanne. Avec des phrases sur la corde raide, Des mots comme des pièces à conviction, Une obsession d’images d’une lèvre à l’autre, Avec le cœur qui clignote, Le visage en éclipse Et les yeux retournés, Avec la chair de poule Je veux écrire jusqu’à l’os, Briser la cage du silence Et les menottes du gel. L’hirondelle des tendresses a perdu trop de plumes. Il n’y a plus de sang derrière le make-up mais des veinules grises, des neurones an smoking, des veines à sens unique. Il n’y a plus qu’une obsession du fric derrière les masques de pétrole. Il y a des feux rouges même dans les yeux des chats et des postes à péage dans le fond des ruelles. J’écris pour m’éloigner des hôpitaux, des écoles, des banques. Du suicide des baleines à l’angoisse des arbres, on ne vit plus, on zappe. Même si j’ai peur comme les peuples primitifs, je préfère l’explosion du soleil que de vivre au dimmer. Je préfère les faux pas aux plus beaux souvenirs. Je préfère l’impatience des éclairs à la patience des tombeaux, les voyelles en haillons aux pieds de mots bien lavés. La mémoire est une poule sans tête. Elle pond dans ses propres trous. Quand elle a fini de couver, les souvenirs s’envolent. Je bute sur le silence des choses. Je suis comme le joueur de vent qui attend sa flûte, une caresse enfermée dans un poing, les hanches d’un violon enserrées dans l’étui sans espoir de musique, une fleur sans abeille, le sang qui coule sans trouver sa blessure, le nombril de la terre éloigné de son ventre. Je porte dans mes gènes un os de reptile, la ride d’un nuage, le sable d’une étoile, l’avant-mémoire du temps. Je me cherche un écho dans ce qu’on ne voit pas. J’écris à défaut d’espérance. Je veux entendre des pas dans les feuilles du vent, le fracas blond des cheveux, l’orchestre des couleurs dans le théâtre d’ombres, t’embrasser dans le trafic pour arrêter le temps, marcher comme des lèvres sur la peau du silence. 14 février 2005
|
   
Rob
| Envoyé lundi 14 février 2005 - 23h10: | |
Chapeau ! |
   
Jordy
| Envoyé mercredi 16 février 2005 - 00h51: | |
Je viens de le dire sur le Bleu, on est encore d'accord! Jean Marc, tu écris beau et simple, et compréhensible immédiatement, pour moi, l'idéal, j'adore! |
   
en passant
| Envoyé vendredi 18 février 2005 - 21h17: | |
Moi je l'avais imprimé pour le relire tranquille sur le lieu de mon travail (du coup ce matin j'ai imprimé 2 autres de ses textes) mais celui ci est le meilleur des 3 je pense... |
   
foufou
| Envoyé vendredi 18 février 2005 - 23h09: | |
Une bosse d'images insolite ce Jml!!!pour ne pas dire une école de vertébrés à la recherche d'une mollesse à mille-pattes conjugant les cieux aux terres et aux feux des eaux ..du surréalisme éxotique!!? |
   
mohand
| Envoyé dimanche 20 février 2005 - 01h10: | |
c'est la simplicité de ce poeme qui fait sa profondeur:vertu des grands poètes. Mr JML, j'ai sincerement aimé. Ca interpelle plus d'une conscience. mais ,la conscience contemporaine est aussi artificielle. On scanne pour zapper. c'est tres beau |
|