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jml
| Envoyé mardi 22 mars 2005 - 03h14: | |
LES FLOCONS D’AVOINE J’écris comme le verre qui tremble au passage des trains, la feuille qui s’envole au milieu de l’orage pour accueillir l’éclair, le tambour du toit sous les mains de la pluie. Je suis à la fois l’homme qui aboie, l’arbre qui tousse, le vent qui mousse, le grain qui pousse, le chat qui pleure sur le bord des gouttières pour confondre ses larmes avec le bruit de l’eau. Je garde de l’hiver une brûlure aux doigts et le sel des routes sur mes semelles de vent. À l’arrivée du printemps, la chaleur déplie la neige comme une lettre endormie. J’y déchiffre du pied les paraphes de l’herbe, les gribouillis de l’eau et l’usure des choses. Je suis comme un enfant ouvrant le livre des images. Il pousse des pépins au cœur des pommiers chauves. Le cœur enlève une à une ses pelures d’oignon. Les fourmis dansent sur la paille. Les oiseaux picorent le ventre vert de l’herbe. Chaque rigole relie la soif émue des bêtes. L’homme ramasse les débris du naufrage au fond de la mémoire, les vieux os, les feuilles mortes, l’argile des fatigues. Il redresse les rides sur le visage du vent, la tête de l’espoir qui penche vers le sol. Le froid enlève ses mitaines. Les épouvantails ôtent leur tuque pour saluer le ciel. Les penman’s à grands manches prennent le bord du panier. Les pas trempent leurs bas dans l’eau sale qui monte. Les arbres se soulèvent sur le bout des racines et font des entre-chats sur le plancher des vaches. Les ombres laissent voir leur caleçon troué par un doigt de lumière. Ploc, ploc, ploc. Les mots tombent dans un seau et retrouve le puits. On dirait que le chant approfondit l’espace, que les mots sont plus lourds, le silence plus vaste, que le cri des oiseaux porte un peu plus de sens. Le ciel tend l’oreille de toutes ses étoiles. Le sucre fond sur les flocons d’avoine laissant la place aux perce-neige. La terre vide ses tiroirs, dépoussière ses yeux. Les grands pins battent leur tapis d’aiguilles. Le vol d’un oiseau raccommode l’espace, ce trou dans l’air entre les arbres. Le ciel est bleu. Tout l’espace bourgeonne. Le temps retombe en enfance. Le soleil peut flâner sans que l’eau gèle sur le lac. Les libellules s’apprêtent à remplacer les patineurs, les oies blanches à passer, les chevreuils à sourire. J’ai vu une ombre de marmotte sur le calendrier, un ours en pyjama remettre son manteau. Toutes les portes s’ouvrent dans l’ombre où je logeais et les fenêtres sifflent au passage des merles. Les images courent devant moi et reniflent la route, le ventre des collines, l’ardoise du printemps. L’encre vouée aux fleurs, aux yeux de chats, aux îles imaginaires continue entre les marges du livre comme le fleuve entre les rives. Les châteaux de sable ne vieillissent jamais. Ils disparaissent dans la mer pour enfanter des îles et des rêves de corail. Il suffit d’un bourgeon pour peindre la forêt et du poil d’un chat pour se sentir moins seul. Ma langue prend son bain aux javelles du verbe. La barrière est ouverte aux chevaux de l’avoine. J’ai sorti ma brouette et ma pelle à rêver. Les deux pieds dans la sloche j’attends avec plaisir une piqûre de guêpe. J’attends que la lumière se fasse tout à coup sur la musique noire. J’attends que le printemps finisse de vider la litière de neige. Le fleuve tenu en laisse remplacera ses ponts de glace par des vagues de caresses. Debout sur le silence, nous regarderons les oiseaux dans les yeux. 21 mars 2005
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mohand
| Envoyé mercredi 23 mars 2005 - 00h38: | |
un trés beau texte, savoureux. Des images qu'on croirait simple parce que faites de mots usuels, standard mais qui cachent une difficulté parfois insurmontable de compréhension. C'est un texte à sentir et non à analyser. la plus belle des poesies |
   
lilas
| Envoyé jeudi 31 mars 2005 - 21h25: | |
Comme on est bien dans ce poème ! Un vrai printemps ... merci ! |
   
lilas
| Envoyé jeudi 31 mars 2005 - 21h41: | |
Comme on est bien dans ce poème ! Un vrai printemps ... merci ! |
   
lilas
| Envoyé jeudi 31 mars 2005 - 21h43: | |
...et voilà la conséquence d'un coup de téléphone ! le mail a le hoquet ! |
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