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S*
| Envoyé samedi 23 avril 2005 - 22h08: | |
-- Six soleils se sont levés à l'ouest -- (regarde les arbres trembler) 1. Tu m'as dit de venir dans cette forêt à l'aube et d'écouter les arbres trembler. Tu m'as dit que quand j'y serai, je saurai pourquoi ils tremblent. La forêt se trouve au bord de l'eau. Il est essentiel qu'elle se reflête, me dis-tu. Quand les vrais arbres tremblent, le reflet devient si net que quelque chose s'ouvre de bas en haut dans l'air. Ce n'est pas normal. Si me réponds-tu. C'est par là qu'il faut passer. 2. des cornes j'ai des cornes sur ma tête je tape du pied elles ne tombent pas je prie avec mais jointes autour c'est encore la nuit lune entre les cornes je les arrache je veux les jeter dans la mer je les porte à ma bouche et je souffle dedans je ne sais pas ce que j'appelle mais la musique est belle elle fait des trouées en forme de feuilles entre les autres feuilles celles qui existent vraiment des rayons tombent toujours là où j'étais à l'instant d'avant des feuilles des arbres des gens se jettent dans la mer 3. Je sens des présences, des cerfs qui courent sur moi, des doigts intelligents qui tapent des codes. Des matières solennelles se succèdent en rideaux. Elles ne sont pas simples mais croisées. Acajous en briques, marbres cousus, soies plantées, corps chargés de millénaires. À côté d'elles, je me sens léger, neuf, sautant de branche en branche, m'essayant à façonner des outils. Dépliant mes ailes encore humides, face aux arbres. Pour le moment, c'est moi qui tremble. 4. une fête se donne ici comme si j'étais chez moi trop de gens entrent dans la forêt viennent voir veulent voir comme si j'étais chez moi entrez il faut les accueillir leur servir à vivre les emmener sur la corniche voir la mer se réjouir de leurs pieds dans le sable trop de gens entrent comme si j'étais chez moi toute la mer sous mes pieds je pêche la lumière dans l'eau noire pour les divertir je fais tourner des moteurs et parler les arbres taille des haies en forme de leur visage des gens entrent et il en entre encore 5. Docteur, je fais pipi souvent, par la bouche, par les yeux, je fais pipi vers hier et vers demain. Docteur, mon ombre prend vie, docteur je vais naître maintenant, les arbres vont trembler, tendez bien les bras pour me rattraper, je vais fuser comme un chien qui saute vers le soleil, je vais vous traverser de part en part et vous, vous allez mourir juste quand je vais commencer à respirer. Docteur, il va se passer quelque chose de fulgurant, comme le début de quelque chose, comme le début de toutes choses. Docteur, vous avez rêvé longtemps. Vous avez rêvé d'églises et de routes, de fauteuils et de noms savants. Venez avec moi dans la forêt, venez écouter les arbres trembler. Mettez une blouse verte déchirée et disposez des brindilles dans vos cheveux. Appuyez vous sur vos pattes, elles semblent frêles mais elles sont solides. Laissez sans peur pousser vos plumes. Alors, peut-être vous vivrez quand même. 6. tu vois je t'avais dit regarde les racines observe le frémissement des troncs vois comme fleurs feuilles et fruits restent ensemble se rejoignent sur la même branche regarde la lune et les étoiles ce matin elles ne partent pas ce matin le ciel redevient entier respire l'étonnement de la terre elle annonce la fin du rêve qui séparait jour et nuit regarde dans l'eau le reflet qui devient net regarde dans l'eau et bois-la six soleils se sont levés à l'ouest regarde les arbres trembler 23-04-2005 |
   
Marion Lubreac
| Envoyé dimanche 24 avril 2005 - 00h01: | |
Venez avec moi dans la forêt, venez écouter les arbres trembler. Mettez une blouse verte déchirée et disposez des brindilles dans vos cheveux. Appuyez vous sur vos pattes, elles semblent frêles mais elles sont solides. Laissez sans peur pousser vos plumes. Vous devrez boire là-haut, à la naissance de la cascade, juste là où la mousse et l'écume repoussent.Accroupi,mains en coupe, les yeux éperdus de verdure,vous sentirez vos pattes s'implanter au ventre de la Terre,à la saveur des tourbillons de l'eau.Vos oripeaux deviendront chair d'écorce, de sève et de lichen. J'aimerai la ramure de votre chevelure,j'irai éclabousser vos branches de mes rires cristallins.Et vous me resterez,docteur:oui, vous demeurerez au lit de ma rivière. Alors les arbres cesseront d'avoir peur:ils dénoueront leurs longs bras emmêlés,ouvriront, détendus, des pétillements de bourgeons savoureux.Et nous naîtrons ensemble, enfants du septième soleil,avec au creux des yeux un goût de nouveauté... j'ai pas pu m'empêcher: je crois bien que j'y étais: à vrai dire, je crois bien que j'y suis toujours...
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fouroulou
| Envoyé dimanche 24 avril 2005 - 00h55: | |
superbe!!! Amusante cette histoire des cornes! |
   
Cécile
| Envoyé dimanche 24 avril 2005 - 10h32: | |
J'ai vraiment beaucoup aimé te lire Steph. Des mots pleins de fraicheur. |
   
lilas
| Envoyé dimanche 24 avril 2005 - 11h30: | |
J'ai pu rêver dans ce poème qui fait franchir les "portes de corne et d'ivoire" avec tant de facilité et de ferveur. |
   
lilas
| Envoyé dimanche 24 avril 2005 - 11h33: | |
... et j'aime aussi le beau poème qu'il a inspiré à Marion . Merci à tous les deux ! |
   
albertine
| Envoyé dimanche 24 avril 2005 - 12h44: | |
...comme je baigne actuellement dans les différentes versions de "Bambi"...tendance "Jean-Pierre et le bonheur", c'est une promenade en forêt qui me convient à merveille... |
   
alain
| Envoyé dimanche 24 avril 2005 - 12h47: | |
j'aime particulièrement cette strophe ( allez savoir pourquoi...) "tu vois je t'avais dit regarde les racines observe le frémissement des troncs vois comme fleurs feuilles et fruits restent ensemble se rejoignent sur la même branche " B+...alain |
   
karl
| Envoyé lundi 25 avril 2005 - 15h04: | |
Moi j'aime aussi celle du docteur (la strophe), j'y vois et je ne sais trop pourquoi, une grande détresse. C'est toujours un plaisir de te retrouver quelque part. merci Stéphane |
   
lilas
| Envoyé lundi 25 avril 2005 - 21h46: | |
C'est un poème auquel je reviens, peut-être parce qu'il m'intrigue, autant par son côté très "psy , ou fin de psy" que par son côté initiatique et onirique. Finalement, j'aime par dessus tout l'invite : "La forêt se trouve au bord de l'eau. Il est essentiel qu'elle se reflête, me dis-tu. Quand les vrais arbres tremblent, le reflet devient si net que quelque chose s'ouvre de bas en haut dans l'air. Ce n'est pas normal. Si me réponds-tu. C'est par là qu'il faut passer." Le mot "trembler" avait pour moi des connotations de maladie et de peur qui m'ont gênée. Ensuite j'ai pensé qu'il traduisait le grand bouleversement évoqué en une image insolite et qui inspire. "Break on through" to an other side, sans drogue, sans papiers, sans passé, passe par le pont fragile mais ferme de la sève, vers une lumière neuve : tout frémit, tout vit, pour l'accueil... ( Les "six soleils" m'intriguent toujours )
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