Un moment en montagne Log Out | Thèmes | Recherche
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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.04.2005 au 31.08.2005 » Un moment en montagne « précédent Suivant »

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yh
Envoyé jeudi 26 mai 2005 - 16h27:   

(Extrait)
J’ignorais encore qu’en solitaire la montagne était autre. Je ne savais pas encore qu’il y a deux silences. Celui d’en bas, simple manque de bruit et celui d’en haut, peuplé de rumeurs minuscules. Celles qui tissent un vrai silence.
Principal acteur, le vent. On entend les herbes plier silencieusement, les glacier craquer en surprise, timidement inattendus. On n’a pas eu le temps de savoir où la faille s’est produite que le vide reprend. Mais lui aussi accouche d’un silence inquiétant qui semble envahir le ciel et poursuivre son chemin vers l’autre vide du cosmos.
Tous ces silences réservés à l’homme seul s’entendent bien, si j’ose dire, pour préparer leur nuit, la border sous son crépuscule. L’accomplir.
Et soudain annoncée par un battement d’aile, la première étoile. Jalouse et toujours la même. On la dit du Berger. Berger ou pas, pour la voir il faut être en solitude. Qu’elle soit un monstre glacé n’importe pas plus que le diamant des fiançailles n’est résultat de pressions inimaginables. L’étoile du Berger est la propriété privée de l’homme, son diamant de solitude.
Vient la lune soudaine. Amoureuse des noirs et blancs, complice des torrents et cascades dont elle compose des colliers secoués entre les rochers. Elle est sensée porter fortune, comme il est dit dans la chanson. Mais près du refuge, elle se contente d’envelopper le silence d’un voile blanc et de tailler à même les rocs à grandes balafres. La vallée est en bas, rangée dans un oubli où des phares font des trajets sans importance. Le seul monde vivant est ici parmi les rhododendrons aux modestes odeurs acides auxquelles des immortelles le disputent en discrétion.
La nuit installée, le soir peut s’endormir. Rien ne bougera plus jusqu’à l’aube, sauf quelque chute de pierres bousculées par un animal qui cherche encore la mort d’un autre.
Il ne reste qu’à fermer la porte, avec l’étrange sensation de laisser la nuit dehors à qui en voudra, jusqu’au viol de l’aube.
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LN
Envoyé jeudi 26 mai 2005 - 19h22:   

on s'y croit yves.
tu étais dans un chalet?
ce que j'aime aussi mais je le décrirais maladroitement c'est la nuit qui s'installe par paliers . la première fois ça surprend. Malgré la logique.
les odeurs aussi différentes , plus vastes .

toute petite la fourmi !
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yv
Envoyé vendredi 27 mai 2005 - 22h08:   

Merci, la fourmi ! Ceci est un fragment d'une nouvelle plus longue. J'habite en montagne et j'y ai beaucoup couru, en Europe et ailleurs non pour l'exploit sportif que je ne suis pas loin de détester tant il peut être mensonger mais pour devenir soi même grâce à l'isolement et la fatigue, et retrouver la nature en communion d'esprit avec elle. Parce qu'il arrive un moment de fusion vraie qui n'a rien de romantique mais plutôt de métaphysique, comme une renaissance primordiale.
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lafourmi
Envoyé vendredi 27 mai 2005 - 22h29:   

oui je ressens aussi l'appartenance à la nature.
c'est d'ailleurs la signification que je donne à ce mot si galvaudé : Dieu
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Christiane
Envoyé samedi 28 mai 2005 - 02h30:   

Un chant fait de silence
Merci

Et isolement + fatigue+ silence. Un mélange connu aussi. Pas en montagne, mais c'était semblable. Moi, je cherchais Orion par ma fenêtre

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yh
Envoyé lundi 30 mai 2005 - 00h07:   

Le col est enfin là, à six mille mètres. Epuisement, nausées. J’ai déjà déliré cette nuit au bivouac. Un nouveau délire n’est pas loin. Enfoui dans ma poche, un tube d’alu contient le portrait d’une Claire, adolescente folle de montagne écrasée par un camion. Je m’étais promis de la laisser au plus haut que je pourrais monter. Ce sera là, au col du Thorong Pass, à l’extrême limite de mes forces car au delà... Je l’enfouis dans le cairn avant de fuir ce lieu mortel.
Plus je perds de l’altitude, plus je reprends conscience. Je suis loin des belles certitudes de ma maison douillette d’Europe. A quoi, à qui mon geste a-t-il servi ? Au nom de quelle croyance absurde d’incroyant ? Etait-ce pour cette Claire ou pour moi ? Ici, conscience aiguë et épurée que c’était pour moi. Mais alors, pourquoi faire ?
Soudain, au bord du sentier, un bouquet sec de citronnelles de l’Himalaya, tombées du sac de mon sherpa, répand encore les parfums enivrants de la vie et ma réponse est sans doute là.

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