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jml
| Envoyé mardi 21 juin 2005 - 15h10: | |
ENTRE LES MOTS Il y a un livre dans chaque arbre. Quand je traverse la forêt, j'apprends l'alphabet. Je m'enfuyais de l'école pour grimper aux arbres. J'ai appris des oiseaux beaucoup plus que des hommes. Il m'arrive de voler dans ma tête et de laisser des plumes sur un bout de papier. Mon lit ressemble à un nid géant. Ma table de travail est encombrée de paille, de brindilles et de petits cailloux. Sur ma table à manger un pain de terre fleurit. J'ai de la sève d'érable sous l'écorce du coeur. On écrit toujours avec les pièces qui manquent, dans un espace qui se cherche, pour un temps inconnu, sur le mince fil qui sépare l'invisible du visible. On écrit avec ce qui a toujours été là et qu'on oublie de voir. On écrit comme le feu sécrète la cendre sans éteindre la braise. On écrit pour préserver un peu les gestes qui s'effacent dans les ruines de l'instant. Il y a un livre dans chaque pierre. Quand je grimpe la montagne, je tourne les pages pour y trouver des vers, des couleuvres, des mots. L'arôme que dégage une fleur en fanant se transmet aux semences. J'habite une bibliothèque folle. C'est un jardin sauvage, un parc pour enfants, un radeau d'émotions. Sur l'étagère des oiseaux, je feuillette les trilles. Des papillons de papier me laissent lire leurs ailes et leurs ocelles d'encre. La pluie garde toujours quelque chose du soleil. L'hiver se souvient des amarantes blanches et la neige ressemble au parfum d'une fleur. Rien ne s'aiguise au fil du provisoire ni les dents ni l'esprit. Les enfants de la pluie se promènent en ruisseau. Les plus sages deviennent lac, les rebelles torrent. En grandissant, ils conduisent des rivières ou des fleuves puis reviennent à la mer. Il y a un livre dans chaque homme. Rompre le pain c'est tourner les pages. Quand je regarde des peintures, je vois rougir le peintre qui parle à ses couleurs. J'entends sa brosse chatouiller l'infini, sa spatule creuser une terre d'espoir. Les enfants du soleil ont la tête d'un arbre et les bras d'un jardin. Ils dessinent l'horizon en forme d'arc-en-ciel. Chaque être est unique. Son odeur est unique. Chaque doigt d'une main est unique. Chacune de ses caresses est unique. Chaque regard est unique. Les yeux sont uniques deux fois. On ne se lève jamais avec le même soleil. On ne marche pas dans les mêmes pas sans y perdre son âme. Chacun est une phrase unique dans une lettre immense. La terre est un postier. Tout l'univers attend nos mots. Lorsque j'écris, j'ai l'impression de ne rien faire. C'est comme une pause dans l'agitation stérile qui m'entoure. Il me faut ce rien pour appréhender le tout. C'est comme une lumière qui me servirait d'ombre. Les gestes d'une main cherchent à nommer l'espace et les pas sur la route dessinent le voyage. Il pleut et j'écoute Ravel. Je ne sais plus quelle musique est plus belle. Je vais de l'un à l'autre ou mélange les deux. C'est mon oreille qui dirige l'orchestre. Je lis rarement les écrivains. Je lis plutôt les poètes, les peintres, les musiciens, les danseurs. Je ne lis pas le miel sur le pain mais l'abeille. Il y a entre chaque note un silence qui les soutient, un mot entre chaque mot qu'on ne peut lire avec les yeux. Les pas qu'on ne fait pas tracent la route pour marcher. C'est là que la pensée voyage. 21 juin 2005
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gt
| Envoyé mardi 21 juin 2005 - 16h38: | |
" Je lis rarement les écrivains. Je lis plutôt les poètes, les peintres, les musiciens, les danseurs. Je ne lis pas le miel sur le pain mais l'abeille. Il y a entre chaque note un silence qui les soutient, un mot entre chaque mot qu'on ne peut lire avec les yeux. Les pas qu'on ne fait pas tracent la route pour marcher. C'est là que la pensée voyage. " Quel beau cadeau pour l'été qui marche dans nos pas... et pour souligner ce jour de la lenteur... tu marches, tu grimpes... tu lis... et nous fais signe de la main mais on sent que tout se fait lentement... à la rencontre de ces instants de vie. Merci JML |
   
lilas pour JML
| Envoyé mardi 21 juin 2005 - 20h00: | |
Un grand JML ! |
   
Zigzag
| Envoyé jeudi 23 juin 2005 - 13h29: | |
C'est du bon et pourtant c'est pas du cochon !!! Zigzag |
   
JG
| Envoyé jeudi 23 juin 2005 - 16h35: | |
Le zigzag au dessus n'est pas JG |
   
JG
| Envoyé jeudi 23 juin 2005 - 16h36: | |
Superbe texte Jean Marc comme d'habitude |
   
Kel
| Envoyé jeudi 30 juin 2005 - 12h09: | |
"Il pleut et j'écoute Ravel. Je ne sais plus quelle musique est plus belle. Je vais de l'un à l'autre ou mélange les deux. C'est mon oreille qui dirige l'orchestre. " Miam, que tout cela est bon à l'oreille de ma rétine :-)
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