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Rob
| Envoyé vendredi 05 août 2005 - 02h10: | |
C'était survivre cet amour que je roulais dans l'air, c'était quand je chantais et ton rire à mon rire enroulé comme lierre abrité comme on peut dans la jeunesse et la culture, une maison de tolérance qui ne tolérait avec la raison juste qu'une idée de fraternité, faut pas laisser rentrer les cons. Nous portions, comme on dit, des idées flamboyantes et de l'humour aussi, le notre, le seul qui vaille en ces temps de charangos. Quand ils avaient des ponchos nous avions des guitares et des exotismes de merguez sur le gril, nous défendions les différences. De ces barbaques calcinées aux provenances improbables, je ne me souviens, faut dire, que de la suée des moutardes étalées comme de la confiture, depuis le temps c'est figé comme la graisse et l'idée de la brûlure sur la langue. Les tumbas du parisien, on s'en souvient encore, ils nous faisaient rêver comme des brésiliens, ceux qui savaient, parlaient de bourrée auvergnate pourtant nos deux accords sonnaient comme le sertao un matin de révolution avant le coup de grâce. On rentre pas comme ça, on décline son Vasca ou alors son Léo mais c'est un peu facile. Fanon, gueule bourrée, Francesca et ses couilles comme disait Jordy peu avare de compliments, nous entraînaient dans les messes à l'humain quand les hommes grignotent leurs "biscottes de vie" arrosées de vins râpeux comme disait le même, le célèbre Jordy toujours chatoyant de postillons d'amour. Henri Gougaud au dessert, bouffe une crème caramel, je raconterai ça à mes enfants, ils en resteront sur le cul. L'Austin mauve des retours pisse de l'huile sur tous les pare-brises et mes jambes sont trop longues sous cette immense boite à gants, déjà le ménisque qui grogne. Allez, jouer l'artiste, égratigner le temps qui nous baise au final, j'allais comme un seul homme, porter l'esprit du gratte poils jusque chez les communistes, mes frères, ou mes cousins plutôt, enfin c'est comme on veut. On choisit sa musique selon les vents, les pluies, les ripailles accueillantes. Il nous l'a fait le coup, le Jordy, il a chanté tout déployé sur les planches à paillettes du théâtre de Nice au milieu des Fanon, des Caillat, au milieu de tous ceux qui chez nous scintillaient, j'en garde je le jure, une panique vivace, une tension qui monte et le teint pale des terreurs comme cette guitare qui n'est jamais vraiment très juste. L'écriture est un foutoir, un moment de retour et puis on passe à autre chose, les coronaires du Vasca, Bertin beau sur sa chaise, Léo coulé, Marseille sous la pluie, l'horreur qui vrille dans ma peau, cinq ans déjà, maman qui meurt, vingt ans déjà, les os, la peau ridée de rires et nous toujours debout et toujours aussi cons, et jamais silencieux dans l'autant que possible.
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pour Rob
| Envoyé vendredi 05 août 2005 - 02h49: | |
Que de souvenirs, Rob ! Un poème de vie riche que tu confies à la nuit, à ses oreilles dispersées aux quatre vents du rêve ou des insomnies ... j'aurais aimé vous connaître à cette époque, mais il reste vous , "toujours debout et toujours aussi cons, et jamais silencieux dans l'autant que possible." Parle encore de vous, veux-tu ? ... ( Lilas )
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aglaé
| Envoyé vendredi 05 août 2005 - 09h39: | |
"""Allez, jouer l'artiste, égratigner le temps qui nous baise au final, j'allais comme un seul homme, porter l'esprit du gratte poils jusque chez les communistes, mes frères, ou mes cousins plutôt, enfin c'est comme on veut.""" Epatant tout le texte....Aglaé |
jml
| Envoyé vendredi 05 août 2005 - 16h08: | |
superbe. ça sent la vie, la mer, la musique, la tendresse et l'autant que possible. |
Kel
| Envoyé vendredi 05 août 2005 - 16h25: | |
Ah oui c'est beau, c'est doux, ça ravive plein de chose même quand on a pas connu. |
Jordy
| Envoyé vendredi 05 août 2005 - 17h03: | |
Extraordinairement émouvant pour moi. ce coup- ci, le frangin, il met pas de masques,il ne chantourne aucune fioriture. Il m'en a fait défiler des choses, dans la tronche, ce texte! Nostalgie. Une boule dans la gorge. |
isa
| Envoyé vendredi 05 août 2005 - 19h01: | |
C'est sûrement un cadeau personnel, mais je trouve ce texte plutôt moins bon que pas mal d'autres que j'ai beaucoup aimés. Mais il n'était pas pour tout le monde, aussi. |
Kel
| Envoyé vendredi 05 août 2005 - 19h15: | |
Oui, les souvenirs sont personnels, mais l'écriture ne l'est pas, on s'y sent invité comme si on faisait partie de ces gens (je parle de mon ressenti du texte) |
Jordy
| Envoyé samedi 06 août 2005 - 00h49: | |
merci pour Rob, Kel! je pense évidemment comme toi! Isa, c'est vrai qu'il est plus précis et plus clairement événementiel que d'habitude, mais comme dit joliment Kel, "tout le monde est invité"! |
Kel
| Envoyé samedi 06 août 2005 - 02h21: | |
..et tout le monde est invité à écouter rob chanter, et jordy, et tout ce beau monde pacifié. je vous lis et, ce faisant, je n'y vois aucun mal, rien qu'une source d'enrichissement au delà des différences. amitié |
Rob
| Envoyé samedi 06 août 2005 - 05h23: | |
je rentre d'une soirée un peu arrosée, parler de poésie, de cuba, de Ferré bien sur, de stratégie de politique municipale, d'amour et de mort, de la copine qui va mourir, du rien qui reste et du peu qui s'en va et de ces 24 h de punition avec une merde d'adsl, un truc sournois moitié connecté, moitié coupé, une horreur. mais là à 5 h du mat, miracle, ça marche. Je sais que ce truc est un peu ciblé, mais bon, c'est le problème ( peu important quand même) Avec tout ce temps qui passe tout le temps, j'ai l'impression de devenir de plus en plus une vieille bête à peine fréquentable, c'est affreux, on ne finit jamais de ressasser ses vieilles guerres. Le prochain golpe, je vais raconter mon service militaire au fond des neiges sales, ça va chier pour vos matricules. pour plus tard, dans le désordre de ma tronche, j'envisage la cours de récréation, mon premier "émoi" , ma première bagnole (une 4l perforée) et peut-être le pick up à aiguilles en bambou du grand-père. C'est con de vieillir, on radote, et on expose ses radotages, bordel de merde, allez, au lit, vieille carne ! Faut s'économiser. Et puis y a pas de différences, Kel, juste des sons, une histoire de fréquence, un choix de petite importance. Amitiés en vrac.
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isa
| Envoyé samedi 06 août 2005 - 10h29: | |
C'est pas question de matériaux, les souvenirs en sont d'excellents. C'est question de forme, et de ne pas la mépriser en cèdant à la coquetterie de prendre sa propre maîtrise technique pour de la frime, mon faux vieux. Qui fait le vieux fait la bête, c'est pas comme ça qu'on dit ? Enfin, c'que j'en dis, c'est amical et parce que je t'ai lu. |
Rob
| Envoyé samedi 06 août 2005 - 23h29: | |
En effet, c'est tout à fait amical et en plus ce n'est pas faux.Les mots sont souvent le résultat d'une organisation interne. par contre le faux vieux, hélas, il fait le vrai comme il peut. tout s'arrange pour faire joli, parfois ça marche, parfois ça foire. on va selon l'humeur dormir sur un lit aux draps froissés, histoire de retrouver la pliure comme on l'avait laissé au matin. On se rassure comme on peut, avec des frises de temps en temps.
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Kel
| Envoyé samedi 06 août 2005 - 23h44: | |
Moi, je ne suis pas vraiment d'accord. C'est justement car j'y lis une invitation, et l'espace offert - à moi lecteur - pour y lire les souvenirs, et c'est peut-être justement à cause de cette à priori "non assurance" que je plonge dans le texte. |
feuilledo
| Envoyé samedi 06 août 2005 - 23h45: | |
Putain ! j'étais là moi aussi dans la griffure |
Rob
| Envoyé samedi 06 août 2005 - 23h47: | |
Je vais pas ouvrir un fred pour si peu, le service militaire à Tubingen la blanche, enlevé c'est pesé, avec le un et puis le deux, homme de base tête de noeud. Je découvris des mers à boire Des chansons pour me faire voir Des éboulis à débouler Et la guitare à raccrocher Je découvris des vies perdues Les neiges longues étendues Les nuits de leurs rires de foires Ma solitude provisoire Je découvris semelle à battre Dans des guérites de théâtres Le froid aiguillé sur les doigts A l'aventure du sous-bois Je découvris que j'étais lourd Au cul du monde avec ces sourds Au fond de mon journal indigne De mes versants plantés de vignes Je découvris les avalanches Des Gallimards en robes blanches Les mots pour trembler des histoires A faire monter la mémoire Je découvris que j'étais fier Dans mon silence en mâchefer Fatras de feuilles en corvées Le vent jouait à s'aggraver Je découvris l'effacement L'attente au bout des sapins blancs Le feu qui couve sous la neige Les mots les piéges qui protégent Je découvris cette distance Entre la mer et moi qui lance Un monde saoul qui tangue au soir Vers cette plage aux vagues noires Je découvris des mers à boire Des chansons pour me faire voir Des éboulis à débouler Et la guitare à décrocher ----------------------- La parenthèse Avec la pluie à la va-vite La note triste de l'histoire Une mémoire illicite A l'aube grise du dortoir Avec ma vie en bas de carte Sur le point sud de ma frontière Comme une enfance qu'on écarte Mousse noyé du fond des bières Avec un temps battu en neige Une violence inavouée Dans le silence qu'on protège La vitre aux larmes dénouées Avec mon cahier d'écolier Dans la guérite de mes draps Des forêts noires déployées Au ras des nuits en contrepoids Avec la garde au champs de blanc La route mouvante des phares Un casque vieux comme le temps Et les cent pas de ma mémoire Avec des godasses miroirs Pour déraper sur mes verglas En défilant de l'aube au soir Mes vieux combats en branle-bas Avec la lettre en pointillé Sur la cour grasse des appels Un cheval noir à épingler Au coté cœur de mon scalpel Avec un poème au carré Et le désir que tout se taise Au bout des soleils désertés Vint la première parenthèse ------------------------------- Tubingen (12/70) Il neigeait fort sur Tubingen Elle avait les yeux plein d'hiver Elle vivait à Tubingen Et le Neckar coulait gris-vert Et le Neckar indiffèrent Charriait du givre à fleur de chair Elle regardait passer l'hiver Et Tubingen pleurait tout blanc Et Tubingen pleurait tout blanc Sur le Neckar plissé de vent J'aurai voulu dans le silence Lui offrir le cygne en sa danse L'envol du cygne comme un ange L'a fait pleurer douceur étrange Comme parfois pleure un enfant Et Tubingen pleurait tout blanc
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Kel
| Envoyé samedi 06 août 2005 - 23h55: | |
C'est superbe. le dernier est un petit bijoux. |
Rob
| Envoyé dimanche 07 août 2005 - 00h01: | |
Merci Kel, j'avais pondu ça sur place en 70, et Jordy l'avait foutu en musique et enregistré sur un disque souple pendant ma galère. J'ai retrouve le truc sur un vieux carnet à spirales, putain ça va vite on ne garde que les larmes, et le bonheur aussi. |
Kel
| Envoyé dimanche 07 août 2005 - 00h08: | |
70 ? hé bé. Ca fait un baille que t'écris alors. |
Rob
| Envoyé dimanche 07 août 2005 - 00h11: | |
En général ( et oui) à cet instant devrait se déclarer un objecteur de conscience qui se demmerde toujours pour être du coté de la lumière, quand toi tu sais que tu es toujours du coté de baisé. Souvent l'objecteur, en fait, a été réformé pour petite taille mais c'est moins glorieux quoique...
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Rob
| Envoyé dimanche 07 août 2005 - 00h20: | |
J'en ai griffouillé des tonnes, des paperasses innommables bouffées par les poissons d'argent (ces petits insectes étranges qu'on peut retrouver collés comme dans un herbier) ça fait des trous partout, ça grignote les mots, ça donne l'avant goût. :o))
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Jordy
| Envoyé dimanche 07 août 2005 - 00h25: | |
Putain, je me souviens! Il y avait des cabines, près de la place Masséna, on mettait dix balles dans la fente et vite vite, on pouvait chanter et graver un disque souple, en effet! j'avais trimballé la guitare jusqu'à la cabine en solex. Il est devenu quoi, ce disque au fait? (je me souviens très bien de la mélodie!) le texte d'avant aussi, je l'avais mis en chanson, et je te l'avais même chanté à la maison (mais je ne m'en souviens plus, là, de la mélodie, ça devait pas casser des briques!) |
Rob
| Envoyé dimanche 07 août 2005 - 00h31: | |
On en trimbale des vieilles barques nous deux, on pourrait faire armateur, une flotille de petits pointus à rustines, le chiant c'est qu'il faut toujours écoper quand ça arrive à l'encolure... |
Rob
| Envoyé dimanche 07 août 2005 - 00h36: | |
Le disque souple il doit être dans une cave, coincé entre un 78 tours de grand-père et un bouquin de cul, une destination normale. les disques souples finissent toujours ainsi, c'est bien connu.
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Hélène
| Envoyé dimanche 07 août 2005 - 08h34: | |
pas encore eu le temps mais je vais venir lire tout ça . d'autant que j'ai au moins vu la maison à Nice . c'était celle de Rob?
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isa
| Envoyé dimanche 07 août 2005 - 08h51: | |
Très belle parenthèse en noir et blanc et gris. A ne pas oublier à la cave. |
Jordy
| Envoyé dimanche 07 août 2005 - 12h12: | |
Et en fait, Robertou, ça me revient...C'était pas un disque souple, c'était un disque RIGIDE! et il doit être chez moi (mais où? mystère, sans doute à la cave, dans un coin d'ostréiculture) |
Joelle
| Envoyé lundi 08 août 2005 - 12h43: | |
il est troublant ce Rob, il touche au coeur, j'aime. |
Pour Rob
| Envoyé vendredi 12 août 2005 - 02h24: | |
Merci pour cette richesse de souvenirs et de leurs mots. Je les aime tous. (Lilas) |
suite
| Envoyé vendredi 12 août 2005 - 02h26: | |
Ce qui est bon aussi c'est la chaleureuse commlicité de deux frères ... ce n'est pas si fréquent ! ( Lilas) |
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