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jml
| Envoyé mardi 16 août 2005 - 07h29: | |
AU BOUT DES DOIGTS On nous a trop blessés au niveau du bonheur. Des caresses meurent quand les mains pendent au bout des bras. Des phrases font la gueule quand les mots peinent au bout des doigts. Des larmes se suicident sans rire où s'accrocher. Des poèmes se perdent quand le temps vide ses tiroirs. Des planètes changent de maison quand on lit l'horoscope à son chien. Il est temps qu'on se tienne debout, qu'on refuse les cure-dents par respect des forêts. Tout imprégnés de larmes, nous tiendrons tête aux oiseaux de malheur. Pickpockets de l'amour, nous volerons l'argent des sentiments pour le distribuer. Nous savons que le pain se met toujours à table. Nous mettrons les désirs à leur place qui est celle de l'amour. Quand les dessins d'enfant commencent à disparaître, nous prenons le crayon. Nous réveillons le rêve sur la route du sommeil. Quand on exige des poètes un port d'âme, quand on fait du passé le couvre-feu du temps, quand on ajoute des barreaux aux grilles des horaires, des aiguilles à la montre, quand on vend l'espérance au comptoir des désastres, quand le profit nous mène en radeau sur un désert, quand la vie se cache derrière la mort, quand on cache la couleur dans nos blancs de mémoire et les étoiles dans les trous noirs, quand on peint les miroirs par peur de vieillir, quand on pose un dimer au soleil, quand la lune se couche dans son ombre, il faut crier plus fort. Le mouvement perpétuel, c'est l'enfant qui apprend à marcher, l'aveugle qui apprend la musique, le silence qui apprend à lire, la communion des langues. 16 août 2005
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Éric Dejaeger
| Envoyé mardi 16 août 2005 - 09h17: | |
Très joli texte, jml ! Le début est particulièrement réussi avec ses lignes plus courtes. Des images de grande qualité ! Bravo ! Juste une question : "quand on pose un dimer au soleil" - qu'est-ce qu'un dimer ? |
   
à JML Hélène
| Envoyé mardi 16 août 2005 - 09h54: | |
"un port d'âme," quand je serai ministre je voterai le port d'âme obligatoire pour tout le monde et nous marcherons vers la mort pour débusquer la vie. |
   
jml
| Envoyé mardi 16 août 2005 - 13h48: | |
"dimer" est le mot anglais qu'on utilise ici pour désigner le thermostat qui règle l'intensité de la lumière sur les appareils d'éclairage. on prononce "démeur" comme en anglais. |
   
jml
| Envoyé mardi 16 août 2005 - 14h46: | |
Éric, quand la brièveté devient une mode, je rallonge mes jupes. (une fois n'est pas coutume. il m'arrive parfois d'aiguiser quelques mots) On nous a trop blessés au niveau du bonheur. Des caresses meurent quand les mains pendent au bout des bras. Des phrases font la gueule quand les mots peinent au bout des lèvres. Le coeur du temps s'affole quand la peau saigne au bout des doigts. Des larmes se suicident sans rire où s'accrocher. Des poèmes se perdent quand l'encre vide ses tiroirs. Des planètes changent de maison quand on lit l'horoscope à son chien. Il est temps qu'on se tienne debout, qu'on refuse les cure-dents par respect des forêts. Tout imprégnés de larmes, nous tiendrons tête aux oiseaux de malheur. Pickpockets de l'amour, nous volerons l'argent des sentiments pour le distribuer. Nous savons que le pain se met toujours à table. Nous mettrons les désirs à leur place qui est celle de l'amour. Quand les dessins d'enfant commencent à pâlir, nous les colorions. Nous réveillons le rêve sur la route du sommeil. Quand on exige des poètes un port d'âme, quand on fait du passé le couvre-feu du temps, quand on ajoute des barreaux aux grilles des horaires, des aiguilles à la montre, quand on vend l'espérance au comptoir des désastres, quand le marchand de sable nous mène en chameau, quand la vie se cache derrière la mort, quand on efface la couleur dans nos blancs de mémoire, quand les seules étoiles sont celles des drapeaux, quand on peint les miroirs par peur de vieillir, quand on pose un dimer au soleil, quand la lune se couche dans son ombre, il faut crier plus fort que le sang des sirènes. Le mouvement perpétuel, c'est l'enfant qui apprend à marcher, l'aveugle qui apprend la musique, le silence qui apprend à lire, la communion des langues.
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Christiane
| Envoyé mardi 16 août 2005 - 15h08: | |
"quand on pose un dimer au soleil" Pas très heureux ce terme "dimmer" en poésie (deux "m" en anglais). En français, il s'agit d'un gradateur ou d'un variateur de lumière. "quand on impose une gradateur de lumière au soleil" mais est-ce dans la pensée poétique d'un JML? Amitié Christiane |
   
pour jml
| Envoyé samedi 27 août 2005 - 22h26: | |
D'accord avec Christiane en ce qui concerne le dimmer. Saint John Perse aussi ne réussit pas toujours quand il introduit certains mots rares ou dont il utilise une acception peu courante. Mais il faut bien essayer ! (Et -perso- j'aime bien la sonorité de ce mot : il a qq chose de marin par cousinage anglophone évident ! ) Oui, "il faut crier plus fort que le sang des sirènes" . Point final, ce serait pas mal! (Lilas) |
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