Aux abords de l'île

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Auteur Message   jml Envoyé mardi 13 septembre 2005 - 18h26:    AUX ABORDS DE L'ÎLE à Ile Aux abords de l'île, mes vagues à tête blanche sont des poissons d'enfant. Je t'aime dans la groseille et le pollen flottant, le héron bleu jouqué sur le toit de l'étang, l'invisible qui saigne sur la tige des fleurs, le foin fou assoupi dans ses bras, la pluie entre ses dents. Je t'aime dans la pioche et la jachère en fête, les anneaux de l'orvet, la première jacinthe, le merle simple et chaud, le papillon déployant son mouchoir. Je t'aime dans la ruche et les yeux de la taupe, dans la pruche et l'érable, dans la glycine prise aux cheveux de la vigne. Je t'aime dans l'aster et l'épaule des fleuves, la danse des sauterelles, le pain des hydrophiles, les épines et la flûte. Je t'aime dans la beauté du monde. Aux abors de l'île, la mer vient renaître comme une baleine bleue. Quand il pleut, le soleil est chez toi, de gouttes de pain en miettes de pluie. Tous les cailloux fleurissent sur le bord du fossé. Les canons font la grève dans mon rêve d'enfant. Les soldats font la fête et troquent leur treillis pour des pétales de rose. Les requins de la finance sont des poissons d'avril. Quand tu t'habilles en robe de solfège, tu fais de la musique à l'oreille des sourds. Tu es encore plus belle quand tu te déshabilles. Je t'aime dans la mer et le sable du temps, le lait léger de l'air, l'arbre teinté de fruits. Je commence par toi pour ne pas en finir. Aux abords de l'ìle, le fleuve entier frissonne. Je t'attends à chaque point de mon corps, dans chaque atome, chaque morceau du monde. Je t'embrasse partout, des racines à la cime, à chaque détour, chaque visage du temps, de l'os de la terre à la chair du ciel, du grain de sable aux galaxies. Je serai debout toute la nuit comme on surveille une île dans les sursauts du fleuve. J'imagine l'invisible, l'éternité peut-être dans une simple main d'homme. Abolissant les heures, le temps ouvre ses paupières. C'est plein d'images émues. Mes mots naïfs et gauches sont un vaste frisson. Mes mots sont une flamme dans un mur de neige, une source dans la pierre. Je ne dirais plus rien sans toi. Je ne verrais plus rien. Un seul mot d'amour contredit le silence, déchire le bâillon, enlève la cagoule du coeur. Aux abords de l'île, j'ouvre à nouveau les yeux. Je reprends pied sur l'espérance. Je t'aime dans l'éclair, dans l'espace et le temps. Je n'ai plus ma tête à moi. J'ai ma tête à toi. Mes mots courent après toi sans reprendre leur souffle. Tu es la lampe au coeur de ma nuit. Je souffle sur le feu. Je m'accroche à la terre pour te redire oui. Les pages restées blanches se sont écrites en nous. Je suis né pour t'aimer comme une rivière fait son lit. 21 août 2005   Rob Envoyé mardi 13 septembre 2005 - 19h11:    Très beau, ça m'évoque le début d'un roman de Félix... Au nord de l'île sont les escaliers qui mènent vers les fonds, pleins de silences. Là, les matins d'épaisses brumes, on sent l'iode. Cavernes en ruine, pics crevassés, falaise à devant de cathédrale face à la mer. Et l'eau verte qui tape en bas. C'est là que le fou de l'île, venu d'un long voyage, a été vomi par la marée de neuf heures, une nuit de ces temps-là, pendant que personne ne s'en doutait, une nuit d'été, une nuit d'orgie d'un bout à l'autre de l'île. Une île. Une fleur dans l'eau. Et la falaise abrupte qui porte les maisons. Croix et sorcières aux carrefours. Des chemins de terre sous les arbres. Des nuits noires comme des trous, des matins comme des portes d'or. Des gens heureux, aveugles. Des enfants qui vont à l'école par les talus. Un vent éternel qui souffle dans les cavernes et les oiseaux maigres aux grandes ailes qui s'en moquent. Le vent! Un jour, debout comme un lion en colère, le lendemain couché. Suivez-moi, il y a fête sur l'île. Félix Leclerc   jml Envoyé mardi 13 septembre 2005 - 21h59:    Au Québec on a mis beaucoup de temps à prendre Félix Leclerc au sérieux comme écrivain ou dramaturge. C'était son plus grand regret. Il se définissait plus comme écrivain que comme chanteur.   S'il vous plaît, le titre ! Envoyé mardi 13 septembre 2005 - 23h19:    Toujours aussi superbe, JML ! Et je suis séduite par ce début de roman de F.Leclerc. La suite est-elle de la même eau ? j'ai bien envie d'aller y faire un tour ... Si l'on pouvait connaître le titre ? Merci d'avance.(lilas)   jml Envoyé mercredi 14 septembre 2005 - 01h05:    Le Fou de l'Île (roman) publié chez Fides au Québec autres titres Pieds nus dans l'aube (récit biographique) Carcajou ou le Péril blanc (roman) L'Auberge des morts subites (théâtre) Rêves à vendre (aphorismes)   Cécile Envoyé mercredi 14 septembre 2005 - 10h21:    Dis Jml, tu as tellement fait frissonner le fleuve que ça a traversé l'océan. J'ai vu la Loire frissonner ce matin... Ce qui est remarquable dans tes textes, ce sont toujours ces images inatendues et cette communion avec la nature...   Lilas Envoyé mercredi 14 septembre 2005 - 23h08:    Merci pour le(s) titre(s) !   Jordy Envoyé jeudi 15 septembre 2005 - 16h00:    Tu es un grand, JML.