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| Envoyé lundi 25 août 2003 - 22h23: | |
Mary, avec les poèmes de Rosewicz, m'a remis en mémoire W. Szymborska, et notemment ce formidable poème qui interroge ce que nous sommes dans que nous croyons être. ********* Je frappe à la porte de la pierre ”C’est moi, laisse-moi entrer. je viens te voir visiter ton intérieur le respirer” ”Va-t-en, dit la pierre Je suis verrouillée. Même concassée, même réduite en sable nous ne te laisserons pas entrer.” Je frappe à la porte de la pierre. ”C’est moi, laisse-moi entrer. Je viens par simple curiosité. Je veux seulement visiter ton palais avant d’aller visiter la feuille et la goutte d’eau. Et je n’ai pas beaucoup de temps, tu sais je n’ai qu’une vie, je suis mortelle, moi. - Je suis pierre et faite de pierre, dit la pierre Je dois être sérieuse et tu me donnes envie de rire. Va-t-en, tu vois bien que je n’ai pas les muscles zygomatiques pour rire. Je frappe à la porte de la pierre - C’est moi, laisse-moi entrer. On dit qu’il y a chez toi des grandes salles vides majestueuses et silencieuses que personne n’a jamais vu. Avoue que tu ne les connais pas toi-même. - De grandes salles vides, c’est vrai, dit la pierre Belles, peut-être. Mais pas de beauté perceptible à tes sens. Tu peux me connaître, mais jamais me ressentir. Pour toi, je ne suis qu’apparence mais mon for intérieur est invisible à tes yeux. Je frappe à la porte de la pierre -C’est moi, laisse-moi entrer. Je ne viens pas me refugier chez toi. Je ne suis pas malheureuse tu sais. Je ne suis pas une SDF. Le monde où je vis vaut la peine qu’on y retourne. Je te promets de ne rien toucher chez toi et de ne garder de ma visite que quelques mots (que mes collègues appelleront douce folie) -Tu n’entreras pas, dit la pierre. Tu n’as pas le sens du partage et aucun autre sens ne peut le remplacer même pas la vue dans l’au-delà. Tu n’entreras pas, tu n’as pas le sens du partage, tu as envie de l’avoir mais tu n’en vois qu’une image. Je frappe à la porte de la pierre - C’est moi, laisse-moi entrer. Je ne peux pas attendre deux mille siècles pour pénétrer sous ton toit. - Si tu ne me crois pas, dit la pierre demande à la feuille, elle te dira la même chose, et la goutte d’eau aussi. Tu peux même demander à un cheveu de ta tête. Tu me fais rire, tiens. Même si je n’ai jamais appris à rire. Je frappe à la porte de la pierre - C’est moi, laisse-moi entrer. - Je n’ai pas de porte, dit la pierre. **** W.S. |