| Auteur | Message | ||
     Jean Guy |
Galerie On l’appelait Marquis. Grand, maigre, chemise à lavallière, chapeau à large bord, il allait par le trottoir de droite, venait par celui de gauche, s’asseyait à la terrasse du Narval, longue cigarette de couleur entre les doigts qu’ornaient des bagues. On racontait qu’il battait sa mère. Ca nous étonnait. Est-ce possible de battre sa mère ? Lorsque la police l’a trouvé, étendu devant l’évier de la cuisine, le crane enfoncé, il tenait dans sa main gauche un bout de tissu rouge. Sa mère assise, coudes sur la table, la tête entre ses mains, pleurait. == J’aimais bien Marco. Il m’emmenait sur sa Vespa. Nous allions de plage en plage, le dimanche, en été. Les filles étaient si belles. Il devint fou amoureux de Nicole qui le trouvait drôle et gentil. Si fou que durant plusieurs semaines, il passa ses nuits sur le palier de l’appartement qu’elle habitait. Le matin elle le trouvait, là, endormi, le réveillait, lui disait « va-t-en ». Il partait. Un jour, on l’a trouvé, à genoux comme en prière devant le corps de Nicole. Dans ses mains il tenait encore le cran d’arrêt qu’il lui avait enfoncé dans le ventre. == Graziella n’était pas très jolie. Un peu grosse, une énorme chevelure noire crêpée. Ses lèvres étaient toujours très rouges. Elle portait des robes à volants aux couleurs vives ou des jupes qui lui moulaient les hanches et les fesses et des talons très hauts. Une voisine nous a annoncé sa mort et a parlé d’aiguilles à tricoter qui fabriquaient des anges. == Dans le quartier tout le monde connaissait Marcelline. Elle avait été fonctionnaire à la poste, aux guichets. Un jour elle n’est plus retournée au travail. Elle s’est mise à aller et venir dans la rue traînant un cabas à roulettes et puis deux sur lesquels des sacs se sont entassés. Parfois elle s’asseyait sur les marches de la fontaine aux lions, insultant les passants d’une voix forte et aiguë. On disait «C’est Marcelline ». Un jour plus personne n’a su son âge sauf qu’elle se courbait chaque année un peu plus. Quand on l’a retrouvée morte dans son galetas, il paraît qu’une ribambelle de chats rodaient autour d’elle. == Quand il passait dans la rue, à grandes enjambés titubantes, ses immenses bras balayant l’air dans tous les sens et criant de tonitruants « J’en ai marre », c’est ce qu’on croyait comprendre, Omar nous faisait peur. Un jour il a disparu. Assassiné. On a parlé de règlement de compte entre Algériens. == Mercier habitait à quelques maisons de la nôtre. Il avait cinq enfants et avait travaillé dans le même atelier que mon père. Parfois, tout à fait saoul, il venait, en pleine nuit, sonner à notre porte. Mon père le raccompagnait chez lui. Il est mort écrasé par un train sur un passage à niveau. == Antonio avait les yeux bleus, le regard perçant, les cheveux noirs crépus, la peau brûlée par le soleil. Il était maçon. Le dimanche il passait sous les fenêtres, grand, droit comme un i, dans une belle chemise blanche, manches retroussées, col ouvert laissant voir une chaine et une médaille dorées. Ses pantalons bleus nuit tombaient droits sur des chaussures à bouts pointus qui brillaient. C’était avant son accident quand il est tombé de l’échafaudage. == Dès le printemps venu ils arpentaient les rues leurs tapis sur l’épaule et de curieux bonnets sur leurs têtes crépues. Et ils étaient gentils pas méchants pour un sou on s'en moquait un peu "Pas chers, pas chers J’ti jure" nous n’avions que dix ans. Mais bien vite on apprit que derrière les mots pouvaient s’en cachaient d’autres. On entendit raton et puis crouille et bicot. Et puis d’autres encore. Alors ce fut torture ratissage et gégène les noyés de la Seine et un million de morts | ||
| suz |
M'a plu (meme si c'est une recette un peu ecumee). Je l'avoue, je gettais le facile, je n'ai rien trouve qui me sauta au nez... Ca fait un moment que je passe de temps en temps (apres une longue absence) mais que je ne commente sur rien, et puis ce texte-ci m'a happee et ca m'a donne envie de dire un mot. Generalement, de bons portraits, une bonne mise en place rapide du personnage. Je changerais peut-etre quelques petits details pour concentrer encore l'essence de certains, mais je ne sais pas si ce genre de critique detaillee est ce que tu recherches ou pas alors.. La derniere partie detone un peu non seulement en forme mais en style, j'imagine que c'est voulu mais ca casse un peu l'ambiance deliberement depouillee du reste. Mais globalement une bonne lecture Voila, amities | ||
| jean guy |
Merci Suz, « mais je ne sais pas si ce genre de critique detaillee est ce que tu recherches ou pas alors.. » Oui, je veux bien, pour m’aider à cerner le concret, toi tu dis l’essence. Je crois qu’on pense à la même chose. « La derniere partie detone un peu non seulement en forme mais en style, j'imagine que c'est voulu mais ca casse un peu l'ambiance deliberement depouillee du reste. » Tu as raison deux fois, c’est voulu, oui, mais ça casse l’ambiance. C’est vrai. Je voulais aller du concret particulier vers quelque chose, comment dire… de vraiment très concret., le concret de l’histoire, de notre histoire. Que de travail encore ! Merci encore. | ||
| suz |
" Oui, je veux bien, pour m’aider à cerner le concret, toi tu dis l’essence. Je crois qu’on pense à la même chose. " ok je vais essayer mais la c'est un peu tard, demain peut etre |