Le vol des papillons Log Out | Thèmes | Recherche
Modérateurs | Fiche Personnelle

66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.09.2005 au 28.02.2006 » Le vol des papillons « précédent Suivant »

Auteur Message
Top of pagePrevious messageNext messageBottom of page Link to this message

jml
Envoyé samedi 18 février 2006 - 14h38:   

Je n'écris pas vraiment autour de l'écriture, j'écris. C'est encore la meilleure réponse que je puis donner. Ou la pire, c'est selon.

LE VOL DES PAPILLONS


Un rideau blanc s’agite. J’interroge la braise au milieu de la neige. On ne lit plus très bien l’histoire des hommes. Au départ des oiseaux, le ciel syntonise la fréquence du vent. La langue bleue du froid se colle sur le fer. Chaque maison se resserre pour réchauffer son cœur. Les murs se tutoient. Les fenêtres s’inquiètent. L’enfant plie son regard avant de s’endormir. Depuis le temps qu’on survit aux assassins des fleurs, la masse de la misère pèse moins que l’espoir. Il faut soigner sans cesse les anciennes blessures. Les choses égarées, les objets qui me cherchent, ils trouveront mes mots. L’heure n’est jamais prête. Il faut toujours lui mettre ses habits, lui faire à déjeuner, lui indiquer la porte.

Il n’y a plus de phénix, à peine quelques plumes, des allumettes mouillées, des amulettes en cendres. Je ne renonce pas aux privilèges du feu, à mes larmes d’enfant, à mes rêves d’oiseau. Je parle tour à tour la langue des charniers et celle des étoiles. Je crois au ciel et à la terre, aux métaphores des racines, aux quelques mots qu’on laisse sur les tables bancales. Je m’étonnerai toujours de la force des choses, de la beauté des roses et du chant des cigales. Les fleurs repoussent dans les ruines, les bleuets dans les cendres. L’orage crache sur les tombes. Les morts se lèvent dans leur sang pour enterrer les armes. Le vol des papillons se moque des murailles.

J’entends derrière le paysage les sons qu’on ne voit pas, la musique des choses, le bruit de chaque feuille, l’eau intérieure du sable, l’appétit des racines, la couleur des mots, les pierres qui chuchotent dans le silence vespéral, le sourire des mûres derrière les épines. J’entends le cœur des galaxies dans le moindre bourgeon, les larmes en orbite, les étoiles qui naissent. J’écoute ceux qui restent replier le voyage, ceux qui partent lacer les botterlots du vent. Je lorgne le printemps par l’échancrure des branches. Des millions d’atomes naissent de chaque atome. Chaque voyelle est enceinte. Chaque couleur accouche d’un dessin. Chaque matin le soleil nous tape sur l’épaule. Allez, petits, allez ! L’abeille vient laper la porcelaine des fleurs. Tout chante malgré nous, de l’haleine à la laine. Les idées poussent en fleur dans la pensée du cœur.

Je grignote le rêve sous la croute du sommeil, la mie blanche des nuits. L’invisible se cache dans un habit de choses. Quand on ferme les yeux, on ouvre d’autres yeux. Quand on tend les bras, on touche à quelque chose qui est nous et n’est pas nous. Certains mots sont des clous sur la page, j’y accroche ma voix. Je fais de mes oublis des souvenirs d’enfance. L’échelle de la raison n’est en fait que barreaux. Il faut s’en éloigner pour atteindre le haut. J’écris pour réduire la distance entre celui qui donne et celui qui reçoit, semer de l’eau dans le désert et des flammes dans la neige.

Qu’on avance ou recule, le soleil reste maître de l’ombre. Quand je rêve d’une lampe, j’essaie de l’allumer. Les mots qui tombent du poème finiront par fleurir. Quand on boit dans un rêve, on se lève assoiffé. Quand la lumière s’éteint, elle se réfugie dans ce qu’on ne voit pas. Peut-être qu’entre les mots se cache ce qui nous manque. Je m’y accroche à défaut d’autre chose. S’il m’arrive de regarder le monde avec les yeux des mots, je lis avec mes pieds, je marche avec le cœur. Les morts laissent toujours en nous un espace vivant. Nous habitons le vide. L’amour est l’exception qui remplit notre vie.

18 février 2006

Top of pagePrevious messageNext messageBottom of page Link to this message

Isabelle
Envoyé samedi 18 février 2006 - 15h20:   

"Je n'écris pas vraiment autour de l'écriture, j'écris. C'est encore la meilleure réponse que je puis donner. Ou la pire, c'est selon."

si c'est une réponse, jml, pourquoi ne la postes-tu pas à l'endroit où elle devrait être?
ce n'est pas incompatible, écrire autour de l'écriture et écrire
j'écris aussi, et j'écris autour de l'écriture quand je pense que ça en vaut le coup, ce qui est le cas pour tes textes
et je lis aussi, parfois
et aussi parfois j'écris autour de ma lecture

Le postage de nouveaux messages est actuellement désactivé dans cette catégorie. Contactez votre modérateur pour plus d'informations.

Thèmes | Depuis hier | La semaine dernière | Vue d'ensemble | Recherche | Aide - Guide | Crédits programme Administration