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jml
Envoyé mercredi 08 mars 2006 - 14h47:   


Chaque matin mille cadavres nouveaux viennent me réveiller. J’en ai l’oreille en sang et je ne sais même plus si je dois me réjouir des naissances nouvelles. Les fleurs dans leur graine se retiennent d’éclore et les poissons volants retournent au fond de l’eau. Les femmes dans leur gaine se retiennent le cœur et les hommes font la queue pour un billet de loterie. On se bat contre l’ennui, pour un rien, pour un Dieu, pour une lune carrée ou un soleil en plus. On a beau dire, l’argent qu’on donne aux pauvres finit toujours dans la poche d’un riche.

Chaque matin j’ai le pied gauche qui rit et l’autre qui déprime, un doigt dans le cul, un autre qui divague. Je voudrais bien danser mais les pas sont trop lourds. Je trouve l’horizon couché devant ma porte comme un chien qui a faim. Le vent laisse des rides sur le miroir du fleuve. Quelqu’un durant la nuit a caché mes poèmes et craché sur l’espoir. Ma mémoire est pesante. Elle porte le silence qu’on impose aux enfants.

Chaque matin j’ai beau mettre un poème qui sent la fleur et la caresse sous la table bancale, le pain rouspète encore. J’étais une cigale, la rose d’un poème, je vais finir en prose comme un notaire tout gris rajustant sa cravate. On me lira malade dans les salles d’attente à l’heure des ménopauses.

Chaque matin des camions me réveillent. Il y a près de chez moi une carrière à malheur. On y concasse le temps en gravier d'amertume. Des Sisyphe hagards y grugent la montagne. On en fera des routes pour les automortelles, des châteaux en Espagne, des futurs taudis, des prisons et des parkings de vieux. On fait des trous dans le paysage comme on creuse une tombe.

Chaque matin je m'efforce d'écrire. Je me biffe et m'efface, me rebiffe et m’épanche. Je me rature un peu pour laisser place au vent, au doute, à la musique, aux choses. Je ne sais pas où commencent les phrases. Je prends les mots au vol avant qu'on me les vole. Les dimanches de plomb, je les rature en braille. Les samedis trop légers, je les écris au plomb. Je remercie le bruit d'apporter sa virgule, le temps ses parenthèses et le facteur ses lettres. La soif met un point où je voulais un vers. Les lundis sont trop lents, les vendredis trop longs. C'est le huitième jour que je trouve mes mots encore tout étonnés de n'être que des sons qui ne résonnent pas sans la cloche du cœur.

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