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aar
| Envoyé mercredi 17 septembre 2003 - 09h53: | |
Un poème parfaitement nerudien avec sa fougue lyrique où la nature et les questions du monde s'embrouillent dans un cosmos de mots de touts les jours ... et ce chien qui vient poser son museau dans la main du lecteur.... quel grand moment ! **** Ode au chien Le chien me demande mais je ne réponds pas. Il saute, court dans le champ et me pose mille questions sans parler ses yeux sont deux questions humides deux flammes liquides qui interrogent mais je ne réponds pas parce que je ne sais pas Homme et chien parcourant la campagne Les feuilles brillent comme si quelqu’un les avait embrassé une par une les oranges jaillissent du sol pour faire des petites planètes dans les arbres rondes comme la nuit, et vertes chien et homme nous allons par les parfums du monde foulant le trèfle la campagne du Chili dans les doigts clairs de septembre. Le chien s’arrête, poursuit les abeilles saute un ruisseau turbulent écoute des lointains aboiements pisse sur une pierre et vient me porter le bout de son museau à moi, comme un cadeau. Dans sa douce fraîcheur en me communiquant sa tendresse il me demande des yeux pourquoi le jour, pourquoi la nuit pourquoi le printemps ne porte rien dans son panier pour les chiens errants sinon des fleurs inutiles des fleurs, des fleurs, toujours des fleurs. Voila ce que me demande le chien voilà ce que je ne réponds pas. Nous allons, homme et chien dans cet immense matin vert réunis par le vide exaltant de la solitude où seuls nous existons l’unité parfaite, chien rosée et poète car il n’y a pas d’oiseau caché sans trille ni de fleur secrète sans arôme pour deux compagnons nous dans ce monde humidifié par la nuit distillation verte prairie balayée par des rafales d’air orangé le chuchotement des racines la vie en cheminant, en respirant, et l’amitié ancestrale la chance d’être chien, d’être homme converti en un seul animal à six pattes la queue couverte de rosée *** P. Neruda, Navegaciones y regresos , 1959 traduc perso |
   
Stttttél*
| Envoyé mercredi 17 septembre 2003 - 22h01: | |
et voilà, un texte de Neruda comme celui-là, ça te met parfaitement à l'aise pour écrire à ton tour, car tu sais que de toute façon, tu n'atteindras pas le centième du sens et de la force de ça, donc tu écris détendu, sans objectif, sans ambition, sans toise, sans rien, avec la conscience lucide de n'être rien. Quel bonheur et quelle richesse de possibles ! Rien. Nib. Nada. Niente. Nitchevo. Pur sommet de la conscience. Arme absolue et invincible.
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Aglaé
| Envoyé jeudi 18 septembre 2003 - 11h29: | |
Ce texte est une merveille, et grâce à Stel, je le trouve assez encourageant. Le philosophe Alain dit qu'admirer, c'est égaler, mais cest un peu vrai qu'on est soulevé plus haut que soi-même et que c'est très agréable... |
   
aar
| Envoyé jeudi 18 septembre 2003 - 21h02: | |
chuis d'accord avec toi Steph. Neruda, ça rassure. On se sent bien. C'est comme si on avait un gros pull de laine dessus. Et puis c'est écrit avec des mots de tous les jours, des petites phrases qui n'ont l'air de rien. On dirait qu'il nous parle, qu'on est avec lui, à côté. (l'antipode de Char et de SJ Perse) Neruda, c'est quand même quelqu'un qui , jeune, partait avec un cheval dans la montagne pour aller réciter de la poésie aux ouvriers des mines, dans ces villages de glaces et de tourbe. En ce temps ou mineur voulait dire esclave. C'étai une autre époque. Et puis la guerre d'Espagne qu'il a fait avec les brigades internationnales (Malraux, Aragon, Huidodro, Paz, Vallejo etc...) tiens puisque vous aimez, j'en mets un autre. *Steph tu m'as toujours pas raconté comment les filles regardaient les garçons en Crimée, si elle avaient des jupes longues ou des jambes longues, si elle avaient des cerises dans le sourire... le plus important quoi . tu n'as rien raconté. On attend, on palpite.
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Christiane
| Envoyé samedi 20 septembre 2003 - 00h02: | |
J'ai bu ce texte aussi Merci. Votre traduction est si naturelle et belle! Christiane |
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