Ode au chien (Neruda) Log Out | Thèmes | Recherche
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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.06.2003 au 30.09.2003 » Ode au chien (Neruda) « précédent Suivant »

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aar
Envoyé mercredi 17 septembre 2003 - 09h53:   

Un poème parfaitement nerudien avec sa fougue lyrique
où la nature et les questions du monde s'embrouillent
dans un cosmos de mots de touts les jours
... et ce chien qui vient poser son museau dans la main du lecteur.... quel grand moment !


****

Ode au chien



Le chien me demande
mais je ne réponds pas.
Il saute, court dans le champ
et me pose mille questions sans parler
ses yeux
sont deux questions humides
deux flammes liquides qui interrogent
mais je ne réponds pas
parce que je ne sais pas

Homme et chien
parcourant la campagne

Les feuilles brillent comme si quelqu’un les avait
embrassé une par une
les oranges jaillissent du sol
pour faire des petites planètes dans les arbres
rondes comme la nuit,
et vertes
chien et homme
nous allons par les parfums du monde
foulant le trèfle
la campagne du Chili
dans les doigts clairs de septembre.

Le chien s’arrête,
poursuit les abeilles
saute un ruisseau turbulent
écoute des lointains aboiements
pisse sur une pierre
et vient me porter le bout de son museau
à moi, comme un cadeau.
Dans sa douce fraîcheur
en me communiquant sa tendresse
il me demande des yeux
pourquoi le jour, pourquoi la nuit
pourquoi le printemps ne porte rien dans son panier
pour les chiens errants
sinon des fleurs inutiles
des fleurs, des fleurs, toujours des fleurs.
Voila ce que me demande le chien
voilà ce que je ne réponds pas.

Nous allons, homme et chien
dans cet immense matin vert
réunis par le vide exaltant de la solitude
où seuls nous existons
l’unité parfaite,
chien rosée et poète
car il n’y a pas d’oiseau caché sans trille
ni de fleur secrète sans arôme
pour deux compagnons
nous
dans ce monde humidifié par la nuit
distillation verte
prairie balayée par des rafales d’air orangé
le chuchotement des racines
la vie en cheminant, en respirant,
et l’amitié ancestrale
la chance
d’être chien, d’être homme
converti en un seul animal
à six pattes
la queue couverte de rosée

***
P. Neruda, Navegaciones y regresos , 1959

traduc perso
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Stttttél*
Envoyé mercredi 17 septembre 2003 - 22h01:   

et voilà, un texte de Neruda comme celui-là, ça te met parfaitement à l'aise pour écrire à ton tour, car tu sais que de toute façon, tu n'atteindras pas le centième du sens et de la force de ça, donc tu écris détendu, sans objectif, sans ambition, sans toise, sans rien, avec la conscience lucide de n'être rien. Quel bonheur et quelle richesse de possibles ! Rien. Nib. Nada. Niente. Nitchevo.
Pur sommet de la conscience. Arme absolue et invincible.

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Aglaé
Envoyé jeudi 18 septembre 2003 - 11h29:   

Ce texte est une merveille, et grâce à Stel, je le trouve assez encourageant. Le philosophe Alain dit qu'admirer, c'est égaler, mais cest un peu vrai qu'on est soulevé plus haut que soi-même et que c'est très agréable...
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aar
Envoyé jeudi 18 septembre 2003 - 21h02:   

chuis d'accord avec toi Steph. Neruda, ça rassure. On se sent bien. C'est comme si on avait un gros pull de laine dessus.
Et puis c'est écrit avec des mots de tous les jours, des petites phrases qui n'ont l'air de rien. On dirait qu'il nous parle, qu'on est avec lui, à côté.
(l'antipode de Char et de SJ Perse)
Neruda, c'est quand même quelqu'un qui , jeune, partait avec un cheval dans la montagne pour aller réciter de la poésie aux ouvriers des mines, dans ces villages de glaces et de tourbe. En ce temps ou mineur voulait dire esclave.

C'étai une autre époque. Et puis la guerre d'Espagne qu'il a fait avec les brigades internationnales (Malraux, Aragon, Huidodro, Paz, Vallejo etc...)

tiens puisque vous aimez, j'en mets un autre.

*Steph tu m'as toujours pas raconté comment les filles regardaient les garçons en Crimée, si elle avaient des jupes longues ou des jambes longues, si elle avaient des cerises dans le sourire... le plus important quoi . tu n'as rien raconté.

On attend, on palpite.
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Christiane
Envoyé samedi 20 septembre 2003 - 00h02:   

J'ai bu ce texte aussi
Merci. Votre traduction est si naturelle et belle!
Christiane

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