Les fous rires c'est pas drôle ! Log Out | Thèmes | Recherche
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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.10.2003 au 31.12.2003 » Les fous rires c'est pas drôle ! « précédent Suivant »

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Thierry
Envoyé samedi 18 octobre 2003 - 12h11:   

Le vent la décoiffe, elle sort du magasin, elle porte un manteau, elle porte un sac, trop lourd, qui tombe par terre, elle se penche pour le ramasser, elle est pressée, elle se bloque le dos, elle relâche le sac, elle hurle de douleur, elle n'est pas seule dans la rue, elle implore:
Quelqu'un prend une photo et la remercie.

C'est peut-être moi.
Je n'ai pas d'alibi, surtout pas de mémoire, il se pourrait qu'existe ainsi des zones, plus vastes encore, dont je doive me sentir coupable.

Il grimace, il voudrait hurler qu'il a mal, il se regarde dans la vitre brisée du magasin, il gesticule, il mime un personnage en quête d'auteur, il appelle à l'aide, la vendeuse le regarde faire, elle ne sait pas comment réagir, il fait fuir la clientèle, il attire les curieux, je viens de lui lancer un gros caillou sur le crâne, il perd son sang, il perd connaissance, il s'écroule. Je suis déjà loin sans doute puisque je suis ici.

J'aurais donc du sang sur les mains, depuis des années, sans qu'il ne coagule pourtant sur des blessures intimes?
J'en pose des questions, en fouillant le passé, le mien, par commodité.
J'ai dû courir longtemps. C'est ce qui explique que je sois vite essoufflé.

Il est allongé sur un sac-poubelle, il ronfle, emmitouflé, il bouge à peine, il pue, il n'est pas mort, il est sous une enseigne lumineuse SOLDES DE NOEL, il fait froid, l'enseigne clignote pauvrement, il a posé un récipient, il attend quelques pièces, on voit à peine son visage, on ne voit pas les pièces, il a une barbe hirsute, je ne suis pas rasé de près non plus, je ne crois pas en la proximité des corps et c'est ce que je cherche. Ni trop de solitude, ni trop d'indifférence.
Je fais toujours les cadeaux au dernier moment.

C'est le geste qui compte, j'en fais des gestes, qu'elles soient pensées contradictoires, mais ça ne compte pas, j'en fais des gestes, dans les poches, pour me réchauffer du froid glacial.

Le ciel s'est obscurci, j'attends le bus, en m'éloignant de l'ombre mourante qui se propage sous l'abribus."qu'est-ce que c'est que CA, putain?", c'est mon visage habituel, ce n'est que lui, je l'ai vite reconnu!
L'enseigne lumineuse plie sous le vent violent. Je monte dans le bus bondé.

La vie est bien plus vide encore quand les portes du bus se ferment sur l'obturation d'un cri.
Je n'ai pas de ticket. J'oublie toujours qu'il y a d'autres trajets.

C'est que j'étouffe aussi sous des couches de crasse, le naturel, comme des mesures fausses, chantée d'une voix morne.

J'ai des fous rires partout qui sonnent sur les partitions inachevées.
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Thierry
Envoyé samedi 18 octobre 2003 - 15h38:   

(version remaniée)

Noel aux portes de l'étrange

(Je fais toujours les cadeaux au dernier moment.
C'est le geste qui compte, j'en fais des gestes, qu'ils soient pensées contradictoires, mais ça ne compte pas, j'en fais des gestes, dans les poches, pour me réchauffer du vent glacial qui souffle.)



Elle sort du magasin, le vent la décoiffe, elle porte un sac, trop lourd, qui glisse de son avant-bras, elle se penche pour le ramasser, elle est pressée, elle se bloque le dos, elle hurle de douleur, elle n'est pas seule dans la rue, elle implore:
Quelqu'un, sur le trottoir d'en face, prend une photo et disparaît.

C'est peut-être moi: tout le possible tient parfois de minuscules scissions.
Je n'ai pas d'alibi, n'ayant que la mémoire, par bribes décousues.

Il grimace, il voudrait hurler qu'il a mal, il se regarde dans la vitre brisée du magasin, il gesticule, il mime un personnage en quête d'auteur, il appelle à l'aide, la vendeuse, à l'intérieur, ne sait pas comment réagir, il fait fuir la clientèle, il attire les curieux, il vient de recevoir une grosse pierre sur le crâne, il perd son sang, il perd connaissance, il s'écroule.

Le sang: le mien a dû coaguler sur les blessures intimes: croûtes d'oubli. Peaux mortes!

Il est allongé sur un vieux carton, il tousse, mal emmitouflé, il bouge à peine, il pue, il n'est pas mort, il est sous une enseigne lumineuse SOLDES DE NOEL, il fait froid, l'enseigne clignote, chétive, il a posé une soucoupe, pour les pièces, on voit à peine son visage, on ne voit pas les pièces, mais une barbe hirsute, je ne suis pas rasé de près non plus: je crois en la proximité des corps, quand on dérive des flux parallèles.

Je n'ai que les fous rires en guise d'empathie.
Je peux juste sentir qu'ils sont l'obturation d'un cri.
Sauvage.

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Gt
Envoyé dimanche 26 octobre 2003 - 04h13:   

Je préfère de beaucoup la première.
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Thierry
Envoyé jeudi 30 octobre 2003 - 13h52:   

Salut GT,

au début, j'aurais dit l'inverse, mais à la relecture, je suis aussi de ton avis, en fait...

Grrrr ;-))
Bise

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