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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.10.2003 au 31.12.2003 » Copie conforme « précédent Suivant »

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aar tatum
Envoyé lundi 20 octobre 2003 - 18h41:   

.

copie conforme


Je vous présente mon double
mon autre moi
mon calque
ma copie carbone
celui qui parle quand je voudrais parler
celui qui fume ma pipe quand je ne suis pas là.

mon double et moi, on est fait du même bois
du même partage
nos peines, nos feuilles, nos joies,
nos petits secrets

dans la rue,
c’est lui qui porte mes gants et mon chapeau
dans un roman
c’est moi le lecteur, c’est lui le héros

dans la vie
quand il faut pointer à l’atelier
à la morne routine des jours
il s’esquive
ni une ni deux
pour aller vagabonder les encoignures de la planète
terres de feu
canyons
sibéries secrètes

et je passe ma journée
à le chercher dans tout le fouillis du monde
pour le ramener à la maison
avec ses écharpes
et ses colorados

auprès des femmes
je le laisse faire il est meilleur que moi.
avec ses allures de prince russe désargenté
il vole tous les succès
tandis que moi, à la maison, je l’attends
en regardant la télé
ou avec une livre de Schopenhauer.

Mon double et moi on se ressemble
tellement qu’il est souvent difficile
de savoir lequel est lequel
l’original et la copie

Ce qui m’oblige périodiquement
à repiquer la copie
pour restaurer mon moi original,
(et inversement)

Dorénavant, pour nous identifier
et dissoudre tout quiproquo
quand mon double porte une chemise blanche
je mets une chemise rouge

.
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mary
Envoyé lundi 20 octobre 2003 - 19h48:   

Une beauté sobre !


P. S. très intéressant : "Moi et mon double " de Witold Gombrowicz : écrivain, provocateur et philosophe.


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Anonyme
Envoyé lundi 20 octobre 2003 - 23h40:   

Je m'infiltre d’un Double, vers un regard conv’nable
Aux gestes dans ma tête
A armes inégales
Que recouvre le temps

Aux noyades de rires… L'émail de l'enfance

Mes airs démocratiques…Dans leurs jouets d'adultes.

Au passé composé…D’instants de contorsions

Au prix de tout silence… Derrière chaque serrure

Aux portes sans issues
Au noir d’une maison
Les nuits de commissures
Les dents à fleur d’écume

Avec pour seul ennui, d’inavouables extases…
En vagues épidermes… L’odeur des plaisirs…

Et des genoux meurtris
Cachés sous une larme… Mélangée d’apparence
Au compte d’ordonnances…
Au compte de services

De l’aut’e coté d’moi-même
Cachée derrière un double…Pour une autre conv’nance

De l’aut’e coté d’ma tête
Pour me jouer d'adultes.

Qu’invisible au présent
L’autre âge me r’allume
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jml
Envoyé mardi 21 octobre 2003 - 02h33:   

j'aime beaucoup cette dualité et j'ai écouté du art tatum pour le lire.
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Witold
Envoyé mardi 21 octobre 2003 - 07h56:   

Chacun connaît sans doute cet état d'esprit qu'on éprouve au réveil (…)
Vous vous frottez les yeux, bouleversé jusqu'aux fonds des entrailles, révolutionné de haut en bas (…)
Quelque chose vous pousse, et pourtant vous ne bougez pas de votre place,
la vie répand en vous son flot tempétueux,
bat contre vos rivages,
et vos rivages perçoivent avec quelle force vous dressez,
baigné de sueur,
face à votre destin,
face à votre vie jetée en pâture aux chiens.

Vieux birbe,
anti-poétique et rigidifié,
je n'inspirai plus jamais de poèmes (…)
C'en était donc fini, une fois pour toutes,
finis les azurs et les lointains et l'incertitude(…)
Que me restait-il ?
Le travail, le travail - décrocher un poste par le travail pour au moins leur faire peur (…)

***
Il semblait qu'il n'y avait rien de plus difficile que d'être soi-même, ni plus ni moins.
ce mot impliquait une affreuse nudité.
D'ailleurs j'avais craché sur l'esprit et il s'était enfuit.

"Non, non - murmurai - je, recroquevillé et frémissant,
- je ne veux pas être moi-même.
Je préfère servir à quelque chose, servir quelque chose ou quelqu'un,
Il faut immédiatement, sans plus tarder,
trouver à servir, trouver de quoi se couvrir car il fait froid et c'est indécent.
Il faut, il faut servir."
1935

Witold Gombrowicz (1904-1969)
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aar
Envoyé mardi 21 octobre 2003 - 12h06:   

Merci Mary de cet extrait de Gombrowicz (un polonais ? )
On n'est pas provoquant du tout en disant le vrai.

"je ne veux pas être moi-même"

il n'a pas besoin de dire qu'il ne veut pas être lui-même, puisque personne n'est soi-même, puisque soi-même n'existe pas
n'est que le fruit, le résultat de croyances
des fragments de ceci de cela assemblés en tout hasard,
que des faux-semblants qu'on agite comme des grelots

mais chut..... il ne faut pas le dire,
on est tous des poètes

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Wolvess
Envoyé mardi 28 octobre 2003 - 16h14:   

J'ai vraiment aimé ce texte aussi, Aar. C'est vrai qu'il est écrit avec beaucoup de sobriété mais je l'ai lu voici quelques jours et je me suis surprise à y repenser plusieurs fois. Les images semblent me hanter. Je crois que c'est parce qu'elles représentent un thème universel, celui de la dualité en chacun d'entre nous.

Je tenais à te dire combien ce texte me plaît.

:-)

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