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Elisa Aguirre
| Envoyé mercredi 22 octobre 2003 - 16h15: | |
RESSENTI ROUGE Ma robe est blanche, une grosse tache rouge, au milieu, sur le devant. Du sang jailli d’une blessure, du jus de fraises ? de cerises ? Défloraison neuve ? A mesure que l’après-midi s’écoule et que le soleil monte, la tache s’étend, bientôt, toute ma robe va être couverte. J’ai froid, c’est humide. J’ai mal, encore. C’est le sang qui émane du cœur, en plein sexe. Suis-je simplement une femme qui souffre, rouge du sang versé ? Sont-ce des menstrues, mais non, c’est mon cœur qui saigne. Atteinte en profondeur, c’est mon sexe qui sanglote, comme un oignon de fleur rouge carmin. Suis-je la Chloé de Colin, perdé-je mon sang sans fin, vers la mort ? Suis-je en train de mourir ? Est-ce un viol moral ? Non, béatitude, parce qu’elles ne sont pls là, celles qui m’embêtent. Mon désir revient, plus chaud, sanguin, vivant, je me change, j’enfile un pantalon et un tee-shirt blancs. Juste une sensation, une pointe d’envie, je suis lavée et secouée par un trouble physique. Ce n’est que cela et tout cela à la fois. Bien vivante, émue. Envie de vivre. Une vague déferlante m’envahit. Le ciel est bleu. Et pourtant, j’ai encore mal. Mal de souffrance, de désir. Envie de rien, de montagnes, de sang qui coule, envie de me regarder, de me voir sanglante et jouissive. C’est agréable, cette jouissance, ça imprègne. Ca livre pieds et poings liés à l’autre, à l’homme qui ne me veut pas encore, mais je suis prête, j’oscille, comme une fleur marine, il remue, à l’intérieur, tout ce sang, c’est la vie qui m’ébranle. Quel plaisir ! Maintenant, je ne souffre plus. Je pleure, des larmes de feu, de désir. J’oscille, et sur ce fond de mer qui me parvient à travers mes artères, je trouve le fondement de moi-même, mon désir, à chaud. Le vent m’apporte une part du gâteau, des graines, licencieuses, des graines de souvenir, de présent, de futur, de vrai. Et en moi, les muscles se détendent, les hanches s’arrondissent, je suis comblée, joyeuse.
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Aglaé
| Envoyé mercredi 22 octobre 2003 - 17h59: | |
Je suis profondément troublée par ce texte, Elisa. Incapable d'en parler ce soir. Je t'embrasse A. |
   
Florent
| Envoyé mercredi 22 octobre 2003 - 19h48: | |
Ca submerge Comble Perce à nu Et ouvre Remué En profondeur Florent
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Elisa Aguirre
| Envoyé mercredi 22 octobre 2003 - 22h21: | |
Merci, Aglaé et Florent, mais je n'ai jamais écrit un texte aussi vrai et poétique (à mon avis) |
   
Aglaé
| Envoyé jeudi 23 octobre 2003 - 17h13: | |
Bien que je n'aime pas le mot lui-même, ressenti, il est aussi exact que possible pour la situation donnée. Car, il s'agit bien depuis les douleurs jusqu'au plaisir, depuis la tristesse jusqu'au bonheur des sensations si fortes, si contradictoires, qui accompagnent les heures qui précèdent, et qui suivent, le flot des règles mensuelles...et moi qui suis ménopausée depuis vingt ans, j'ai été suffoquée parl'inspiration très sensuelle d'Elisa. |
   
Elisa Aguirre
| Envoyé jeudi 23 octobre 2003 - 20h08: | |
Aglaé, ton message me touche beaucoup. Moi aussi, quand j'ai écrit ce texte, j'étais déjà ménopausée. Je ne sais pas d'où vient ce sang, si c'est celui des menstrues ou une sublimation (si l'on peut dire)après coup. En tout cas, les règles ont toujours été pour moi quelque chose de profondément lié à la vie sexuelle et même j'irais jusqu'à dire, à l'acte sexuel. (excusez-moi si je suis un peu impudique) |
   
Elisa Aguirre
| Envoyé jeudi 23 octobre 2003 - 20h54: | |
Excusez-moi, ça ne se dit pas. |
   
Aglaé
| Envoyé vendredi 24 octobre 2003 - 09h25: | |
Tout peut se dire avec talent et sincérité.Ce qui est impudique c'est la mollesse et la vulgarité.Là, c'est palpitant de vie, rien à regretter...Pourtant, Dieu sait si je critique souvent tes textes. Avec des bisous, bien entendu. Mais là: chapeau! |
   
Leezie
| Envoyé vendredi 24 octobre 2003 - 10h25: | |
tu es rouge tu es le pain et l'aube la pliure la transparence de rivière une eau d'été le restant du soleil tu noues des doigts les fils tu courbes leurs droites d'inclinaison sur ton dos achemine une étoffe à la mer comme du sang que tu allumes (bonjour et bisous, Elisa, Aglaé...bonjour Florent que je ne connais pas)) |
   
Sabynola
| Envoyé vendredi 24 octobre 2003 - 17h20: | |
Elisa D'abord bonjour Comme c'est bien cette façon de décrire la femme et le chant de son corps . Ca ressemble à mon avis à la rouge rose qui écloe Un petit bijoux que ce texte . Un souvenir terni, astiqué par tant de beauté de vérité et bercé par autant de sensualité, me fait presque regretter . J'adore ce texte ! Une étape de ma vie, une vision de mon corps que je ne regarderai plus jamais du même oeil . Merci Sabynola |
   
Elisa Aguirre
| Envoyé samedi 25 octobre 2003 - 20h08: | |
Sanobyla, je suis très satisfaite si j'ai pu te faire voir ton corps d'un oeil plus aimant. C'est surtout ça qui compte, je ne sais pas du tout quel âge tu as, mais l'important, c'est d'accepter ce qui est femme en soi(tu t'en doutes, j'ai l'impression d'enfoncer des portes ouvertes) Aglaé, encore merci, je suis vraiment contente, telle que je te connais, que tu aies apprécié ce texte. Ca prouve qu'il est vrai. Leezie, tu écris de très belles choses, et souvent, toi, veinarde !(moi aussi, ça m'arrive, en prose surtout) |
   
Wolvess
| Envoyé mardi 28 octobre 2003 - 16h27: | |
Je le trouve aussi vraiment très fort, presque violent, ce texte, Elisa. Certaines images sont magnifiques. J'aime particulièrement celle-ci : ..."mais je suis prête, j’oscille, comme une fleur marine, il remue, à l’intérieur, tout ce sang, c’est la vie qui m’ébranle."... qui évoque pour moi ces mystérieuses marées hormonales auxquelles nous sommes assujetties en tant que femmes. |
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