Le vaisseau des cèdres Log Out | Thèmes | Recherche
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stél, ou non, peu importe
Envoyé mardi 04 mars 2003 - 21h19:   

-- Le vaisseau des cèdres --



Feuilles protectrices.
M'enlever, couche par couche, film par film, pellicules plastiques qui recouvrent la voix.
Râles inhabituels. Pas ceux de l'agonie mais ceux qui nous viennent à nous, lorsque nous serrons dans nos bras quelque chose que nous aimons tant que nous n'y survivrons pas.

L'art conjoint des hommes et des aiguilles. Tendre le bras pour se taire.
Substance d'amour, étincelles animales au pli du coude. Je serre, je relâche, je te souris de tout près. Mon sang est une poche d'amour.
Il y a un cèdre et son écorce devient douce, charnelle, intelligente,
elle s'incurve sous la bouche, rit sous la joue, s'amuse à parler comme les hommes.

Je reçois plein d'objets dans la figure. Ceux que j'ai étreints si forts qu'ils ont pris un peu de moi et moi un peu d'eux. Ceux qui parlent mieux que moi.
Il y a un grand cèdre patient. Je l'ai connu déjà, dans le jardin de mon enfance. Ou bien la tienne. Ou bien aucune. Ou bien toutes.

Un moteur rugit. Je l'aime. Je l'aime parce qu'il fait trembler les lignes.
Je l'aime parce qu'il perce le papier. Je l'aime parce que dès qu'il y a un peu de lumière, on voit le fond de sa vie en transparence.

Soudain, nous sommes une voiture à friction lancée par un enfant, tellement patient qu'il l'a frottée pendant des années contre le sol. Des années entières à ramer dans l'odeur d'un arbre invisible. Des années entières à construire, vague par vague, le vaisseau du cèdre.

Soudain, je suis l'espace désamarré du temps. Un rayon saisi d'intelligence, un animal de lumière qui se met à commenter nos vies.

Loin, très loin, c'est à dire ici, il y a un enfant qui s'est mis en tête de grimper à un cèdre. Il rame en hauteur, non pas pour élever l'arbre, mais pour l'enfoncer, l'enfoncer dans le temps et dans la cargaison des bruits.
Tous les bruits. Tous les bruits autres que sa voix. Du moment qu'ils alternent la mélodie et le cri, comme les voyelles et les consonnes.

Vrillé dans ton chant, le mien, le tien, tous et aucun, l'arbre navigant taille des voiles dans le tissu des organes dont le monde n'a pas voulu.
Ceux que l'on trouve au bord de la Terre, cette lisière de chair qui fait que notre planète vue de l'espace pourrait ressembler à une fleur si on cligne des yeux à l'aube d'un matin d'amour.

Cela ressemble aux ronds de sorcière que fait la pluie sur la mer, quand on la regarde de la colline et qu'on se dit qu'on va sauter, un jour, demain, maintenant, sauter au centre du cercle d'écume, traverser le cerceau.
Cela ressemble à une goutte qui traverse un feu, à une salamandre qui tient une conférence dans les crépitements d'un monde en train de se transformer.

Sa voix. L'enfant rangée dans chaque aiguille pour qu'elle ne tombe pas.
Tant que durera l'odeur des femmes.
Tant que leurs échancrures se jetteront dans l'océan, le vaisseau des cèdres pourra naviguer.
Il suffit d'avoir le courage de se cueillir, de se détacher de l'arbre.

Agenouillée sur une branche, la forme de l'enfant ressemble à une flamme pétrie dans cette alchimie de filtres qui rend les démons sociables et porte les anges au rouge.
Chirurgie généreuse, incision qui ajoute des graves et des aigüs, je surprends le rictus des jardiniers, quand leur mâchoire semble prête à se déboîter pour parler enfin dans l'axe de leurs mots. Ils sont tendres et lavés de colère.
Car si l'art du meurtre est enseigné jusque dans les berceaux, aucune science n'a encore appris aux hommes à déglutir ceux qu'ils aiment.

Peut-être une simple pluie ? Peut-être une simple goutte pour décaler leur bouche, pour la gifler de carmin, pour faire sortir leur langue au printemps ?

En attendant, j'incline à la précision absolue de l'hertz, je tends à ne pas négliger ces nefs qui naviguent dans la poitrine, dans la gorge, dans les lattes des répons qui se croisent dans les cavités.
Je progresse vers la voix du centre. J'élargis la strangulation des harmoniques. Kyrie d'alcôve, magnificat des rideaux qui s'ouvrent sur d'autres rideaux. Chemin des ventres à épisodes, un pied puis l'autre, les chevilles qui portent des enfants ne vieillissent jamais.
Elles émeuvent, de plus en plus.

Le vaisseau des cèdres est un bal qui trempe dans le visage autour duquel tourne le soleil, autrement dit le véritable responsable des saisons.

Et dans notre coeur, nous savons qu'il n'y a vraiment pas de quoi s'inquiéter, que nos pleurs ne sont que l'effet Doppler d'un coeur qui se dilate.
Et les cèdres invisibles qui poussent sur les femmes sentent bon.

Car nous sommes, ensemble, un bateau qui sourit avec sa forme, un long et tendre baiser qui se déplace sur la mer.

04-03-2003
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Anonyme
Envoyé mardi 04 mars 2003 - 22h56:   

miraculeux

prodigieux de justesse

miroir

de l'autre côté du tain

toi

plus fragile que du cristal

même le cristal le plus épais

texte qui donne aux larmes une joie Alpiniste

indicible

c'est comme une permission de pouvoir regarder à travers la serrure du Soleil S

merci

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