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| Envoyé mercredi 24 décembre 2003 - 04h45: | |
à Céline Desmarais Ce soir j'ai trébuché sur de vieilles photos. Ta face était partout étalée sur le sol. Elle souriait aux anges et me glaçait le sang. Cinq ans déjà que tu es morte et je t'attends toujours comme on attend la mer à l'arrêt d'autobus en janvier sous zéro. Ailleurs, tout à côté, dans la crasse ou la soie, d'autres gens font l'amour. D'autres mots, d'autres mains prolongent leur bonheur. J'ai les bras toujours pleins de caresses et d'émois, les yeux mouillés de larmes, des baisers dans les doigts, des fourmis dans les jambes, la bouche pleine de rires qui se cassent les dents. J'ai toujours plein de mots amarrés à ta voix mais ils parlent à mon loup qui m'écoute en grognant "où est passée ta blonde?". Tu es toujours présente. Tu es toujours penchée à l'oreille des érables, à l'écoute des oiseaux, du sexe des bourgeons où vient mordre la sève. Tu allumes un soleil dans chaque épi de blé, un arc-en-ciel de fleurs sur chaque moue d'enfant. Au fond de mon silence ton visage ouvre en moi un abîme, un volcan. Je ne vois plus rien que tes bras qui m'échappent, mes phrases qui t'appellent avec acharnement, les bruits de la mort dans l'âme sous les rires assassins. Je ne suis plus moi mais l'instant qui te cherche. Avant que je n'oublie jusqu'au sens de mon corps je brise le futur à grands coups de mémoire. Jamais je ne ferai le deuil de cet amour qui fut nôtre. Mes mots les plus rebelles le prolongent de leurs mains jusqu'à la peau du ciel. |