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Cécile
| Envoyé mercredi 16 juin 2004 - 20h28: | |
Chers tous, en ce moment je lis beaucoup de poèsie mexicaine. je me suis dit qu'ouvrir un fil sur ce sujet pourrait être intéressant. Je vous présente une poètesse aux mots sensibles. Ulalume Gonzalez de Leon, née en 1932. Elle est mexicaine mais a été élevée à paris. Elle est retournée dans son pays mariée à un architecte. Elle est traductrice de poèsie française contemporaine mais aussi italienne, américaine et anglaise. Elle a édité en 1973 Plagio, Mexico. J'aime beaucoup ces mots.. Ils sont très intenses. C'est une très belle voix que j'ai l'honneur de vous présenter là. Tu ne saurais parler la langue des oiseaux la langue du vent la langue de la mer Il te manque n'est-ce pas l'esprit de la langue. Ce que dit la vague l'air le merle n'admet pas de discussion et toi tu tords et retords les mots Ulalume Gonzalez de Leon dans Poésie du Mexique, traduite et présentée par Jean-Clarence Lambert, éditions Unesco Actes du Sud,1988, page 149 CIEL ENTIER Un oiseau coupe le vent le temps Ce vertige en moi qui n'ai pas d'ailes mais des oiseaux Chacun de nous met une moitié de ciel. Ulalume Gonzalez de Leon dans Poésie du Mexique, traduite et présentée par Jean-Clarence Lambert, éditions Unesco Actes du Sud,1988, page 155 FEMME NOCTURNE Dans le soir je lis ton corps en Braille Il me paraît impossible de séparer fond et forme. Ulalume Gonzalez de Leon dans Poésie du Mexique, traduite et présentée par Jean-Clarence Lambert, éditions Unesco Actes du Sud,1988, page 154
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Cécile
| Envoyé jeudi 17 juin 2004 - 19h57: | |
Je vais vous faire un petit topo de ce que j'ai lu dans la très belle préface de Jean-Clarence Lambert dans Les poésies mexicaines, éditions Seghers, 1961. Il dit qu'il n'y a pas une mais des poésies méxicaines. Vous allez penser de suite : logique, il y a la poésie des anciens méxicains et la poésie des espagnols. Mais à première vue c'est beaucoup plus complexe que ça. En tout, Jean-Clarence Lambert compte 5 poèsie méxicaines, partagées dans deux sections : la poésie de l'ancien Méxique, c'est-à-dire la poésie indienne pré-cortésienne et la poésie du nouveau Méxique, la poésie post-cortésienne. Dans le Méxique ancien il y avait deux langues principales : le maya (dans le sud) et le nahuatl (dans le nord). Selon les chronologies, l'antériorité est donnée aux Mayas. Le nahualt ne s'est vraiment imposé qu'avec l'empire Aztèque. Mais les aztèques ont aussi hérités d'une autres civilisation, toltèque, originaire de l'altiplano. Il y adonc deux poèsie : celle de l'empire Aztèque et celle de l'empire Maya. Les documents mayas sont rares. ils ont été détruits par les évêques espagnols. La poésie nahualt est donc plus facile à trouver. Toutefois, les textes présentés datent tous du XVe ou du XVe siècles, longtemps après la chute de l'empire maya. Mais on imagine aisément que ces textes sont plus vieux, héritage de la culture orale. La troisème poésie du Méxique ancien nous vient de l'altiplano central : l'otomi. Mais cette poésie n'est pas beaucoup étudiée. Dans le Mexique nouveau, nous comptons deux poèsies. Jusqu'à la fin du XVIIe siècle nous avons affaire à une poésie de langue espagnol et qui organiquement était liée à cette poésie espagnole. A partir de la fin du XIXe siècle, nous assistons à la naissance de la poésie méxicaine indépendante. Pour la petite anecdote, nahualt signifie : "agréable à entendre". Pour les traducteurs c'est une langue très claire et donc pas difficile à traduire. La production poétique était essentiellement orale sous le Mexique ancien, les poèmes étaient chantés. Beaucoup étaient d'origine divine. Voilà, je m'arrête là pour aujourd'hui. La semaine prochaine, je vous présenterais quelques poèmes Nahualt lus dans ce formidable ouvrage de Jean-Clarence Lambert. En effet, les poèmes sont tous accompagnés de notes, ce qui nous permet de mieux les comprendre. Car bien évidemment nous ne connaissons pas toutes les divinités, les rites et coutumes de ce peuple disparu trop vite. |
   
Hélène
| Envoyé jeudi 17 juin 2004 - 20h17: | |
Merci cecile peux tu mettre un mail où te joindre je voudrais te demander quelque chose. merci |
   
cecile
| Envoyé jeudi 17 juin 2004 - 22h48: | |
Aussitôt dit, aussitôt fait |
   
Cécile
| Envoyé lundi 21 juin 2004 - 21h21: | |
J'ai promis des poèmes aztèques, mais revenant d'un grand we je n'ai pas le courage de vous les copier ce soir. Alors, je vous présente un autre très grand poète mexicain, Ali Chumacero. Voilà, je le trouve magnifique. Cécile DE L'AMOUREUSE RACINE Avant que le vent fût mer chavirée que la nuit eût attaché son vêtement de deuil que les étoiles et la lune eussent établi dans le ciel l'incandescence de leur corps. Avant que la lumière, ombre, montagne eussent vu se lever les âmes de leurs cimes, avant que quelque chose eût flotté sur l'air; temps avant le commencement. Quand l'espérance n'était pas encore née et que les anges n'erraient pas dans leur fixe blancheur; quand l'eau n'était pas même dans le savoir de dieu; avant, avant, bien avant. Quand il n'y avait pas encore de fleurs sur les sentiers parce qu'il n'y avait ni sentiers ni fleurs ; quand le ciel n'était bleu, ni rouge la fourmi : toi et moi nous étions déjà là. Ali Chumacero dans dans Poésie du Mexique, traduite et présentée par Jean-Clarence Lambert, éditions Unesco Actes du Sud,1988, page 47
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Ln aime l'aride
| Envoyé mardi 22 juin 2004 - 09h21: | |
sourire parce que je rencontre une fourmi et rouge! . ceux de francopolis savent que j'adore ces petites bêtes. plus sérieusement je vois une parenté entre cette poésie et celle des amérindiens . leur inspiration se ressemble mais peut être n'est ce que subjectivité crée par une proximité de ces peuples avec la nature, au moins par la culture.
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Cécile
| Envoyé mardi 22 juin 2004 - 21h02: | |
Alors à l'occasion je posterai des poèmes sur les fourmis (pas toujours rouges !) Pour ce qui est de la ressemblance avec des textes amérindiens... En effet, Ali Chumacero en est très proche. D'ailleurs, j'ai trouvé une autre traduction de ce texte ainsi que la version originale sur ce site : http://www.geocities.com/poesiamsigloxx/. C'est intéressant aussi les différentes traductions sur un même texte ! C'est passionnant ! Cela permet de rendre compte des différentes sensibilités de chacun. A propos quelle version préférez-vous ? Poema de amorosa raíz Antes que el viento fuera mar volcado, que la noche se unciera su vestido de luto y que estrellas y luna fincaran sobre el cielo la albura de sus cuerpos. Antes que luz, que sombra y que montaña miraran levantarse las almas de sus cúspides; primero que algo fuera flotando bajo el aire; tiempo antes que el principio. Cuando aún no nacía la esperanza ni vagaban los ángeles en su firme blancura; cuando el agua no estaba ni en la ciencia de Dios; antes, antes, muy antes. Cuando aún no había flores en las sendas porque las sendas no eran ni las flores estaban; cuando azul no era el cielo ni rojas las hormigas, ya éramos tú y yo. Poème de l'origine amoureuse Avant que le vent soit devenu mer renversée que la nuit ait revêtu ses vêtements de deuil et que les étoiles et la lune installent sur le ciel la blancheur de leur corps. Avant que la lumière, que l'ombre et que la montagne regardent se lever les âmes de leurs sommets; avant que quelque chose flotte dans l'air; le temps avant le début. Quand l'espérance n'était pas encore née et que les anges n'erraient pas encore dans leur constante blancheur; quand l'eau n'était pas encore dans la science de Dieu; avant, avant, plus avant. Quand il n'y avait pas de fleurs dans les sentiers parce qu'il n'y avait pas de sentiers et que les fleurs n'existaient pas; quand le ciel n'était pas bleu ni les fourmis rouges, nous étions toi et moi.
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Cécile
| Envoyé mercredi 23 juin 2004 - 23h59: | |
Secret « Le gentil page vous dira qu’après avoir lu votre message je l’ai déchiré pour ne pas révéler son secret. J’ai même fait plus, je vous assure, puisque j’ai aussi avalé bravement les morceaux de papier car je respecte les secrets et même en morceaux je les veux près de mon cœur. » Sor Juana Ines de La Cruz dans Ecrits profanes En faisant une recherche sur le web "Sor Juana Ines de la Cruz" et bien je suis arrivée sur des sites lesbiens, car notre soeur était bien moderne !!! Sacrée soeur ! Elle était amoureuse et a dédié des poèmes à l'élue de son coeur qui n'était autre que la vice reine marquise de Laguna, la divine Lysi ! Elle compte parmi les grands personnage du Mexique (elle a même des billets de banque et des timbres postaux avec son portrait) Voici une biographie vu sur un site mexicain et un article suivi de 2 poèmes à Lysi, trouvé sur un site lesbien bien entendu : http://perso.wanadoo.fr/saphisme/siecle17/juana.ht ml
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Cécile
| Envoyé lundi 28 juin 2004 - 22h11: | |
Le Nahuatl Il me semble que nous ne pouvons pas parler de la poésie méxicaine contemporaine sans avoir au préalable voyager dans le temps. Le nahuatl était la langue parlée par les aztèques qui vivaient dans l'actuelle vallée de Mexico. L'empire aztèque était très important, la capitale en était Tenochtitlan, citée lacustre. Signalons au passage que dans cet empire le nahuatl était la langue officielle mais cohabitaient de nombreux peuples aux idiomes différents. Pour comprendre la poésie nahuatl il y a quelques principes à retenir. Tout d'abord, précisons que c'est une langue relativement claire très facile pour les traducteurs. Les aztèques ne maitrisaient pas l'alphabet, la poésie était donc essentiellement orale et surtout chantée accompagnée de musique et de danses. La poésie pour les anciens mexicains occupait une place très importante. Elle était d'origine divine, elle était un don des dieux "le vent qui vient des dieux". Ceci implique donc que la parole des poètes était de première importance et on ne pouvait pas la réfuter, car il était celui qui révélait la vérité sur terre. Ensuite en ce qui concerne la technique à proprement parlé, voici quatre points essentiels : - le nahuatl a une vocalisation constante des sons essentiels - absence des gutturales et des nasales - composition des mots par juxtaposition et incorporation. Les syllabes sont modifiées quand la concision et l'euphonie l'exigent - une extrême concision, c'est à dire qu'un seul mot était utilisé pour tout une idée ou une métaphore. Par exemple un mot pouvait avoir 20 lettres et plus. En ce qui concerne la construction des poèmes, c'est un peu comme les poèmes français mais le compte ne se fait pas sur les syllabes mais sur les accents. En ce qui concerne les thèmes abordés, la poésie aztèque est très marquée par la croyance des dieux. Les aztèques vivaient sous l'emprise de la religion. Beaucoup de poèmes étaient dédiés à Quetzalcoatl ou le serpent à plume (ce dieu est monté dans le ciel est a pris la forme de Venus. La légende disait qu'il reviendrait sous une apparence et avec la peau blanche, voici pourquoi les anciens mexicains ont pris les espagnols pour des dieux), Huitzilopochtli, ou le dieu colibri, ou encore le 5ème soleil (ce dieu se nourissait de sang, dit le nectar des dieux, si les hommes le nourrissaient mal, la fin du monde était fatale. Pour célébrer Huitzilopochtli, les anciens mexicains ont sacrifiés 20000 personnes en une journée. Les espagnols disaient que la civilisation aztèque était l'oeuvre du diable.) pour nourrir ce dieu, les aztèques pratiquaient la guerre fleurie. les prisonniers de guerre étaient sacrifiés en son honneur. Mais ils ont aussi chanté d'autres divinité comme Itzpapalotl (la femme serpent) qui personnifie la terre, Xochipilli, le seigneur des fleurs (dieu des jeux, dans et sport) Signalons au passage que les fleurs, le colibri er le papillon représentaient des symboles de l'âme. Enfin, un poète très important sous l'empire aztèque, il s'agit du roi Nezahualcoyoth. il avait crée dans son palais une vaste université poétique et philosophique. Il avait des idées contraires à ses contemporains et se désolait du devenir de la condition humaine. Il avait d'autres idées en matière de religion et avait fait construire un temple pour célébrer un dieu sans nom et sans figure. Les dons pour ce dieu étaient constitués de plumes et d'or. Dans les poèmes de Nezahualcoyoth né une nouvelle forme de poésie, car on commence a y parler de l'homme et de la souffrance humaine.
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Cécile
| Envoyé lundi 05 juillet 2004 - 21h09: | |
Il vient, il vient, le papillon. il vient, volant ailes éployées. Il vient sur les fleurs, il butine. Qu'il soit heureux ! Son coeur s'ouvre ! Il est une fleur. Anonyme (XVème siècle) dans Il vient, il vient, le papillon, éditions Paupières de terre, page 43
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