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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Poésie du monde » P.Jacottet « précédent Suivant »

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aar
Envoyé vendredi 18 mars 2005 - 15h57:   

Ainsi écoute-t-on la voix de ces moines
qui vivaient sur le toit du monde
au fond de temples pareils à des forts
dressés sur le passage des vents inconnus
dont leurs conques ramassent la violence.

Leur gong tonne
ou c’est un glacier qui se fend.

Eux-même chantent de la voix la plus puissante
et la plus basse entendue,
on croirait des bœufs ruminant leurs psaumes
attelés à plusieurs pour labourer sans relâche
le champ coriace de l’éternité.

Erraient-ils, à tirer ainsi leur charrue à soc de glacier
de l’aube au soir ?

Leur voix à la mesure des montagnes
les tenaient-elle en respect ?

(On les écoute maintenant de loin,
nous les bègues à la voix brisée,
dispersée comme paille au moindre souffle.)

---

De « Le mot joie ».
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lafourmi
Envoyé vendredi 18 mars 2005 - 18h10:   

Il me semble qu'un destin nouveau commencera pour la poésie le jour où elle sera aussi répandue par le disque que par le livre. Presque tous les poèmes , en effet, sont conçus comme une sorte de musique ( mais une musique où la pensée et les images jouent le premier rôle) . Chez Baudelaire, qui était si sensible aux parfums, chaque poème est vraiment comme un flacon où seraient enfermés les plus voluptueux et les plus vastes souvenirs . Cela tient à un art suprême du choix des mots, de la structure de la phrase, de la combinaison des images et des idées . De sorte que le lecture d'un seul de ses poèmes , pris au hasard, ou d'une brève suite comme le voyage suffit pour brusquement illuminer notre scène intérieure, nourrir, modifier, faire vibrer notre vie cachée .

Si on ne lui demande pas une histoire, une explication, même une évasion hors de la réalité , si on comprend au contraire que chaque beau poème est l'expression d'un moment de particulière intensité chez celui qui l'a écrit, alors sa lecture reprend un sens . Il faut évidemment accepter une condition préalable qui, elle aussi est un défi à notre époque : celle de l'arrêt . Il faut suspendre un instant le tourbillon de l'action, le mouvement de notre hâte inquiète, assourdissante, s'immobiliser et laisser s'ouvrir cette étrange promesse comme on voit s'ouvrir une graine .
( écrit entre 1956 et 1964 pour billets pour " la Béroche " journal suisse)

j'aime beaucoup Jaccottet dont on dit qu'il sera parmi ceux qui resteront comme ayant marqué leur époque
que d'espérance , que de consolation !

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Cécile
Envoyé vendredi 18 mars 2005 - 19h22:   

TOUT N’EST PAS DIT
Croire que « tout a été dit » et que « l’on vient trop tard » est le fait d’un esprit sans force, ou que le monde ne surprend plus assez. Peu de choses, au contraire, ont été dites comme il le fallait, car la secrète vérité du monde est fuyante, et l’on peut ne jamais cesser de la poursuivre, l’approcher quelquefois, souvent de nouveau s’en éloigner. C’est pourquoi, il ne peut y avoir de répit à nos questions, d’arrêt dans nos recherches, c’est pourquoi nous ne devrions jamais connaître la mort intérieure, celle qui survient quand nous croyons, à tort, avoir épuisé toute possibilité de surprise. Si nous cédons à ce désabusement, bien proche du désespoir, c’est que nous ne savons plus voir ni le monde en dehors de nous, ni celui que nous contenons, c’est que nous sommes inférieurs à notre tâche (…)
Quiconque s’enfonce assez loin dans sa sensibilité particulière, quiconque est assez attentif à la singularité de son expérience propre, découvre des régions nouvelles ; et il comprend aussi combien il est difficile de décrire à d’autres les pas effrayés ou enchantés qu’il y fait.
Philippe Jaccottet, Tout n’est pas dit, Le temps qu’il fait, 1994, p. 128.

Je crois n’avoir pas fait autre chose que creuser ainsi, tout près de moi ; refusant au souci de la mort de me faire lâcher mon outil.
Philippe Jaccottet, Nuages, Fata Morgana, 2002, p. 12.

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hélène
Envoyé vendredi 18 mars 2005 - 20h39:   

Et s'il y avait un " intérieur" des fleurs par quoi ce qui nous est le plus intérieur les rejoindrait , les épouserait ?

Elle vous échappent; ainsi elles vous font échapper ; ces milliers de clefs ds champs .

Pourrait-on en venir à dire que , si l'on voit, dès lors que l'on voit, on voit plus loin, plus loin que le visible ( malgré tout ) ?

ainsi, par les brèches frêles des fleurs .

Et,néanmoins Gallimard 2001
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Cécile
Envoyé vendredi 18 mars 2005 - 23h40:   

Quelques liens intéressants...

http://www.culturactif.ch/ecrivains/jaccottet.htm

http://www.maulpoix.net/jaccottet.html

http://www.chantiers.org/jaccottet.htm

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Juliette
Envoyé lundi 18 avril 2005 - 14h59:   

Autant de routes où je m'engage, où je dévie ; il faudrait moins se souvenir et moins rêver.
Quelque chose de lointain et de profond se passe : comme un travail en plein sommeil. La terre n'est pas un tableau fait de surfaces, de masses, de couleurs ; ni un théâtre où les choses auraient été engagées pour figurer une autre vie que la leur. Je surprends un acte, un acte comme l'eau qui coule. Ou même moins encore : une chose qui serait vraiment là ; peut-être un acte qui ne serait pas un spectre d'acte, qui ne ressemblerait plus à nos mouvements égarés.

L'ombre, le blé, le champ, et ce qu'il y a sous la terre. Je cherche le chemin du centre, où tout s'apaise et s'arrête. Je crois que ces choses qui me touchent en sont plus proches.
Une barque sombre, chargée d'une cargaison de blé. Que j'y mont, que je me mêle aux gerbes et qu'elle me fasse descendre l'obscur fleuve ! Gagnge qui bouge sur les eaux.
J'embarque sans mot dire ; je ne sais pas où nous glissons, tous feux éteints. Je n'ai plus besoin du livre : l'eau conduit.
A la dérive.
Or, rien ne s'éloigne, rien ne voyage. C'est une étendue qui chauffe et qui éclaire encore après que la nuit est tombée. On a envie de tendre les mains au-dessus du champ pour se chauffer.
(Une chaleur si intense qu'elle n'est plus rouge, qu'elle prend la couleur de la neige.)
On est dans le calme, dans le chaud. Devant l'âtre. Les arbres sont couverts de suie. Les huppes dorment. On tend au feu des mains déjà ridées, tachées. Les enfants, tout à coup, ne parlent plus.
C'est juste ce qu'il faut pour attacher le jour à la nuit, cette ombre (ou ici cette lumière) qu'il faut que les choses portent, l'une sur l'autre pour tenir toutes ensemble sans déchirure. C'est le travail de la terre endormie, une lampe qui ne sera pas éteinte avant que nous ne soyons passés.

Philippe Jaccottet
passage cueilli dans "Bois et blés"
à cheminer dans "Paysages et figures absentes"
éditions Poésie/Gallimard


vous dénicherez un entretien intéressant avec Philippe Jaccottet sur ce site
http://www.culturactif.ch/entretiens/jaccottet.htm

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