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  AR_d_N
  | | Envoyé mercredi 01 mars 2006 - 20h28:    |  |  
  La Chanson du Mal-aimé                                 à Paul Léautaud.                                 Et je chantais cette romance                               En 1903 sans savoir                               Que mon amour à la semblance                               Du beau Phénix s'il meurt un soir                               Le matin voit sa renaissance.    Un soir de demi-brume à Londres  Un voyou qui ressemblait à  Mon amour vint à ma rencontre  Et le regard qu'il me jeta  Me fit baisser les yeux de honte    Je suivis ce mauvais garçon  Qui sifflotait mains dans les poches  Nous semblions entre les maisons  Onde ouverte de la Mer Rouge  Lui les Hébreux moi Pharaon    Oue tombent ces vagues de briques  Si tu ne fus pas bien aimée  Je suis le souverain d'Égypte  Sa soeur-épouse son armée  Si tu n'es pas l'amour unique    Au tournant d'une rue brûlant  De tous les feux de ses façades  Plaies du brouillard sanguinolent  Où se lamentaient les façades  Une femme lui ressemblant    C'était son regard d'inhumaine  La cicatrice à son cou nu  Sortit saoule d'une taverne  Au moment où je reconnus  La fausseté de l'amour même    Lorsqu'il fut de retour enfin  Dans sa patrie le sage Ulysse  Son vieux chien de lui se souvint  Près d'un tapis de haute lisse  Sa femme attendait qu'il revînt    L'époux royal de Sacontale  Las de vaincre se réjouit  Quand il la retrouva plus pâle  D'attente et d'amour yeux pâlis  Caressant sa gazelle mâle    J'ai pensé à ces rois heureux  Lorsque le faux amour et celle  Dont je suis encore amoureux  Heurtant leurs ombres infidèles  Me rendirent si malheureux    Regrets sur quoi l'enfer se fonde  Qu'un ciel d'oubli s'ouvre à mes voeux  Pour son baiser les rois du monde  Seraient morts les pauvres fameux  Pour elle eussent vendu leur ombre    J'ai hiverné dans mon passé  Revienne le soleil de Pâques  Pour chauffer un coeur plus glacé  Que les quarante de Sébaste  Moins que ma vie martyrisés    Mon beau navire ô ma mémoire  Avons-nous assez navigué  Dans une onde mauvaise à boire  Avons-nous assez divagué  De la belle aube au triste soir    Adieu faux amour confondu  Avec la femme qui s'éloigne  Avec celle que j'ai perdue  L'année dernière en Allemagne  Et que je ne reverrai plus    Voie lactée ô soeur lumineuse  Des blancs ruisseaux de Chanaan  Et des corps blancs des amoureuses  Nageurs morts suivrons-nous d'ahan  Ton cours vers d'autres nébuleuses    Je me souviens d'une autre année  C'était l'aube d'un jour d'avril  J'ai chanté ma joie bien-aimée  Chanté l'amour à voix virile  Au moment d'amour de l'année    - AUBADE -   CHANTÉE A LÆTARE, UN AN PASSÉ    C'est le printemps viens-t'en Pâquette  Te promener au bois joli  Les poules dans la cour caquètent  L'aube au ciel fait de roses plis  L'amour chemine à ta conquête    Mars et Vénus sont revenus  Ils s'embrassent à bouches folles  Devant des sites ingénus  Où sous les roses qui feuillolent  De beaux dieux roses dansent nus    Viens ma tendresse est la régente  De la floraison qui paraît  La nature est belle et touchante  Pan sifflote dans la forêt  Les grenouilles humides chantent    - -     Beaucoup de ces dieux ont péri  C'est sur eux que pleurent les saules  Le grand Pan l'amour Jésus-Christ  Sont bien morts et les chats miaulent  Dans la cour je pleure à Paris    Moi qui sais des lais pour les reines  Les complaintes de mes années  Des hymnes d'esclave aux murènes  La romance du mal aimé  Et des chansons pour les sirènes    L'amour est mort j'en suis tremblant  J'adore de belles idoles  Les souvenirs lui ressemblant  Comme la femme de Mausole  Je reste fidèle et dolent    Je suis fidèle comme un dogue  Au maître le lierre au tronc  Et les Cosaques Zaporogues  Ivrognes pieux et larrons  Aux steppes et au décalogue    Portez comme un joug le Croissant  Qu'interrogent les astrologues  Je suis le Sultan tout-puissant  O mes Cosaques Zaporogues  Votre Seigneur éblouissant    Devenez mes sujets fidèles  Leur avait écrit le Sultan  Ils rirent à cette nouvelle  Et répondirent à l'instant  A la lueur d'une chandelle    - RÉPONSE DES COSAQUES ZAPOROGUES AU SULTAN DE CONSTANTINOPLE -     Plus criminel que Barrabas  Cornu comme les mauvais anges  Quel Belzébuth es-tu là-bas  Nourri d'immondice et de fange  Nous n'irons pas à tes sabbats    Poisson pourri de Salonique  Long collier des sommeils affreux  D'yeux arrachés à coup de pique  Ta mère fit un pet foireux  Et tu naquis de sa colique    Bourreau de Podolie Amant  Des plaies des ulcères des croûtes  Groin de cochon cul de jument  Tes richesses garde-les toutes  Pour payer tes médicaments    - -     Voie lactée ô soeur lumineuse  Des blancs ruisseaux de Chanaan  Et des corps blancs des amoureuses  Nageurs morts suivrons-nous d'ahan  Ton cours vers d'autres nébuleuses    Regret des yeux de la putain  Et belle comme une panthère  Amour nos baisers florentins  Avaient une saveur amère  Qui a rebuté nos destins    Ses regards laissaient une traîne  D'étoiles dans les soirs tremblants  Dans ses yeux nageaient les sirènes  Et nos baisers mordus sanglants  Faisaient pleurer nos fées marraines    Mais en vérité je l'attends  Avec mon coeur avec mon âme  Et sur le pont des Reviens-t'en  Si jamais revient cette femme  Je lui dirai Je suis content    Mon coeur et ma tête se vident  Tout le ciel s'écoule par eux  O mes tonneaux des Danaïdes  Comment faire pour être heureux  Comme un petit enfant candide    Je ne veux jamais l'oublier  Ma colombe ma blanche rade  O marguerite exfoliée  Mon île au loin ma Désirade  Ma rose mon giroflier    Les satyres et les pyraustes  Les égypans les feux follets  Et les destins damnés ou faustes  La corde au cou comme à Calais  Sur ma douleur quel holocauste    Douleur qui doubles les destins  La licorne et le capricorne  Mon âme et mon corps incertain  Te fuient ô bûcher divin qu'ornent  Des astres des fleurs du matin    Malheur dieu pâle aux yeux d'ivoire  Tes prêtres fous t'ont-ils paré  Tes victimes en robe noire  Ont-elles vainement pleuré  Malheur dieu qu il ne faut pas croire    Et toi qui me suis en rampant  Dieu de mes dieux morts en automne  Tu mesures combien d'empans  J'ai droit que la terre me donne  O mon ombre ô mon vieux serpent    Au soleil parce que tu l'aimes  Je t'ai menée souviens-t'en bien  Ténébreuse épouse que j'aime  Tu es à moi en n'étant rien  O mon ombre en deuil de moi-même    L'hiver est mort tout enneigé  On a brûlé les ruches blanches  Dans les jardins et les vergers  Les oiseaux chantent sur les branches,  Le printemps clair l'avril léger    Et moi j'ai le coeur aussi gros  Qu'un cuI de dame damascène  O mon amour je t'aimais trop  Et maintenant j'ai trop de peine  Les sept épées hors du fourreau    Sept épées de mélancolie  Sans morfil ô claires douleurs  Sont dans ton coeur et la folie  Veut raisonner pour mon malheur  Comment voulez-vous que j'oublie    - LES SEPT ÉPEES -     La première est toute d'argent  Et son nom tremblant c'est Pâline  Sa lame un ciel d'hiver neigeant  Son destin sanglant gibeline  Vulcain mourut en la forgeant    La seconde nommée Noubosse  Est un bel arc-en-ciel joyeux  Les dieux s'en servent à leurs noces  Elle a tué trente Bé-Rieux  Et fut douée par Carabosse    La troisième bleu féminin  N'en est pas moins un chibriape  Appelé Lul de Faltenin  Et que porte sur une nappe  L'Hermès Ernest devenu nain    La quatrième Malourène  Est un fleuve vert et doré  C'est le soir quand les riveraines  Y baignent leurs corps adorés  Et des chants de rameurs s'y trainent    La cinquième Sainte-Fabeau  C'est la plus belle des quenouilles  C'est un cyprès sur un tombeau  Où les quatre vents s'agenouillent  Et chaque nuit c'est un flambeau    La Sixième métal de gloire  C'est l'ami aux si douces mains  Dont chaque matin nous sépare  Adieu voilà votre chemin  Les coqs s'épuisaient en fanfares    Et la septième s'exténue  Une femme une rose morte  Merci que le dernier venu  Sur mon amour ferme la porte  Je ne vous ai jamais connue    - -     Voie lactée ô soeur lumineuse  Des blancs ruisseaux de Chanaan  Et des corps blancs des amoureuses  Nageurs morts suivrons-nous d'ahan  Ton cours vers d'autres nébuleuses    Les démons du hasard selon  Le chant du firmament nous mènent  A sons perdus leurs violons  Font danser notre race humaine  Sur la descente à reculons    Destins destins impénétrables  Rois secoués par la folie  Et ces grelottantes étoiles  De fausses femmes dans vos lits  Aux déserts que l'histoire accable    Luitpold le vieux prince régent  Tuteur de deux royautés folles  Sanglote-t-il en y songeant  Quand vacillent les lucioles  Mouches dorées de la Saint-Jean    Près d'un château sans châtelaine  La barque aux barcarols chantants  Sur un lac blanc et sous l'haleine  Des vents qui tremblent au printemps  Voguait cygne mourant sirène    Un jour le roi dans l'eau d'argent  Se noya puis la bouche ouverte  Il s'en revint en surnageant  Sur la rive dormir inerte  Face tournée au ciel changeant    Juin ton soleil ardente lyre  Brûle mes doigts endoloris  Triste et mélodieux délire  J'erre à travers mon beau Paris  Sans avoir le coeur d'y mourir    Les dimanches s'y éternisent  Et les orgues de Barbarie  Y sanglotent dans les cours grises  Les fleurs aux balcons de Paris  Penchent comme la tour de Pise    Soirs de Paris ivres du gin  Flambant de l'électricité  Les tramways feux verts sur l'échine  Musiquent au long des portées  De rails leur folie de machines    Les cafés gonflés de fumée  Crient tout l'amour de leurs tziganes  De tous leurs siphons enrhumés  De leurz garçons vêtus d'un pagne  Vers toi toi que j'ai tant aimée    Moi qui sais des lais pour les reines  Les complaintes de mes années  Des hymnes d'esclave aux murènes  La romance du mal aimé  Et des chansons pour les sirènes    Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)  
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  aglaé
  | | Envoyé jeudi 02 mars 2006 - 09h14:    |  |  
  Mon coeur et ma tête se vident   Tout le ciel s'écoule par eux   O mes tonneaux des Danaïdes   Comment faire pour être heureux   Comme un petit enfant candide     magnifique cadeau pour toute la journée!!  merci...et en plus, j'avais oublié la dédicace à paul léautaud que je trouve surprenante;;;;  J'IMPRIME!!!!!    Aglabisous une fois de plus |  
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