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Noel chaque jour
Envoyé jeudi 12 février 2004 - 22h39:   

Je me rappelle …. .

L’’attente du début de ce mois d’août , là nos parents nous laissaient un mois entier ma cousine et moi auprès de notre grand-mère dans cette maison de Caussols .
Une maison de plain-pied dans un champ nous paraissant immense , il nous semblait partir dans un grand voyage en naufragés volontaires .
Nous n’étions pas abandonnés , non ,
c’est nous qui nous enfoncions vers l’aventure .

Calern , le fauve endormi .

Sur le pas de la maison , devant nos yeux , s’étalait comme un fauve endormi , une montagne , comme aucune autre a mes yeux ,
aux mille mystères , avec des rochers semblant sentinelles , des arbres comme tombés du ciel . Elle était composée de deux parties . Une première terminée par un immense rocher semblant une frange de rocker adolescent . Une seconde semblant trois fois plus grosse , trois fois plus loin , comme un écho amplifié qui aurait perdu de ses couleurs et détails et puis ….. Son château fort ….
Tous les matins , fut un temps , nous partions à son assaut .
Après à peine plus d’une demi heure , je l’escaladais et montais à son zénith . Là je me sentais fier chevalier les bras en croix , face au vent , yeux fermés .

Je l’avais vaincu , citadelle moderne , le château d’eau ….

Une fois avec grand-mère nous avions décidé de monter tout en haut , tout en haut , tout droit , traçant notre propre chemin .
Une fois la première partie vaincue , il y avait , à ma grande surprise , comme une vallée, un petit monde invisible . Cela me paraissait étrange de descendre pour remonter ensuite . M’enfin doucement , lentement , nous nous attaquions à cette seconde montagne , comme le feraient deux explorateurs devant la vue de territoires encore vierges .
Là , doucement , lentement nous regardions juste le devant de nos pieds , pas trop en haut , pas trop en bas . De buissons en pierres , de petites racines en touffes de thym , on savait qu’on allait y arriver . Déjà parce qu’il nous paraissait impossible de faire demi tour
, pour l’orgueil d’une part , mais surtout pour l’équilibre .
Les insectes croisés , je leur parlais , je les sentais accourir à mon passage , trop fascinés qu’ils étaient d’apercevoir des monstres pareils , jamais vu ou imaginé de mémoire d’insecte . J’etais trop fier de ma célébrité soudaine à ce moment là . J’ai pensé leur faire le coup de la pluie tropicale, il consistait à conjuguer l’envie de faire pipi et d’imaginer les scénarii de films catastrophes élaborés en toute hâte dans la panique de tels évènements au sein de ce mini monde . Je n’avais pas trop d’inspiration à l’époque et je pensais que leurs répliques variaient guère du « agloup , agloub , au secours je me noie ! « . Il ne m’a pas fallu beaucoup réfléchir pour constater que l’assise de mes pieds ne m’offrait pas mille solutions que de faire pipi devant moi , là où obligatoirement j’allais mettre les mains , peu de solutions m’étaient donc offertes pour ce qui était de mes possibilités d’angles de tirs . Puis finalement , je préférais les saluer , en tant que nouveau monarque établi autant ne pas trop décevoir tout mon royaume prosterné …

Ce qui fut sublime , c’est la sensation de l’arrivée , tout en haut .
Pour un enfant , une montagne c’est un peu comme quand on imaginait le bout du monde quand on ne savait pas que la terre était plate , arrivé au bout on tombe de l’autre coté . Là non , devant nous l’ascension terminée , il y avait tout un monde abandonné , c’était presque tout plat à perte de vue , cela me paraissait impossible . Pour moi une montagne dans la logique ,cela devait être une montée , une descente , là non !
Quand je suis en haut d’une montagne , toujours je cherche soit ma maison , la voiture de mes parents ou autre chose qui nous appartienne , à chaque fois je me dis que je suis bien loin de pouvoir intervenir si un malfaisant ou un cambrioleur faisait son apparition . Je palliais à ce sentiment d’impuissance en voyant les petites fourmis qu’étaient d’autres hommes , du coup je me sentais bien plus grand , bien moins ridicule ,
pour de bon .

Les gens qui viennent a son sommet ( mais est-ce vraiment un sommet si c’est plat ? ) ne se lancent pas dans un périple pareil au notre .
Soit ils font un détour à partir du GR un peu plus bas ( mais est-ce que les gens qui prennent un GR prennent le temps et perdent leur concentration sur leur loisir favori , le suivi attentionné du balisage ? ) ,
soit ( et ils ne sont pas si bêtes ) ils partent du plateau d’observation astronomique en tranquille ballade digestive .
La crête de Calern est symbolisée par une antenne , en fait n’importe qui arrivé là se dit qu’il est atteint le but , l’aboutissement , il pousse un grand soupir les mains sur les hanches et hop , décide qu’il est grand temps de rentrer .

Ne dites jamais à personne que des sensations merveilleuses peuvent les attendre en redescendant vers nulle part vers l’ouest . Là les fossiles se retournent avant votre passage pour que vous puissiez les voir .
Puis il y a un chant … celui des grandes herbes courbés vers le nord …
Chaque une d’entre elles chante sa note presque en criant , un vent puissant les enrobent . Lorsqu’on ferme les yeux, pour ne plus déterminer quelle note a quelle herbe , tout se fond harmonieusement ,
moment frissonnant celui là , pas que de froid ….

Il y a aussi .. la grotte de la vierge , invisible pour les suiveurs assidus de balisages . Avec mes yeux d’enfants , ce fut magique la toute première fois . Une madone debout dans la douce lumière du soleil qui se faufilait entre les pierres . Autour de nous des stalactites semblant des bras tendus du ciel , et des stalagmites , des prières qui y montent .
Griffonnés , au milieu de quelques pièces érodées , il y avait des bouts de papiers parsemés , dessus quelques prières et messages d’amours .
La moitié des mots étaient effacés , ces papiers semblaient des papillons fragiles aux ailes vibrantes attendant dans leur décomposition
leur envol ,
Quelques années plus tard , la grotte n’était plus habillée de magie , des méchants abrutis s’était servis de ses doigts de pierres , du coup la lumière n’était plus la même , les papillons n’existaient plus ,
la bêtise avait pris le dessus sur un lieu tout amour .


Les enfants du voisinage

Pendant que ma cousine partait des journées entières avec d’autres cousines refaire le monde à l’échelle des poupées .
Je m’échappais de mon coté chez mon cousin Philippe .
Nous avions deux activités principales bien éloignées de la fadeur des jeux de filles .
Dans un bosquet derrière chez lui , il y avait une immense fourmilière ; Souvent , après s’être mutuellement galvanisés , nous partions dans sa direction plein de courage avec l’âme de belliqueux croisés fier d’accomplir une noble cause , limiter la possibilité qu’elle puisse nous envahir un jour . Il nous ait arrivé de l’ attaquer à l’alcool a brûler et faire des petits feux , qui n’était de joie que pour nous . Sinon souvent c’était seulement des attaques en règle, avec un bâton ou un coup de pied qui semait une débandade remarquable . Notre enthousiasme de fiers guerriers était souvent altéré par le pincement d’une fourmi pas impressionnée du tout . Sinon dés que nous pouvions et après avoir bien évalué les dégâts provoqués , nous nous échappions avec la satisfaction d’avoir presque sauvé le monde .
Nous n’étions quand même pas constants dans notre action , puisque paradoxalement et presque pour s’excuser , nous leur amenions souvent à manger . La plupart du temps c’était sous la forme d’un criquet avec un handicap pouvant varier selon notre humeur .
Notre cruauté prenait tout son ampleur a nous voir fascinés devant le changement du chant de notre victime au fur a mesure de son sacrifice .
Sinon , autour de sa maison et dans le bosquet , il y avait un petit chemin qui nous servait de vélodrome . Là des courses effrénées se sont succédées , en poursuite ou en contre la montre . Il y avait sur le parcours une chicane faite de pierres qui dépassaient , une branche qui nous fouettait , la vision sur la fourmilière de nos exploits , un chemin raviné et enfin , le sprint final . Philippe avait un vrai vélo de course et un dandinement semblable aux arrivées du tour de France , il me fallait donc rivaliser de technicité et de malice pour le concurrencer .

Sinon j’ai connu le temps d’un été un voisin habitant juste derrière grand mère , à part de continues courses de vélos , le fait le plus marquant que je me rappelle de lui , c’est son air catastrophé quand il m’a annoncé
« tu te rends compte , Elvis Presley est mort «
Là je me suis bien rendu compte pour la première fois que la perception d’une catastrophe pouvait ne pas être la même pour tout le monde .

Un été , deux sœurs sont venues habiter la maison de l’autre coté de la route . J’étais bouleversé devant les yeux bleus ciel infini et les longs cheveux bouclés châtains clairs d’Agnés . Bien sur comme je voulais jouer l’homme et faire le fier , j’ai rien partagé avec elle sinon le rôle que je me donnais et la paralysie de mon regard quand il croisait le sien .
J’ai même fait devant elle un essai de cascade en vélo qui s’est soldé par le coincement de ma cheville entre le cadre et la pédale , j’aurais pleuré avec moins de honte si j’avais su à l’époque que les antihéros pouvaient aussi avoir un charme .
Quel ne fut pas ma stupéfaction quand , quelques années plus tard je revis Agnès avec une poitrine de femme à m’en donner du vertige . Décidément , tout les souvenirs ne se figent pas .


La maison de mémé ….

C’était une maison avec trois pièces principales .
Au milieu , il y avait la pièce à vivre avec deux portes fenêtres de chaque cotés . derrière la porte de derrière il y avait le petit évier où les choses sèches depuis longtemps séchaient encore .
Le petit poêle a bois assorti de sa cagette où se côtoyait les pignes de pins , le petit bois , les restes de journaux , les bûches et étrangement une lecture a papier glacé du dimanche qui finissait finalement sa vie dans la poubelle quatre étés plus tard .
La grande table au milieu autour duquel il fallait toujours se tordre un peu pour la contourner .
L’immense frigo aux dimension américaines avec son bruit de Chrysler au ralenti ( ouf , ça fait du bien quand ça s’arrête ) . dans le freezer immense il y avait toujours des bacs à glaçons qui semblaient là depuis trois éternités . A l’intérieur même du dit frigo qui arborait fièrement sur sa porte la marque originale « Frigidaire « il y avait beaucoup de place autour de chaque élément disposé , comme si chacun était traité en star a bord d’une limousine .
Dans la porte il y avait une canette de bière entamée et abandonnée lors du dimanche précédant , cela semblait comme une évidence de ne point toucher à celle qui attendait le retour de celui qui l’avait goûté , à travers elle , c’était symboliquement une absence qui était comblée .
La bouteille au verre travaillé et dépoli avec dedans l’eau trop glacée nous attaquait le haut du palais et nous plissait le nez .
Posée dessus , une carafe bleue clair fêlée en guise de décoration , une corbeille de fruits où régnaient obligatoirement des reinettes
( des pommes semblant si vielles qu’elle font toujours peine) qu’adorait grand mère .
Un grand meuble en formica sur des longs pieds chromés en guise de vaisselier , avec un tiroir à trésor où était disposé un bric a brac à bricolage , un ciseau , un opinel , de la ficelle , des élastiques , des fusibles et mille choses de mille tailles semblant bizarrement alignées .
Pour chapeau , un grand bouquet d’herbes en forme de plumeau dans un vieux vase aux fleurs peintes .
Sur les portes , accès aux deux chambres il y avait le calendrier des postes avec des bébés animaux en vedette faisant concurrence aux accidentés et aux feux de forets de celui des pompiers où l’acquisition en plein mois d’août était inévitable . De l’autre coté , un couvercle de boite de chocolat découpé , renouvelé par un autre dés que trop jauni .

Au plafond , des dalles en cartons blanc à l’équilibre mystérieux et aux auréoles inquiétantes ( ou l’inverse ) .

Dans une chambre , un dessus de lit indescriptible , fausse fourrure pas vraiment blanche a poils longs , par terre un tapis orange et en déco sur un meuble deux boites d’emballage cylindrique de whiskies faisaient ma fascination .

Dans l’autre chambre , un lit qui avait la particularité d’être dur comme du bois .Un lit d’enfant qu’on a jamais vu , qu’on verra jamais . Un grand lit haut aussi qui avait une bosse suivi d’un creux ce qui fait qu’on partait presque en exploration quand on s’y engageait . Une madone en plastique avec une grotte qui s’éclairait d’une quinzaine de petites ampoules semblables a celles des guirlandes de Noël , a ces cotés une autre petite madone phosphorescente .
La phosphorescence c’est ce qui peut exister de plus extra terrestre pour un enfant .
Puis mille choses , mon dessin a la craie de la fusée Apollo sur un meuble avec pour fond des collines ( j’aimais bien faire des collines, quatre traits , et hop , un sentiment de paysage à la profondeur infinie ) , les photos de nos parents et grands parents enfants , l’immense tiroir a pharmacie , les bouquets secs et le miroir marbré .

Une maison de vacances est un endroit où on réapprends le rêve .





Ma cousine ou la poupée de cire .

Le temps d’un mois d’août , l’enfant unique et , par force , solitaire se retrouvait accompagnée d’une petite sœur , une fleur sautillante pleine de vie .

Mon occupation favorite était bien de la bousculer au niveau de l’épaule , la déséquilibrer . Là elle poussait son petit cri dont je ne pouvais me passer , un mélange de sirène aphone et de chat en phase d’intimidation juste avant un combat , avec juste enchaîné derrière , comme si ça faisait partie d’un même mot : j’vaisledireàmémé . Malgré cela , je pense que j’étais sage comme une image , j’y pouvais rien j’avais comme un rythme dans la peau le fait de la secouer sans qu’on me voit et la faire couiner comme on étranglerait une girafe en plastique .
Bon le problème d’une fille , c’est qu’elle parle toujours , ça pour envahir l’espace sonore , c’est envahi .
J’aimais bien le fait d’être plus âgé , cela me donnais un petit sentiment de supériorité , ce dont je n’avais pas trop l’habitude . Ce qui faisait que je me donnais le droit de regarder de haut ce qui me paraissait des trucs de gamines . Une fois dans un moment de révolte , elle m’a regardé droit dans les yeux pour me dire
« de toute façons , tu verras dans cinq ans je grandirais , je te rattraperais et je serais comme toi « c’est bien plus tard que je pus mettre des mots sur ce que j’avais ressenti à ce moment là ,
bel et bien le surréalisme existe …

Ces moments passés ensemble étaient vraiment important pour nous , malgré nos répétitives disputes que nous recherchions , nous pouvions nous passez de l’autre .
C’était toujours comme une déchirure en nous quand arrivait le dernier jour . De la voir partir en pleurant me faisait de mon coté pleurer deux fois plus , en dedans …




Le plateau , ou l’arrivée dans un autre monde ….


L’arrivée sur le plateau de Caussols est précédée d’une route dont l’ascension est toujours constante . Tout en haut , on pousse un soupir de soulagement en solidarité avec notre moyen de transport malmené , une petite descente commence alors , une grande courbe et là en face de nous , un nouveau monde renouvelé , le plateau .
A cet endroit , à chaque fois , c’est toujours comme une première fois .
On croit tout voir de là , mais non , plus on s’avance , plus on le redécouvre, comme un amour oublié qu’on re-déshabille .
Le plateau , on ne peut pas l’expliquer , insaisissable , juste des impressions , juste des émotions . Sur le bas cotés des résurgences , des rivières qui sortent et qui rentrent sous terre ,
comme des dragons de mer pour un gosse .
Des champs de jonquilles , des bouffées d’air comme nul ailleurs ,
puis dés fois ce brouillard qui tombe ….
Quand la brume épaisse s’empare du lieu , c’est le plateau qui se vêtit d’une robe de mariée , tout devient opaque a ne plus voir à quatre mètres , on est seul au monde , immergé .
Une fois j’ai vu cette brume de l’observatoire , le plateau n’existait plus , noyé , abandonné là dessous . le brouillard venait fouetter le pied des montagnes telle des vagues feutrées , silencieuses …


Les visiteurs ….


Au bout d’une semaine , il nous arrivait toujours une petite catastrophe .
A ma grand mère ou a moi ( mais pour tout dire surtout à moi ) .
Une fois un pied ouvert d’avoir mal enjambé mon vélo , un genou tout embanastré d’avoir voulu ( le vélo encore ) faire un démarrage trop brutal après un surplace sur du gravier fin ( avec mes pieds coincés dans les cales pieds je me suis vu tomber comme un arbre , euh , comme un idiot aussi … ) , une fois un roulé boulé du tonnerre dans un chemin mal éclairé par la lune pour ma grand mère ,etc , etc … Après avoir fait le compte de nos bleus le soir , là ma grand mère dans un éclair jaillissant disait
« mais bon sang ! coquin de bonsoir ! c’est le 7 août l’anniversaire de la mort de mon pauvre père , c’est lui qui m’a fait un signe pour me punir de n’avoir pas pensé à lui « . Là je pensais que , quand même , il était moyennement sympa de le faire surtout à moi , le signe …
Rituellement , le fantôme de mon arrière grand père était donc , du coup , notre premier visiteur .

Sinon le dimanche était toujours un jour spécial , les membres de notre famille montait nous voir .
Quand on s’isole , c’est un réflexe d’avoir une certaine appréhension devant l’arrivée de personnes extérieures dans notre mini monde où l’organisation , l’équilibre , l’autonomie nous paraissait magique .
Toutefois c’est avec excitation et fierté que nous attendions quand même nos parents pour leur montrer et leur démontrer qu’en effet nous avions bien grandis .
Mon Grand père était exceptionnellement dépossédé de sa moitié tout les mois d’août ,
En effet , la chaleur étouffante de ce dernier sur la cote obligeait ma grand mère à adopter par moment l’expression d’un poisson manquant d’eau , avec sur l’endroit le plus frais de la maison ,
le sol de la cave ….les fesses posées …
Ce qui fait que , sans mal , c’était un rituel que de la voir se condamner à l’exil vers des températures plus douces .
En bas , mon grand père aimait bien rappeler à qui veut l’entendre que ici c’était sa maison et qu’il en était le chef .
Ce qui fait qu’a la moindre contrariété ou à la suite d’une réflexion succédant un éternuement volontairement très sonore et éternisé , il envoyait facilement et rapidement valdinguer la table de la cuisine où il trônait .
Dans ces moments d’orages subits , ma grand mère , pour des raisons domestiques évidentes , excellait dans le rattrapage in extremis à la volée de la bouteille d’huile .
Là , après le sacrifice obligé des deux bouteilles étant restés sur la table , mon regard se figeait sur le mélange du vin et de la limonade au milieu des débris de verre . Je me disais que , quand même , c’était bien dommage pour la limonade , la regardant partir dans ses bulles .

En haut , c’était la maison de ma grand mère , de ce fait mon grand père semblait comme soulagé d’être en territoire où aucune suprématie n’était à défendre . Il était même trop heureux d’être si bien reçu .
Son lieu de prédilection était un fauteuil tressé blanc avec d’indéfinissables coussins comme rembourrage où il compulsait éternellement le quotidien
« nice matin « .

Le lieu qui fixait mon père , pour la lecture de son hebdomadaire glacé a scandale était un relax qui n’avait plus de forme , mélange de ressorts bruyants , d’un dessus moutonneux oranges et de poignées en plastiques sur lesquelles il ne fallait pas s’appuyer fort . il fallait alors un savant mélange d’inconscience et d’héroïsme pour oser s’installer
sans peur dans ce relax là .

Bien sur il y avait aussi ma tante pour venir envahir de bisous ma cousine . Bisous qui étaient pas comparables à ceux de ma mère qui , non contente de m’écraser de ses deux mains contre elle , m’administrait de très sonore bisous écrasés dans les oreilles …

Arrivé 17 heures , ce petit monde partait avant la nuit , le pincement au cœur de leur séparation était relayé par le fait qu’on se retrouve ensemble . Ma grand mère , ma cousine , moi , nos vacances ,
encore un peu ensembles …


Les Claps


Pas loin de chez nous il y avait le départ de la route des Claps , c’est là où mes errances en vélo s’engouffraient .
Je les connais par cœur ces vallonnements , ces petits virages , les tunnels de pins et les petits tas de graviers des bords de la route .
Dans ce décor digne des plus grandes bataille de Napoléon ,
j’étais le héros principal , j’en étais le maître .
En était témoin mes accélérations , mes changements de vitesse au mètre prés et ma casquette à l’envers comme les grands champions . Mon dérailleur , les petites montées , les dangereuses courbes , les nids de poules se mettant au travers de ma route ne me résistaient pas . Après un départ d’étape en trombe , j’avais saisi à froid tout le peloton et je m’étais échappé dés les premiers mètres . Derrière , le peloton s’organisait Bernard Hinault et Zoop Zoetemelk en était réduit a oublier leur rivalité pour pactiser , c’était le seul espoir pour me rejoindre . Mais ma détermination ne faiblissait point et l’écart entre moi et mes poursuivants se creusait , la montée sur trois kilomètres après l’auberge allait me consacrer demi dieu de la grande boucle devant une foule en délire qui m’acclamait .
Le tour de France en juillet chamboule un moment les fantasmes
des enfants , faut dire ….

Les claps à vélo faut les vivre quand le soleil se couche , là les horizons rougeoient comme des braises oubliées , on fait semblant d’avoir peur du loup , d’y croire encore . On fait comme si on allait se perdre , plus se retrouver , c’est un mensonge pour se faire des frissons tout ça . Caussols est une sève , une source . On s’y retrouve toujours , toujours plus fort , réveillant tout ce qui n’a été vécu qu’en partie ….


Les animaux .


Au delà de mes courses dans les champs pour faire bondir les sauterelles de tout les cotés comme la mer rouge s’écarterait devant Moise .

De deux chats qui se régalaient de faire chanter leurs amygdales à croquer des criquets .

De l’insecte qui fait ce petit bruit envoûtant la nuit , tant magique que l’on refuse de savoir ce que c’est de peur de rompre le charme qu’il crée en nous .

Les stars de l’été étaient incontestablement … les mouches .
Petites , nerveuses et nombreuses au début de l’été , abruties , grosses et bruyantes en fin de saison .
Des stars ? inévitablement vu leur omniprésence .
Ce n’était pas les piéges a rubans collants tombants qui pouvait nous sauver .
Ni mes actions sporadiques contre elles quand j’en attrapais de temps en temps .
En guise d’exemple je leur arrachais une aile avant de les poser nonchalamment sur la plaque en fonte bouillante du poêle a bois pour les faire virevolter en accélérant dans une ronde mortelle et pétaradante les rapprochant alors cruellement vers l’aspect d’un pop corn .
Il nous arrivait nous trois de refermer les portes fenêtres de la maison et de nous en défendre comme si nous étions les assiégés de fort Alamo en face des ennemies devenues mexicaines .
Alors nous nous armions d’un journal plié en huit et le massacre pouvait commencer .
Chasser la mouche au journal n’était pas aussi facile que de s’y attaquer avec une tapette . En effet , le souffle du journal venant s’écraser contre l’ennemi pouvait lui faire un appel d’air venant a son salut . Il nous fallait savamment doser la force de notre impact et tenir le journal bien droit .c’est pourquoi le spectacle de l’ennemi réduit en bouillie provoquait en nous une joie non dissimulée . C’était bien sur plus facile d’attendre que l’ennemi se pose sur les vitres pour profiter du leurre qu’offrait la transparence , mais je me rappelle que le meuble en formica blanc offrait beaucoup d’avantages , celui entre autre de retenir plus longtemps les résidus de cadavres .
Nous étions dans l’instant vainqueurs des envahisseurs , un balayage méthodique et le champ de bataille était déblayé pour d’autres aventures …


Le climat .

Un soleil qui semble ne faire jamais mal , qui caresse la peau telle une crème . Mais pourtant qui est bien là et qui rends volontiers écrevisse qui ne l’a pas encore adopté .
Une douceur et une sérénité ambiante qui en peu de temps peut devenir cauchemardesque .
Ne l’entendez vous pas venir , le monstre noir et terrifiant ?
Dans de sourds grondements , il s’avance , il avale l’horizon , écrase les montagnes . Il fait crépiter les pins dans son ombre. Il nous dit au fond du ventre « rentre vite , ça va être terrible « .
Là , on l’entends taper aux tôles du toit , il regrette tant finalement de ne pas nous avoir surpris qu’il rend la maison assourdissante.
Des grêlons comme des dés à coudre s’abattent en cordes , comme si une banquise voulait nous enterrer .
Ses armes du ciel rebondissent jusqu'à cinquante centimètre de hauteur.
On s’hypnotise d’une telle puissance , et c’est tout endormi qu’on revoit d’un coup un rayon de soleil balayant de son reflet le tapis de glace .
Caussols c’est tout ça , on croit s’être endormi ,
alors qu’on vit un songe …


Le champ

Le voir chanter de grillons , le sentir respirer ,
Se coucher du vent comme une mer déchaînée des hublots de la maison devenu navire combatif .
Puis ces mille couleurs , mille fleurs comme des éclaboussures du ciel .
Le champs c’était l’étendue nécessaire à l’élan de nos rêves .

Il y avait la cabane en fer , là où les vélos s’entremêlaient , le bois se séchait , tout se qui ne servait pas s’entassait au fond .
J’y ai trouvé une fois une bouteille de soda qui fait dire bonjour en anglais . C’était juste avant un repas de famille où le fait que la table n’était point fournie de telles boissons m’avait fortement contrarié .
N’écoutant que mon enthousiasme d’avoir été entendu du hasard , n’ayant aucune considération pour la couleur incertaine du breuvage et faisant entièrement confiance à l’étiquette en place , c’est à grandes goulées que j’allais chercher mon plaisir . Quelle ne fut pas ma surprise quand m’apercevant que le goût n’était pas conforme à l’idée que je m’en faisait , j’ouvris la bouche et au lieu de sortir un son , je fis une immense bulle , j’étais devenu alors un contenant de produit ménager .

Au pied de la cabane , une bouteille de butane décapitée , peinte à la bombe en argent recyclée en pot de fleurs . Ne dites à personne que sous la bouteille il y avait la clé de la cabane en fer, que dans la cabane en fer sur un crochet à gauche il y avait la clé de la porte de derrière de la maison , que dans le coin du volet de la porte de derrière de la maison il y avait la clé des wc , que dans les wc , etc, etc ….
Si un élément de toute cette organisation n’était pas respecté , alors c’était comme si le ciel nous tombait sur la tête au vu de notre désœuvrement , où le rouage a t il pu se gripper alors que les consignes étaient bien répétées toute la journée ? ? ? ?

De grands sacs en toiles de jute étaient pendus en plein soleil aux branches des arbres . Ils étaient remplis de coulis de tomate de
grand mère .
C’était tout les excédents de l’abondante récolte d’en bas , on pouvait plus les voir en peinture tellement il y en avait ( pour tout dire ).
Ce coulis , source de tant d’efforts allait nous accompagner toute l’année avec les inoubliables , incomparables , indicibles raviolis de mémé .

Le mur contre la maison , mon compagnon fidèle de mes passes de foot .
C’est pas très sympa un mur , ça vous renvoit toujours la balle , de suite , sans perdre de temps . C’est toujours vous qui finissez par perdre et vous ridiculiser en face de lui , imperturbable et silencieux . Ce qui me marquais le plus c’était le son répétitif du ballon contre lui , suivi du rebond contre le sol , j’entends encore ces bruits . Sur ce mur , des raccords du crépi me laissait deviner un grand bonhomme à tête carrée , jambes et bras écartées , je suis heureux qu’il ait été là …


Ma grand mère


Ma grand mère , mon soleil intérieur …
Les matins , je la sens se lever en moi …
Là sont ancrées des bouts d’elle …
Frissonnant sur chaque émotions à vivre …
Ces bouts d’ailes m’envoleront toujours …

Ma grand mère , mon trésor …
Ne valant pas tout l’or du monde …
La corde sensible en moi …
Vibrante en son souvenir …
Je ne suis que sa musique …

Ma petite poupée russe , ma petite pomme fripée
Dans ses bajoues saisies de mes mains
Elle portait tant d’amour
Tant de douceur , tant de tendresse
Pas encore dites …

Dans sa voie j’entends sa voix
Déraillant sur l’arc en ciel des ressentis
Pouvant me tordre le ventre de rire
Ou me saisir les yeux de pleurs
En trois secondes

Au fond de moi poussent des roses ,
Celles de Noël , blanches , veloutées ,
Pour moi si belles , éternelles ,
Je ne me souviens pas qu'un jour ,
J’ai pu les voir faner .

J’en offrais à grand mère
Au fond de moi est resté
Sa peau de miel, plissée , veloutée .
Le temps qui passe
la rend plus belle , éternelle .

Il n’existe pas , ce matin glacé
Celui qui les a fait tomber ...

Tout laure du monde ...


















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Hélène
Envoyé jeudi 12 février 2004 - 22h46:   

Noël j'ai vraiment aimé ce poème pour ta grand mère. ailleurs tu m'avais lu et j'ai voulu savoir comment tu écrivais . j'ai remarqué remarqué celui là en premier. peut être que je suis narcissique parce que je suis grand mère tu dois beaucoup l'aimer . c'est bien les garçons qui osent être tendres.
je lirai toute ta nouvelle demain . je voulais te redire pour ce poème.

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