La Lumière Log Out | Thèmes | Recherche
Modérateurs | Fiche Personnelle

66 zone franche - Le forum de Francopolis » Romans, nouvelles » La Lumière « précédent Suivant »

Auteur Message
Top of pagePrevious messageNext messageBottom of page Link to this message

mary
Envoyé samedi 10 avril 2004 - 09h11:   

La lumière

Stan se réveilla de bonne humeur : la journée promettait de ne pas être ennuyeuse.
A Paris les Arabes commettaient des attentats, en Algérie les intégristes gardaient le pouvoir.
Il se passait des choses…
C’était excitant !
Stan se frotta les mains, il aura des sujets de conversation avec son ami Romejko.
Il pourra présenter, expliquer, analyser la situation et en tirer des conclusions.
En bref, il donnera une petite conférence.
Après une soigneuse toilette, bien arrosée d’eau de cologne, Stan appela enfin son ami.
Le désastre, l’angoisse ! Romejko n’est pas chez lui. Un autre téléphone, il n’est pas non plus chez sa première femme,
ni chez son fils,
ni chez sa seconde et dernière épouse.
La situation commençait à être sérieusement grave. Il restait cependant un dernier espoir :
peut-être : tout simplement Romejko est allé au travail ! C’est une éventualité à prendre en compte.
La réponse ne tarda pas. : effectivement selon la standardiste il était en train de réparer des télés chez le client. Stan n’était pas dupe, ces clients ils ses connaissaient bien !
Il commença alors énergiquement à préparer sa chambre pour la visite de Romejko.
Ce travail in n’était pas vraiment difficile, il fallait juste vider une chaise et le cendrier, dégager un coin de la table et laver les deux verres qui demeuraient là depuis la dernière visite. Aucun coup de fil ne gâcha ces heureux préparatifs.
Une heure passa et tan était au comble du désespoir. Il savait déjà : Romejko ne viendra pas.
- « Mais où il est putain de merde ! » - explosa Stan.
Sérieusement inquiet il se met à appeler partout. Il n’était dans aucun l’hôpital, ni aux urgences, ni même dans un commissariat de police ni dans une de nombreuses «salles de desoûlement ».
Il restait un dernier endroit, peut-être ? Ils se connaissaient bien tous les deux, ils y allaient souvent chercher tantôt un tantôt l’autre. Sa décision était vite prise et quinze minutes après Stan était déjà assis dans un taxi pour voler au secours de son ami.
Tout était clair désormais : Romejko, selon son habitude, s’était fait choper complètement soûl, en train de rendre le jugement dernier, d’injurier le monde entier jusqu’à ce que le «Comité de la défense nationalité » intervienne.
Le taxi s’arrêta devant le panneau : «Camps de redressement », mais cette fois-ci rien n’était comme avant. La direction du camp avait changé, et sa politique également.
Après une douche froide les détenus ne passaient plus leurs temps à lire «Instruction de bon comportement du citoyen ». Maintenant, on appliquait les nouvelles méthodes, la thérapie de groupe. Le séjour dans le camp était toujours obligatoire, mais après le changement, il était devenu très long, comme une véritable thérapie.
La direction, avant de renvoyer le patient chez lui, devait être absolument rassurée quand à son retour dans le droit chemin. Dans ces conditions Romejko risquait de ne jamais revenir.

Stan avait obtenu le droit de rentrer dans le camp et de participer aux animations, mais il n’avait pas la permission de parler de son ami ni à quiconque.
Il n’était guerre difficile de distinguer Stan au milieu des autres : il était seul, dans cette immense salle remplie des gens, à être habillé d’un vieil imperméable sale et aussi le seul d’avoir des cheveux. Tous les autres portaient de longues blouses blanches et avaient le crâne rasé. On n’apercevait aucun surveillant et pourtant a discipline était parfaite. Chacun, les yeux mi-clos, tournait lentement sur lui-même en marmonnant doucement. Chacun créait son propre monde, s’immergeant dans ses propres pensées.
Tout un coup tout s’arrêta. Un personnage entièrement doré apparut. Tous les yeux se tournèrent vers lui. Il parlait à vois basse, mais l’écho amplifiait ses paroles :
- « Je vous le promets, nous vous le promettons : la sortie du tunnel est proche.
Vous allez avoir le privilège de voir la lumière du jour … voir la lumière du jour…la lumière du jour…du jour… »
Romejko tout pâle est tremblant, tira la manche de Stan et chuchota : « On se casse ».
Personne ne les arrêta ; tous envoûtés, contemplait le plafond dans l’attente de la lumière.
- « Pourquoi partir ? » - demanda Stan avec un ton de reproche, - «juste quand je commençais à m’amuser. Peut-être aurais-je pu donner ma conférence, les gens avaient l’air d’être prêt à écouter. »
-« Dépêche-toi » répondit Romejko en le tirant encore plus fort. – «Ils sont complètement barjos, tu donneras ta conférence plus tard »




Ils s’installèrent confortablement dans un bar du coin et, tout en buvant un coup, purent enfin s’adonner à leur occupation préfère.

- « Tu sais combien je suis fragile » commença Romejko - «dès que j’ai bu un peu il faut absolument que j’évacue alors, à peine arrêté, tant pis pur le programme de rééducation : j’était obligé d’aller au cabinet. Et là, au bout d’un moment, j’entends des bruits, des cris, des injures je grimpe sur la cuvette des chiottes, et qu’est-ce que je vois ?
Une vraie salle de tortures !
Moi, sensible et délicat, ça ma traumatisé de suite. Tous ce que j’ai vu pouvait me
provoquer un grand malaise, tu t’imagines ?
On chargeait les gars dans les grandes machines et au bout de dix minutes de lavage ils
sortaient tout propre, tout gentil et …tous pareils.
Ça c’est une invention !
Ils secouaient, je crois, les chromosomes, les atomes, les protons, les neutrons, les
électrons, les gènes et hop ! les gens sortent comme des jumeaux ou dans l’armée,
tous pareils. Moi, avec ma santé fragile, mes problèmes de circulation, mes migraines,
mon début de l’asthme et Dieu sais quoi encore je ne pouvait pas m’adonner à des
expériences pareilles. Cela aurait ruiné ma santé. A moins de me décider de ma sacrifier pour les civilisations futures. Mais je n’étais pas de bonne humeur. J’avais mal à la tête, au ventre et en plus j’avais sommeil car j’avais passé une nuit blanche. »

Et ils bavardaient ainsi, heureux de ne pas avoir eu à contempler «la lumière de jour » ;
maintenant, cela les faisait bien rire.

Mais à leur grande surprise, au petit matin, quand le barman en eut vraiment assez d’eux et les mit dehors, ils découvrirent «la lumière du jour » …au ras du caniveau.





Message:
Identificateur : Information d'envoi:
Cet espace est public. Entrez votre nom d'intervenant et votre mot de passe si vous avez un compte. Sinon, entrez vos Nom, Prénom et votre nom d'intervenant si vous avez un compte . Laissez le champ 'mot de passe' vide. Votre adresse E-mail est optionnelle.
Mot de passe :
E-mail:
Options: Ecrire en tant que "Anonyme"
Code HTML non valide dans un message
Activation automatique d'URL dans un message
Envoyer:

Thèmes | Depuis hier | La semaine dernière | Vue d'ensemble | Recherche | Aide - Guide | Crédits programme Administration